Seniors et informatique : c’est compatible. Le GSARA le dit, le GSARA le prouve

écrit par ReneDislaire
le 17/09/2007
Laurence au tableau: mes documents, nouveau dossier, fichier: cent fois sur le metier remettez votre ouvrage...

Je suis un « senior ». Il y a dix mois, en informatique, j’étais ignare et nul. Et encore, je suis gentil avec moi, peut-être les termes appropriés sont-ils plutôt : « crétin et idiot » !
Car non seulement je n’y connaissais rien, mais en plus, ma vie durant, j’ai eu une aversion (une répulsion, une phobie ?) pour tout ce qui est technique, électronique, et a fortiori informatique.
Il y a quelques semaines, Jean-Marie Lesage m’offrait de collaborer à Ardenneweb, et je viens, de chez moi, de mettre le présent article « en ligne » sur le Web, ainsi que les photos numériques que j’ai prises moi-même, recadrées, retouchées, allégées à 500 pixels, etc. Pas mal, non ?

L’histoire de mon initiation de senior à l’informatique

En septembre 2006, j’ai vu un communiqué de presse dans un quotidien : « cours d’initiation à l’informatique pour seniors, organisés par le GSARA, à Libramont ». Ce machin-là, c’est pas pour moi.

Quelques jours plus tard, je téléphone quand même au GSARA, car je commence à en avoir marre de passer pour un ce que j’ai dit plus haut. En effet, une « gamine » venait de me refuser une carte de client, donc des avantages, dans une chaîne de grand magasin, parce que, en remplissant le formulaire de demande, arrivés à l’endroit : « adresse mail », j’avais répondu : « je n’en ai pas ». Alors elle m’a regardé comme on regarde un iguanodon de Bernissart, et me dit : « dans ce cas, désolée, Monsieur, ça ne marche pas ».
J’appelle donc le GSARA. « L’informatique m’intéresse, mais je n’y connais absolument rien, et si j’ai passé les soixante ans sans jamais rien pouvoir apprendre, c’est que je suis un cancre en la matière ». La dame me répond : « c’est justement ça qui m’intéresse, c’est la seule condition pour s’inscrire à mes cours. Mais malheureusement, mon atelier de formation était limité à dix personnes, et depuis que l’annonce est passée, j’ai reçu beaucoup de demandes, et c’est complet. Cependant j’essaye d’obtenir des crédits pour constituer un deuxième groupe de dix personnes, et si j’obtiens satisfaction, je vous inscris bien volontiers ». Quelques jours après, coup de fil : « ici Laurence Schalkwijk, du GSARA. Si ça vous intéresse toujours, j’ai un deuxième groupe, le lundi matin ». Embarqué !
Premier cours, fin octobre. « Je m’appelle Laurence Schalkwijk, mais je reconnais c’est un peu compliqué : pour ne pas estropier mon nom, ne m’appelez donc pas Madame Schalkwijk, mais Laurence ». Le ton est donné.
A côté de moi, Félicie, 79 ans. Pas plus que moi, elle n’avait jamais tenu de sa vie une souris dans sa main. J’ignorais même qu’il y avait une roulette au milieu, et deux touches, l’une pour le clic gauche, l’autre pour le clic droit : c’est vous dire. Laurence rime avec patience : durant trois heures d’atelier (il ne faut pas dire « cours d’informatique », mais « atelier ») Laurence se limita à nous familiariser avec la souris, et avec l’une ou l’autre touche du clavier, pas davantage.
Qui va piano va sano : après huit mois, un peu le résultat ! Merci, et bravo Laurence.

Laurence, ça rime avec patience

Plusieurs fois par cours, Laurence demande : « est-ce que tout le monde a bien compris ? Je continue si tout le monde a compris, et se sent capable de le refaire tout seul. Si une seule personne n’a pas compris, je recommence ». Et combien de fois n’a-t-elle pas dû recommencer, souvent d’ailleurs à ma demande. Avec tact, pédagogie, sérénité et sourire.
Pas évident d’initier des « vieux » à des choses nouvelles, à des gestes inconnus. Si on s’accorde à s’émerveiller à la vue des institutrices et instituteurs qui apprennent à lire aux petits, ces enseignants ont un fameux avantage sur Laurence : ils ont déjà eu six ou sept ans, et savent ce que c’est, pour l’avoir vécu, d’assimiler du neuf à cet âge. Mais Laurence n’a jamais eu l’âge de sa mère, elle ne connaît donc pas de l’intérieur les fameuses difficultés de « mémoire proche » qui sont le lot de tous les seniors ! Et l’âge moyen des élèves avoisine la septantaine : nombreux sommes-nous à souffrir d’un léger tremblement du bout des doigts. Pas évident dès lors de « double cliquer », très rapidement et sans bouger la souris, le curseur pointé là où il le faut, à un millimètre près. Jamais, Laurence n’a laissé apparaître qu’elle avait remarqué ce léger handicap chez l’un ou l’autre d’entre nous.

Ambiance, ambiance

Faudrait pas croire que les ateliers se passent à une cadence d’usine ! Si chacune et chacun a les yeux braqués sur son ordi à partir de 9 heures, à 10h30, vient le quart d’heure de la pause café. On change de local, on quitte chacun son ordi et on rejoint une table ronde plus conviviale, dans l’agréable cafétéria, sous un puits de lumière. Il n’y a pas que du café, mais aussi des biscuits pour sustenter ce qu’il nous reste de neurones ! Et là, on ne parle pas d’informatique, ou si peu : juste pour dire qu’on a reçu la veille, par Internet, des nouvelles de sa petite-fille habitant en Argentine. Contact inimaginable il y a quelques mois seulement : Mémé n’est pas peu fière d’avoir répondu dans l’heure. Mais Maryse parle de son club de marche à Bertrix, Robert de sa randonnée cycliste de la veille, Marcel se donne l’air d’un sage en prônant les vertus de l’Orval, André le Bastognard se dit frustré depuis que le Sherman a quitté son Carré (il est revenu depuis !), Nelly la Bouillonnaise papote avec Marie-Louise la Marchoise sur les villes impériales du Maroc. Georgette explique sa recette du boudin de Noël ardennais, Michèle préférant faire du matoufè, que nous mangeâmes un certain jour avec un appétit de bûcherons, en plein milieu de la matinée. Et s’il y a un anniversaire, on est prié d’amener son gâteau, que l’on déguste alors avec un petit mousseux (70 cl pour onze personnes, pas de quoi fouetter un chat !) pétillant comme les yeux de Laurence.

A propos, c’est quoi le GSARA ?

C’est le Groupe Socialiste d’Action et de Réflexion sur l’Audiovisuel. Une « chapelle » du P.S., en quelque sorte. Service d’éducation permanente et d’insertion socio-professionnelle, son objectif, avec les seniors, est ici de lutter contre « la fracture numérique », et donc l’isolement du troisième âge. Le président est Philippe Mahoux, ancien ministre et sénateur, et l’administrateur luxembourgeois est Daniel Ledent, président de la députation provinciale et de l’intercommunale IDELUX.

Laurence, ça rime avec tolérance

Je n’ai appris la signification de cet acronyme qu’au troisième atelier. Quand j’ai rejoint le GSARA, le premier jour, je n’avais que son adresse (Libramont, rue Fonteny Maroy, 13 - c’est la zone artisanale de Flohimont), et le numéro de téléphone de Laurence, qui s’était bien gardée de faire allusion au PS, quand on se parlait au téléphone, ce qui aurait pourtant facilité mon repérage pour trouver le chemin. Je suis arrivé dans un grand bâtiment, et j’ai tout de suite remarqué que j’étais au siège du parti socialiste provincial, ainsi que de la FGTB. Nous fûmes plus d’un senior à être un peu surpris, et pourquoi ne pas dire décontenancés, de nous retrouver dans un « machin » socialiste, ce qui ne répond pas nécessairement aux opinions de chacun. Mais jamais Laurence n’a eu le moindre propos militant ou encore moins partisan, jamais il n’a été demandé à qui que ce soi de souscrire à quoi que ce soit qui engage ses opinions, ou de dire quelque chose qui les dévoile. Avec Laurence, j’ai suivi une formation en informatique, mais aussi reçu une grande leçon d’ouverture et de tolérance.

Intéressé ?

A propos, ce n’est pas deux ateliers au lieu d’un, que Laurence Schalkwijk a mis sur pied l’an passé, mais bien quatre ! Quarante cancres, qu’à formés Laurence-la-masochiste, j’écris « masochiste » puisque être cancre, c’est la première condition pour qu’elle nous ouvre ses bras ! Et cet automne, ça recommence.
Intéressé ? Peut-être pas vous, qui avez manipulé Internet pour avoir accès à ces lignes, et connaissez donc déjà la musique. Mais un parent, un proche ? Appelez donc Laurence au 061.658576. Et si, en plus d’être, comme je l’étais, complètement bouché à l’informatique, vous faites partie du nombre des Wallons qu’Yves Leterme estime incapables de prononcer correctement un mot de néerlandais, vous pouvez, même lors d’un premier contact, au lieu de dire « Madame Schalkwijk », dire « bonjour Madame Laurence ». S’il vous subsiste une certaine gêne à une telle familiarité, dites que c’est moi qui vous ai dit de le faire!

René Dislaire.

liens:
http://www.ardenneweb.eu/reportages/2010/le_gsara_l_age_d_or_et_les_serr...
http://www.ardenneweb.eu/reportages/2010/gsara_libramont_seniors_informa...

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