Le Diplomondus : un Parcours d'artistes

le 29/04/2012
Le Diplomondus et ses amis de l'école comunale de Trois- Ponts

Edith Lambert est animatrice de Kadriculture- structure culturelle couvrant le territoire des quatre communes : Stoumont, Trois- Ponts, Vielsalm et Lierneux. Vaillante ! Parce que elle a des idées et qu’elle concrétise ses élans en les réalisant. Aussi avait- elle demandé à Charley Case, dessinateur et plasticien pluridisciplinaire de renommée internationale, s’il souhaitait participer au Parcours d’artistes 2012. Elle avait rencontré celui-ci l’été dernier lors de l’exposition « Forrest » au Triangle Bleu de Stavelot. Il avait rassemblé autour de lui une vingtaine d’artistes leur proposant des co-créations nées d’un temps d’exploration ou de réflexion en forêt, sur les hauteurs de Stavelot. Son lieu de résidence, du moins à temps partiel, est donc situé sur la commune de Trois- Ponts, et ce depuis son enfance. Il a accepté, enthousiaste, voulant rendre un hommage à cette terre qui l’a vu gambader, de ses pas de bambin à ceux d’homme-artiste nomade. Nous voici donc réunis, Edith, Charley, Sylva Hanuise et moi un matin de février autour d’une table de taverne à Stavelot, pour prendre connaissance du projet. Edith et Charley, j’ai déjà écrit qui et pourquoi. Sylva parce que il est artiste également : sculpteur, à Mont, hameau de Grand-Halleux et qu’il aime rassembler d’autres artistes pour partager le temps de rencontre avec le public et celui de la réflexion entre artistes de disciplines diverses. Edith avait donc pensé joindre les deux artistes, et l’œuvre- installation de Charley au lieu magnifique de Sylva, une ancienne grange. Quant à moi, vivant à Stoumont j’ai participé au groupe de Forrest en écrivant un livret, mémoire de l’histoire vécue. Charley Case m’avait cette fois proposé de réaliser une carte blanche sonore qui accompagnerait son installation. « Ce que tu veux, absolument !…un son d’autoroute, un texte, un… ! » m’avait-il dit. Et ce matin- là, sur la table du bistrot, il ouvre un grand atlas- pour la petite histoire trouvé dans une poubelle- et apparaît un étrange animal : le Diplomondus (c’est un de ses amis artiste, David Demazy qui l’a ainsi baptisé). « J’ai pensé qu’avec Trois- Ponts nous pourrions réunir les cinq continents ! » nous sourit Charley. Le squelette, l’ossature de l’animal s’étend de tout son long, unifiant effectivement les cinq continents, l’entièreté de notre terre. Je ne sais pas ce que les autres, Edith et Sylva, ont pensé…moi : « waouw ! » Un projet qui relie, qui dit l’unité, émanant de Trois- Ponts je trouvais cela porteur, positif et constructif. Ce n’est pas fréquent de se « prendre en pleine gueule », de visu et physiquement, que l’être ensemble, c’est possible, authentique et véridique ! Il y avait sous nos yeux une telle évidence dans ce Diplomondus…que d’emblée mon envie a été de rassembler les voix humaines des cinq continents. Je doutais cependant de parvenir à les récolter sur Trois- Ponts…Aussi comme je partais quelques jours à Paris, je savais qu’immanquablement je trouverais là mon bonheur dans la diversité des provenances humaines. J’ai préparé ma sacoche : le dessin du projet : le Diplomondus couché, un micro- enregistreur, son casque, sa protection pour affronter et atténuer le vent et un appareil photo. J’étais prête pour les rencontres ! Croisés dans les espaces publics de Paris puis de Bruxelles : rues, magasins, métro, les passants abordés écoutaient ma demande : une artiste qui pour un parcours d’artiste dans une petite cité de l’ardenne belge, Trois- Ponts, souhaite montrer un dessin et enregistrer ce que l’on y voit, dans la langue maternelle du/de la passant/e abordé/e. La demande est toute simple, même les enfants peuvent y participer, c’est la rencontre qui est essentielle et la pallette des voix et des langues. Au son je joignais une autre demande : celle d’un souvenir visuel, une photographie de la personne choisissant comment elle porte et présente à l’objectif le dessin de l’animal Diplomondus. Ces traces m’aideraient de retour au bercail à nommer et reconnaître les différentes voix. Les portraits se sont ainsi accumulés, formant une belle galerie de l’humanité. Les rencontres ont été parfois touchantes, parfois cocasses, parfois sérieuses et profondes, toujours généreuses. J’ai essuyé très peu de refus finalement. Même ceux- ci m’encourageaient à continuer la route, à accepter la voie de l’autre. Finalement ce dessin- projet ne concerne-t-il pas tout un chacun ? quel être humain vivant qui ne fasse pas partie de cet ensemble, de cette carte déployée, devenue corps exposé d’un animal, mythique, légendaire, aux relents de pré-histoire ? Aucun qui ne soit exclu de cette répartition du monde, aucun !
Il m’a aussi semblé que nos langages différents, moi le français, ou l’anglais que j’utilisais au premier abord, et les passants leur langue propre : espagnol, portugais, chinois, italien…n’empêchaient en rien l’échange et la sincérité d’une rencontre. En rien !… écroulée la tour de Babel ! Il m’a fallu affiner la perception de l’autre : là où j’attendais une provenance arabe, la personne me disait son origine européenne ! L’Afrique se déclinait aux mille visages ! Aux oubliettes les clichés et les a prioris. Je ne cacherai pas la fierté des plus jeunes passants, les enfants, de prendre la parole pour dire leur reconnaissance de l’être dessiné et de leur lieu de résidence : la terre ! Et pour aller d’une voix à l’autre, d’un continent à l’autre, pour passerelle j’ai choisi la sonorité de l’eau et de notre rivière d’ici : l’Amblève. Un éventail de musiques du monde colore aussi le tapis sonore. Un morceau de rock, une pianiste asiatique virtuose, un didgeridoo. Les ponts sont larges ! Il restait donc à juxtaposer le son au visuel : l’installation sonore. La veille du parcours d’artistes, week-end des 14 et 15 avril dernier, Charley Case est donc venu monter sa pièce. Un animal imaginaire fait d’une peau de mouton, de bois flottants blancs tels des os encerclant la peau comme le ventre d’un tambour, dessus dessinée la carte du monde faite d’un squelette, en hauteur les deux parties d’un crâne de cheval, lui- même rempli de couleurs et de formes dessinées, pour mors un collier de soie et de perles. Et au sol un tapis déroulé, sorte de pieuvre mouvante, dans les flots d’encre noire, et une sculpture prêtée par Sylva Hanuise qui récolte au pied de la peau douce et blanche comme une peluche le lait blanc de la terre. L’animal est suspendu à la poutre centrale de la pièce, entouré des peintures de deux autres artistes : René Liégois et Christian Mary. Pour la première sortie du Diplomondus, Sylva avait suggéré le choix de certaines peintures à ses amis peintres, connaissant la teneur du projet. Dans une pièce voisine, une céramiste, Marie- Claire Willems exposait son travail de terre et la force de ses mains. Ainsi la bande sonore de quarante minutes accompagnait-elle le visiteur dans sa découverte du lieu, des œuvres et des artistes. Un livre reprenant les visages de celles et ceux croisés venait rendre mes recherches sonores déambulatoires plus concret, plus vivant. Le spectre de l’ensemble de l’œuvre : visuelle et sonore est vaste, il semble voyager d’un pôle à l’autre de la pensée : si j’ai opté de mettre en lumière une possible unité entre les humains et les peuples des cinq continents de la planète, le constat énoncé par l’installation de Charley Case est plus rude. La terre- mère se meurt, se vide de sa substance vitale par nos comportements vides de sens et de lucidité, de conscience collective justement. Sous l’impulsion de Edith Lambert toujours, le Diplomondus a été rapatrié pour deux semaines vers sa terre génitrice : Trois- Ponts. Avec en guise d’invitation pour les habitants le clin d’œil d’une devinette : qu’est-ce qui permet de relier les cinq continents ? A méditer…
Marie- Laure V.

  • Le Diplomondus et ses amis de l'école comunale de Trois- Ponts
  • Robin, son amie et le Diplomondus
  • Le Diplomondus : installation de C. Case
  • Diplomondus : le projet
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