Gerard Denis : peinture, pierres et bois

Un homme de dos, pull bleu sur les épaules comme un coin de ciel, regarde des toiles peintes.
« Bleu outremer, c’est le plus beau bleu pour moi. » Lui c’est l’artiste peintre Gérard Denis, un des artistes invités Autour du paysage du Château de Wanne. Dimanche 22 mai.
Il parle de spontanéité, je dévisage des paysages. A ne pas chercher dans la nature environnante… ils le peuplent de l’intérieur. Abstraction lyrique et peinture gestuelle, l’artiste dit empêcher la réflexion trop intense et laisser libre cours au mouvement. « Ce tableau-ci est né en trois minutes » précise-t-il. « Il faut agir ». Un visiteur commente pourtant à sa compagne : « je me repose tu sais en regardant ce bleu. » La tourmente des couleurs imprime un incroyable mouvement sur les murs de la pièce. Au sol je me baisse pour ramasser un petit papier : quelques mots d’une poésie : « Les hautes rivières »-Yvette Barré-Barteaux :
« Robes blanches de long brouillard…
…En la forêt qui se démembre…
Pierres et bois sur socles blancs côtoient les peintures. Une pierre comme un garde au pied des toiles. Les bois comme de hautes silhouettes, des tours qui encadrent.
Une petite fille, visiteuse vêtue de blanc, est entrée dans la salle d’exposition. Elle s’arrête, face à face avec une sculpture de bois. Elle semble se mesurer à la taille d’un tronc de bois. Elle tiraille son collier et joue des cercles autour de son cou, elle s’éloigne et sautille dans l’espace. Son pied frôle une autre poésie : « Lyrisme sourd de l’Ardenne » : « Pas de couleurs : mais toutes les nuances du bleu, du vert et du mauve, le champ d’épilobes au pied des sapins, et, le plus souvent, cette âpre et douce grisaille teintée de reflets de schistes. »- Pierre Nothomb
La petite fille s’appelle Nora. Nora en sa Maison de poupée. Mais tu es dans un château, Nora et le peintre s’est adossé un coin de ciel, l’as-tu vu… ?
Quittant Autour du Paysage, une initiative de Kadriculture, je suis montée sur les hauteurs de Trois- Ponts, quelques jours plus tard, laissant l’agitation humaine en bas derrière moi. Nous parlons de l’horizon dégagé devant sa maison, source d’inspiration plus que probablement, des fleurs en bouquet sur les meubles, des rosiers le long des pierres mosaïques de la maison, de sa forêt qui l’entoure sans barrière ni barbelé. Je voulais entendre à nouveau Gérard parler de ses chemins de peintre, et promener mes regards dans ses paysages. Sur le mur blanc- « ce n’est pas blanc, me dit-il… » Sur le mur coquille d’œuf( !) deux toiles de teintes claires se détachent. C’est de la cendre et acrylique me déclare—t’il. J’apprends ainsi qu’il manie avec égale assurance divers outils, différents matériaux. Il suit une impulsion et un processus d’évidence. Une sérénité et une profondeur m’immobilise dans le silence de ces deux toiles, abstraites oui mais j’y perçois formes et atmosphères. Il ouvre la porte de l’atelier, s’excusant du savoureux désordre… « toujours ainsi après une exposition. » Il effeuille pour moi le parcours de ses toiles sur de longues années, ne négligeant ni la reconnaissance de l’ami Willy, un autre peintre spadois qui la poussé dans le dos : « prends une brosse » alors qu’il se cherchait dans la complexité de dessins abstraits du début, ni l’exigence par la critique de premiers dessins ou de toiles « où il ne se passe rien ! » Les noirs et blancs sont plus lents à être approchés. Sobres, certes, et invitant au détachement des émotions et à la réflexion avec des parties de soi. Très généreusement il me donne quelques enseignements, les règles de base de l’emploi des couleurs, de la nécessité de l’harmonie née du mélange, de la cueillette de l’œil spectateur. « L’art doit troubler, interroger l’indicible » affirme-t-il sans complaisance.
Quelques paysages sont accrochés jusqu’au 5 juin à L’Espace culturel de Trois- Ponts.
Maria V.