Akro: "Je préfère la qualité à la quantité"

écrit par Amandine.Raths
le 22/08/2016
Akro

Avant tout membre du groupe Starflam, Akro était de passage sur la scène Sabam for Culture le 22 juillet à l'occasion des Francofolies de Spa.

Auteur de quatre albums solo, dont « Quadrifolies », sorti à la fin de l'année 2015, l'artiste a répondu à toutes mes questions le temps d'une interview, quelques heures avant de monter sur scène.

Retour sur ma rencontre avec ce rappeur belge originaire de Bruxelles...

Tu seras sur la scène Sabam ce soir. As-tu une attente particulière du public?

Pas spécialement, mais en tout cas, on a une bonne météo. Je sais que c’est un public un peu plus familial que d’autres festivals, donc c’est aussi important pour moi de toucher des gens qui n’écoutent pas spécialement ma musique et d’aller les convaincre. C’est un challenge, et le fait de chanter en français, c’est aussi super important.

Vas-tu être accompagné sur scène?

Je suis accompagné d’un super band, donc on est six. Il y a un batteur, un bassiste, un DJ, une superbe chanteuse qui fait tous les chœurs et toutes les voix féminines. Après, j’ai aussi un guitariste qui a produit l’album avec moi, donc c’est quand même plus orienté live band que hip hop de base.

As-tu une préférence pour les salles ou les festivals?

Je pense que les deux sont différents, mais compatibles dans le fait de s’amuser pour un artiste. En salle, l’interaction est beaucoup plus directe. En tout cas, quand ce sont des petits clubs entre 400 et 600 personnes, vous vous sentez vraiment au creux de l’événement. En festival, il y a parfois 10-20.000 personnes, donc on va plus voir une masse que des personnalités. Ici, on est dans le cadre d’une scène de taille moyenne, donc je pense que je vais quand même pouvoir sentir les réactions des gens. Les deux sont intéressants, ça dépend… Ici, on est en été, il fait beau, donc je préfère faire ma musique en extérieur, passer à côté d’autres scènes, rencontrer d’autres styles musicaux, d’autres musiciens, plutôt que d’avoir ma date en salle.

Tu as fait partie du groupe Starflam. Starflam, c’est beaucoup d’albums, beaucoup de styles différents. On peut dire que tu touches un peu à tout dans la musique?

Je touche à tout dans la musique, je suis en tout cas très ouvert musicalement, mais ça reste du hip hop, ça reste du rap à la base. Starflam, c’est ma famille, j’ai commencé avec eux. On continue d’ailleurs à faire des concerts ensemble, et c’est la fondation. Après, Le fait d’être cinq MC au départ dans un groupe, ça nous a obligé à avoir un esprit d’équipe, comme une équipe de sport qui se passe le ballon pour arriver à atteindre un but. Maintenant, j’ai ce même challenge avec les musiciens, où moi, je suis le texte, la voix. Derrière moi, il y a des accords de musique, des arrangements, de la production, donc pour moi, c’est une évolution.

En parlant de rap, est-il encore compliqué à l’heure actuelle de s’imposer en Belgique?

Il est très compliqué pour les rappeurs d’être pris au sérieux et de passer la barrière médiatique parce que jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas eu de médias encadrés par de grandes instances hip hop. Les choses sont en train de changer, donc je pense que pour les années à venir, on va avoir ce genre de choses, mais ça a mis 20 ans. Du coup, on s’est un peu fait seul dans la rue, dans les maisons de jeunes, dans les maisons de quartiers, ce qui fait qu’on a des codes propres à nous. Du rap, il y en a dans tous les médias, dans tous les milieux. Dans le rock américain et l’électro, il y a du rap… Tout est mélangé. Les jeunes d’aujourd’hui, inconsciemment, ont été baignés de hip hop et de rock, tandis que nous, dans les années 80-90, on a dû convaincre avec un style qui était neuf.

Quels sont les rappeurs que tu aimes particulièrement aujourd’hui?

Moi, j’aime bien des anciens comme Oxmo Puccino, qui amène un côté jazz, beaucoup de relief dans la musique. J’aime bien Orelsan qui, pour moi, a une plume énorme et un talent. C’est quelqu’un qui a une image, qui a réussi à amener son côté décalé, fun, mais crédible et intelligent. Aux Etats-Unis, j’aime bien Kendrick Lamar, qui ramène un rap beaucoup plus développé avec du jazz, avec des rythmiques complètement à l’ouest de tout ce qu’on a pu entendre, mais qui a justement une force dans son discours, qui continue à défendre les valeurs des Afro-Américains, qui sont, il faut le rappeler encore aujourd’hui, en pleine ségrégation avec tout ce qu’on voit. On voit que ce n’est pas gagné pour eux, donc c’est bien qu’il y ait des artistes pareils aujourd’hui.

Tu es très présent sur Facebook et d’autres plateformes. C’est important pour toi, les réseaux sociaux?

C’est important parce que je pense que si tu ne prends pas la mesure des réseaux sociaux aujourd’hui en tant que musicien, tu n’existes pas. Avant, on était dans un monde du son, où vous passiez votre démo à un programmateur d’antenne qui écoutait un CD, qui pouvait se faire une image simplement sur un son. Aujourd’hui, il y a tout un market, tout un travail où l’artiste, s’il n’a pas un visuel fort et une communication, son son, on ne va même pas l’écouter. Aujourd’hui, vous voyez des bloggeuses, des artistes dans leur chambre, qui composent sur leur synthé avec leur webcam, et qui peuvent devenir en trois clics les superstars de demain parce qu’ils ont compris que ce canal était essentiel au partage. La force du web, c’est le partage gratuit. La difficulté, c’est qu’il y a beaucoup d’informations en une fois, donc quand on réussit à avoir un score à dépasser les frontières, c’est qu’on a vraiment bien travaillé son réseau, et ce n’est pas évident. Moi, j’apprends à le faire à ma petite échelle. On est dans une culture de l’instant, du direct, où les gens vivent quelque chose en direct et le partagent. Fin du mois, j’ai 40 ans, donc je dois rester à la page, sinon je suis mort.

Y a-t-il un autre album en préparation? Va-t-on avoir de l’exclu ce soir aux Francofolies?

De l’exclu, non. Je viens surtout représenter mon dernier album sorti en décembre, « Quadrifolies », que j’ai pris le temps de travailler, aussi bien en studio qu’avec le groupe. Les exclusivités ou les prochaines choses, je pense que je prendrai le temps de les faire, parce que je ne suis pas quelqu’un qui travaille dans la vitesse. Je préfère la qualité que la quantité, donc même si un album doit prendre trois ans à voir le jour, il faut quand même que les gens sachent qu’il y a la phase d’écriture qui peut durer un an, celles de maquette et d’enregistrement qui peuvent durer un an... Après, il y a la présentation, trouver un label, développer les campagnes promos sur le web… Il faut aussi avoir des visuels forts, des clips… Tout ça, ça prend du temps.

© Amandine Raths
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