Des andouillers d’attaque plaqués or à Saint-Hubert
Elle est révérende cent fois plus qu’elle ne nous semble, l’exposition annuelle de trophées que sert le Royal Saint-Hubert Club dans la spacieuse intimité de son sanctuaire du fourneau Saint-Michel.
La Révolution, c’est les vacances de la vie (André Malraux)
Le Mur tombait.
Grande courbe pour la culture cynégétique qui osa, voici 20 années, au point que si la quantité des cerfs est demeurée depuis lors relativement stable, leur évolution qualitative a progressé de 1 à 10.
Résultat : auréolés des plus hautes distinctions, des trophées superbes.
Certaines décorations sont d’or, d’autres d’argent. Elles sont décernées par un jury d’experts international.
Les 5 et 6 septembre 2010, presque toutes le médailles de Belgique étaient accrochées à Saint-Hubert : 47 d’or sur 48 existantes, et 162 d’argent.
L’argent s’obtient à partir de 180 points, l’or à partir de 195. Passé 200, c’est l’Himalaya.
De multiples facteurs interviennent dans ce calcul : la circonférence des bois à la base, leur poids, leur dimension, le nombre de cors, souvent différent à gauche et à droite, et tout ce qu’il y a de subjectif dans l’appréciation des vertus.
Celui qui croît vivra
Président du Royal Saint-Hubert Club, Benoît Petit exprime son admiration devant les efforts accomplis par un cerf pour nous offrir son haut-de-forme, attribut de sa respectabilité et de son rang social.
Les bois sont caducs : le cerf les perd fin février ou début mars. Ils repoussent ensuite selon la même configuration que celle perdue, mais avec chaque fois un supplément de ramure.
Cette croissance se fait en trois mois, pour atteindre jusqu’à un mètre ou davantage à l’âge de 10 ans.
Faites le calcul : un centimètre de perche par jour, de chaque côté du crâne.
L’énergie consacrée par le cerf à cette production osseuse est énorme.
Aussi n’est-il capable de sérieusement s’y consacrer qu’une fois son squelette terminé, soit une fois atteint l’âge de 5 ans.
Et comme les gardes exercent à l’égard de leur patron de chasseur un droit de veto de plus en plus rigoureux, qui protège les cerfs de moins de dix ans, leur population se pavane une avec coiffe plus arborescente d’automne en automne.
Mode d’emploi et garantie
Garde-chasse îlotier en charge de 2.000 hectares de forêts à Nassogne, Didier Robe a finement observé la psychologie des caïds de la zone.
Primo. Les bois d’un cerf sont des attributs qui expriment sa force, qui en imposent aux autres.
Cela se voit de loin et il le sait, le macho.
Secundo. C’est en frictionnant les branches de sa parure contre celles des arbres qu’il marque son territoire : les volatiles molécules déposées par les attouchements de ses passages palissadent son oppidum et sans cesse le repalissadent.
Cet écran d’odeur est particulièrement sensible lorsque le velours dont ses bois sont revêtus tombent en lambeaux.
En effet, c’est une peau nourricière qui amène tout ce qui est nécessaire à la croissance de la ramure. Devenue inutile, cette membrane pèle ; l’odeur répandue s’accentue et marque d’autant la puissance de l’animal: ça tombe bien, la période du rut commence.
Tertio. Les bois serviront d’arme, et peut-être d’arme fatale, lors du combat des chefs, lorsqu’un benjamin voudra devenir calife à la place du calife.
Et c’est donc aussi pour les acérer que le cerf frotte ses estocs aux arbres. Etonnant : c’est la dague, le premier cor (le plus proche du crâne mais aussi celui qu’il porte dès l’âge de 2 ans) que le cerf affûte le plus, bien que le reste de la ramure ne rende pas l’opération des plus faciles.
Cet os est l’andouiller d’attaque, qui lui permettra de transpercer le crâne du rival ou de l’éventrer. Si ce n’est pas la mort immédiate de l’adversaire, c’est la gangrène presque assurée.
Quarto. Des scientifiques sont persuadés que la ramure augmente la capacité auditive du cerf, ce qui est bien pratique quand l’âge diminue le sens de l’ouïe. Les bois sont une sorte d’antenne râteau, et même d’antenne parabolique si le sommet est en paume. A bon entendeur…
René Dislaire
P.S. 1. Des clics sur les photos illustrent quelques termes techniques. Les légendes ne peuvent s'écrire qu'en caractères américains: donc, ni accent, ni cédille. Sorry.
2. Le début de la première phrase sent un peu le désuet. Il reprend quelques mots du plus célèbre des gardes forestiers, dont la qualité de l'écriture ne peut être mise en doute: Jean de La Fontaine.
Vous savez? l'auteur de L'oeil du Maître.
Un Cerf s'étant sauvé dans une étable à boeufs
Fut d'abord averti par eux
Qu'il cherchât un meilleur asile...