Vacances Theatre Stavelot : inventaire des belles soirées

écrit par Anonyme (non vérifié)
le 01/08/2010

Pour terminer juillet par un inventaire des beaux jours, fermons les yeux et remémorons quelques belles soirées de cette étonnante édition des Vacances Théâtre Stavelot.
Descente dans les caves de l’abbaye de Stavelot : montée aux anges !
Jeudi 8 juillet 2010 : Inauguration du Festival des Vacances Théâtre : une scène- puisqu’il s’agit d’honorer le théâtre- où se succèdent les orateurs Paul- Emile Motard, député provincial, Pierre Erler, échevin de la culture de Stavelot et Patrice Lefebvre, président du Centre culturel de Stavelot.
D’emblée est soulignée la qualité de la programmation de cette édition du Festival, des artistes de renommée, certains devenus fidèles amis des VTS, feront les beaux soirs de Stavelot. L’esprit novateur de son directeur-fondateur, Pol Deranne- aujourd’hui épaulé par la généreuse, voire gourmande sensibilité artistique et le savoir-faire organisateur de Jacques Deck-est applaudi. Chaque année, il étonne par un apport inédit, un petit plus. Pour cette quarante-cinquième année, la surprise est de taille : un chapiteau, ouvrage de Marc Decrollier, artiste danseur- comédien et metteur en scène qui l’a conçu pour y réaliser et jouer ses propres spectacles. Dans la galerie attenante aux caves, une exposition rend hommage au cinquantième anniversaire de la mort de Albert Camus. Elle chemine tel un livre ouvert, panneaux de photographies et de citations de l’écrivain, prix Nobel de littérature et reporter engagé, auteur à « la philosophie réjouissante » comme le dira Patrice Lefebvre, nous encourageant ainsi à le relire ! Itinérante, cette exposition « La révolte et la liberté », est une création de Hypothésarts et elle accompagnera le spectacle de Benoît Verhaert, « La chute de Camus ».
Les caves voûtées ont été aménagées en salle de restaurant et petit salon de discussion d’après spectacle par l’équipe du Chalet suisse à Sart-lez-Spa.
Première soirée, montée des marches du chapiteau sous un soleil de plomb. Les acteurs Eve Bonfanti et Yves Hunstad sont déjà sur scène, attablés pour leur « Fabrique imaginaire » (nom ô bien porté par leur compagnie !) : deux écrivains venus là pour nous lire leur nouveau texte-pas tout à fait né, « Au bord de l’eau »…les pages sont encore mélangées ! Une histoire toute simple : un pique- nique au bord de l’eau où vont se retrouver des personnages descendus des cintres est prétexte à plonger le public dans un étang, scénographie imaginaire et mise en abîme du théâtre et de la vie, absurde et poétique. Spectatrices et spectateurs surnagent dans un bain d’hilarité.
Poursuivons l’inventaire de deux semaines riches et inventives.
Pour « Ubu à l’Elysée », l’humour - plus caustique il est vrai- reste au goût de la deuxième soirée. Il s’agit d’une libre inspiration de l’œuvre d’Alfred Jarry par Claude Semal et Yvan Fox, parodiant les fastes de l’Elysée, les allées et venues de son président et de son entourage. Nain, marionnettes et vers de mirliton donnent le ton de ce moment ubuesque.
Quittons pour un soir Humour rayonnant ou décapant. Les pans du chapiteau sont relevés sous l’écrasante chaleur et les échappées sur la cour pavée rafraîchissent le public venu nombreux. Francis Huster arpente la scène stavelotaine à en perdre haleine. Il interprète « Traversée de Paris », faisant entendre à lui seul 15 personnages qui cristallisent la douloureuse vérité de cette nouvelle cruelle qui en dit tant sur la France, signée Marcel Aymé. En avant- partie de spectacle, il nous adresse une véritable leçon de théâtre. Comme me le confiera Jean- Marc Rouffart, un des techniciens et régisseurs pour le Festival « j’aurais au moins appris une chose : le pourquoi des 20 minutes, qui est la durée d’un acte dans une pièce de théâtre classique »…tout simplement le temps que se consument les bougies qui éclairaient alors les scènes de théâtre. Quant aux deux techniciens je leur tire ici mon chapeau de paille pour leur sportive prestation : les voilà durant une heure quinze poursuivant de lumière avec un projecteur- poursuite l’acteur français à la mobilité démangée par les feux de la rampe !
Faisant concurrence à la soirée de finale footballistique du mundial, la compagnie Pi 3,14 égratigne joyeusement l’actualité de notre plat pays. Dans ses filets : la famille royale, les hommes politiques et l’Eglise. Une revue dynamique composée des meilleurs numéros de ce mensuel qui tourne depuis trois saisons avec le trio liégeois : Sandrine Bergot, Baptiste Isaïa et Renaud Riga. Au micro et clavier : B. Randaxhe. Copieuses lectures de la presse et des médias en préparation à chaque représentation de ce projet dont l’écriture a été confiée à l’écrivain Nicolas Ansion. La scénographie, une haute muraille blanche permet des projections filmées, des ouvertures de scènes ou des montées sur castelet. La scénographe, Claudine Mauss, à l’issue du spectacle tronçonnera un morceau du décor pour récompenser la spectatrice ayant répondu au jeu- concours. De quoi démonter en fanfare ce projet à la dérision bien trempée, vive et endiablée.
Le début de seconde semaine annonce un retour sous les voûtes des caves : d’abord avec l’adaptation et la création de Benoît Verhaert qui remet à l’honneur Albert Camus, figure littéraire engagée et majeure du 20 ième siècle. Pour ce spectacle, souhaitant une grande proximité avec le public, il crée une forme dramatique particulière : le Café-Théâtre Dramatique. Un texte d’auteur, un texte fort résonne comme dans l’espace d’un café- cabaret. Couleur cabaret qu’accentue la présence de la chanteuse de jazz, Laïla Amézian.
Le lendemain, dans les caves romanes, Fanchon Daemers donne sa libre voix à Apollinaire et à « La Chanson du Mal Aimé ». L’espace inclus entre les deux colonnes de la salle des Gardes est lumineux et balisé d’instruments aux contours étranges. La chanteuse fera une station auprès de chaque instrument, s’accordant intimement et intégralement à lui. Pour le centenaire de la publication de La Chanson du Mal Aimé l’Association Internationale des Amis de Guillaume Apollinaire a fait la demande à Fanchon Daemers de mettre en musique et en voix le poème. Un cadeau pour elle, un cadeau pour le public de Stavelot. Parties chantées et parties déclamées allient la force et la fragilité de cette artiste incroyable et bouleversante, qui se dit « peuplée de voix de femmes et d’hommes »- Guillaume Apollinaire est l’un d’eux, sans conteste. L’abbaye et la salle des Gardes lui permettent de poursuivre son travail avec l’acoustique des lieux. Il m’a ainsi semblé ce soir-là qu’une déesse était descendue dans les caves pour y sonder les ténèbres d’un amour.
Milieu de semaine sous chapiteau. La compagnie venue de Maastricht : ‘T Magisch Theatertje Maastricht ouvre sa malle de marionnettes, masques et figures, confectionnées habilement par Charlotte Puyk-Joolen, fondatrice de la compagnie et mère de la jeune comédienne de ce spectacle, Ananda Puyk. L’au-delà des apparences dans un petit intérieur choisi de plein gré ou subi comme une prison. Une jeune femme laisse s’exprimer doutes, impuissances et fragilités, ce qui la mènera vers une force insoupçonnée, un envol traversant le décorum de notre époque contemporaine et de son souci de la perfection. Un spectacle visuel, combinant théâtre de mouvement, manipulation de figures et musiques. Sans parole.
Deux soirées de comédie succèdent à « Momentum », la première est jouée par Kim Leleux et Simon Wauters. Ils s’attachent à des thématiques graves : la mort, l’alcool, le sexe, le mensonge, la solitude, dans la relation de deux enfants à un moment clé de leur vie : le passage de l’enfance à l’adolescence. « La nuit du thermomètre » donne la température d’une lucidité comique partagée par ses deux protagonistes.
Solo de Lorette Goosse, habituée du Festival : « Vous vous trompez ». Son spectacle donne le ton des vérités bonnes à taire et des mensonges bons à dire… du moins pour nous faire rire ! Des situations de la vie quotidienne, des dérapages et des remises sur rail de nos existences. Des textes originaux d’auteurs- artistes belges aiguillent quiproquos et retournements de situation.
Ô voilà samedi, voilà le week- end ! voilà des presqu’amis et complices tant le public aime venir les voir et revoir, voilà un chapiteau pour le samedi et une cave romane pour le dimanche, de spectateurs combles et comblés. De quoi terminer en beauté la 45 i ème édition du Festival ! Le voyage « Sherpa » de Philippe Vauchel nous emmène sur le toit de lui- même, au-dedans de son cœur gros. Sa mère- marionnette accompagne son personnage de voyageur mystérieux. Il raconte ceux- là aussi qui firent sa vie, sa découverte du monde et son état d’âme, la nostalgie, sa curiosité d’humain aussi.
Steve Houben, lui, quitte le territoire du jazz qu’on lui connait et reconnait et berce nos oreilles avec des morceaux de la Renaissance anglaise. Des instruments modernes : harpe, saxophone et violoncelle, en dialogue avec la voix chantée de la jeune chanteuse d’opéra, J. Mossay, font revivre et actualisent un répertoire de poètes et compositeurs de l’époque élisabéthaine avec trouble et délice. Le Fitzwilliam Virginal Book, recueil de plus de 300 chansons et morceaux de l’époque a été la source d’inspiration du spectacle. « Nous avons essayé de rendre cette musique accessible et de faire des ponts entre les cloisonnements qui pourraient exister dans les goûts de chacun, parce que chaque musique qu’on découvre et qui nous touche est un bonheur pour le restant des jours. » affirme Steve Houben.
Les plus jeunes ont aussi été invités à savourer leurs vacances Théâtre puisque chaque année, le Centre Culturel de Stavelot participe et soutient le Festival en proposant au jeune public une bouffée d’air et des spectacles pour leur âge. Cette année, deux spectacles les attendaient : « Tam » dans un bus à l’arrêt dans la cour de l’abbaye et « Azazelle Draconis », demoiselle venue du Théâtre de l’Etuve et mise en scène par Daniel Hakier.
Dimanche 18 juillet 2010 : voici que se referme cette quarante- cinquième édition du Festival des Vacances Théâtre. Stavelot en ce début juillet 2010 n’avait rien à envier à Avignon, vraiment ! Incroyable tant par la qualité et la diversité de sa programmation, la générosité et l’humanité de ses artistes- heureux bien souvent de revenir dans la cité stavelotaine- que par l’exigence, la convivialité et la présence de l’équipe toute entière du Festival : ses deux directeurs complices, Pol Deranne et Jacques Deck, son secrétaire, Jonathan Dubois, ses techniciens : Jean- Marc Rouffart, Philippe Sumkay et Manu Deck, son ouvreuse discrète et souriante, l’équipe de restauration du Chalet suisse…et l’ensemble des spectateurs venus rire, penser, s’émouvoir et savourer un début d’été autour du théâtre, de la musique et de la chanson. Ah oui… aux abonnés cette année est venu s’ajouter un soleil fier, distribuant ses rayons de confiance sur le Chapiteau trônant dans la cour de l’abbaye.
Marie-Laure Vrancken

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