13ème "Triennale internationale de l'Affiche politique", à Mons, jusqu'au 23 Avril

écrit par YvesCalbert
le 09/04/2017
Gabor Farkas Varga (Hongrie)

"Marchant dans la Ville, en toute liberté, parfois une affiche nous fait signe... Ecrire sur les murs de la cité est un rêve tenu du temps où les humains dessinaient sur les parois des cavernes pour témoigner de leur passage. Les affiches sont comme les gens, multiples.Celles qui nous parlent vont droit au but, synthétisent une idée, une révolte, un cri, une conscience. Il faut lire les affiches en conservant sa lucidité. La meilleure affiche serait celle qui donne à réfléchir. Face à la violence, c'est la base de la démocratie" , écrit notre collègue Marcel Leroy, à l'entrée de l'exposition et dans l'avant propos du catalogue.

.. Hors, ici, au MMM" ("Mons Memorial Museum"), sis dans les anciens bâtiments, superbement rénovés, de la "Machine à eau", un an après son exposition "Ceci n'est pas l'Europe, 120 Caricatures d'Actualité", nous découvrons, jusqu'au 23 avril, une nouvelle exposition d'affiches, les meilleures, "celles qui donnent à réfléchir, ... qui synthétisent une révolte, un cri" (cfr. 1er paragraphe), de la 13ème "Triennale internationale de l'Affiche politique".

A main droite, en entrant au sein de l'exposition, nous trouvons une affiche de Zahra Anartchi (Iran), intitulée: "La beauté réside dans la coexistence des couleurs", qui écrit, dans le catalogue (p. 88): "La montée du fondamentalisme et le prétendu Etat islamique ne se trouve qu'à quelques kilomètres de mon pays et ont détruits les 3.000 ans de coexistence de différents groupes ethniques en Iran."

Sur le même mur, quatre affiches de "Daali" (France), avec un texte identique, imprimé en anglais, sur quatre illustrations différentes: "Ce n'est pas parce que cela n'arrive pas dans votre pays que cela n'existe pas. Pensez à la Syrie", ... et comment ne pas y penser avec ces deux actualités de ces derniers jours (bombardements par les aviations syrienne, puis américaine). Pour exprimer sa révolte, son cri, "Daali" a réalisé quatre montages, l'un d'eux nous montre un défilé de mode, à la parisienne, de femmes en tchador, enchaînées, sous les regards de spectateurs d'un défilé à la Cardin, Dior, Langerfeld, ... Une seconde est plus dur encore, avec une photo, publiée à l'époque, de 25 bourreaux alignés, prêts à décapiter 25 innocentes victimes,... se trouvant, ici, sous l'idée de l'affichiste, devant la "Pyramide du Louvre"... Pour rappel, bien sûr, il s'agit bien de photos-montages et ni Le Louvre, ni aucun célèbre couturier n'a rien à voir avec cette abominable tyrannie... Mais ces deux oeuvres sont porteuses d'un double indéniable horrible message: "Pensons à la Syrie", ... et si cela arrivait, un jour, chez nous"...

Sur ce même thème, au centre de la première salle, retour au "Louvre", avec, sous le titre: "L'Art du Jihad", 4ème Prix de la présente "Triennale", une création de Krasimira Drumeva (Bulgarie), nous présentant un diptyque de la "Joconde", , ... dont l'on ne voit plus que les yeux, l'affichiste l'ayant revêtue d'une burka, des ruines de Palmyre figurant en arrière plan... "Occulter le sourire de Mona Lisa, ou détruire le patrimoine culturel syrien, c'est poser un masque sur la beauté, sur l'art, refusant aux humains le droit d'être libre de créer et de s'exprimer" écrit Marcel Leroy, dans le catalogue (p. 9)... Et Krasimira Drumeva, sur la seconde partie de son diptyque, de nous présenter quatre autres oeuvres, dont l'une de Pierre-Paul Rubens, recouvertes d'un voile noir, avec la mention "Je suis Paris"...

Ce qui, tout naturellement résonne en nous, en "Je suis Charlie", une affiche de Michal Batory (France), où une croix chrétienne est formée par un crayon noir (qui nous fait de suite penser au coup de crayon de Georges Wolinski (1934-2015), l'une des victimes de la barbarie jihadiste) et une douille d'arme à feu.

De retour sur le premier mur de l'exposition, avec beaucoup plus de simplicité, une création de Hoon-Dong Chung (Corée du Sud), avec sur un fond noir, deux noms de pays: Palestine et Israël, intitulée "Please"! Qu'ajouter à cela, ... comme quoi la simplicité peut être tout autant porteuse d'un message!
Simple, également, mais coloriée, cette fois, ... sur un fond vert, couleur de l'espoir, des taches rouges, couleur du sang, ... "Le Printemps arabe", vu par Nicos Terzis (Suède)... Tout est dit!

Plus loin, au centre, à nouveau, une évocation des droits de la femme, avec trois affiches de Sha Feng (Chine), intitulées "Wife? Doll?" ("Epouse? Poupée?"), ... une poupée qui est une marionnette , le titre, en anglais, étant suspendu à des fils d'une marionnette, les trois robes présentées étant déchirées et portant des traces de sang... Sans commentaire!

"Le Mexique est un enfer pour les journalistes. Enquêter sur le pouvoir, politique ou mafieux, c’est risquer sa peau. Les disparitions de journalistes font l’objet d’enquêtes qui ne mènent à rien. Malgré tout, des journalistes font face à l’obscurantisme" écrit Marcel Leroy (p. 04 du catalogue), comme commentaire au Grand Prix de la "Triennale", que nous découvrons en fin de parcours, une oeuvre de Santiago Solis Montes De Oca (Mexique), créée, sous le titre "Hier, Aujourd'hui, Demain, Après Demain", d'après "Liberté d'Expression", de son compatriote Adolfo Mexiac. Divisée en quatre tableaux, cette affiche nous montre qu'hier, une chaîne était apposée sur la bouche d'un journaliste, aujourd'hui, deux, demain, trois, après-demain, quatre! ... Puissent, partout dans le monde, les journalistes bénéficier de la liberté d'expression, qui, dans certains pays, régresse de jour en jour!

Ce concernant, une autre affiche est découvrir, sur une colonne centrale, de la 1ère salle, due à Marlena Buczek Smith (Etats-Unis), titrée "Où sont mes droits?"... A méditer, alors que le nouveau Président américain, Donald Trump, a refusé, dernièrement, l'accès à l'une de ses conférences de presse à certains journalistes de son propre pays...

Parmi les 115 affiches exposées, citons encore cette colombe de la paix dont les ailes sont transformées en une main de squelette, par Lijun He (Chine), sous titre évocateur "No War", ou cette matriochka, due à Erin Wright (Etats-Unis), ouverte avec, à l'intérieur, une grenade porteuse d'un drapeau russe, sous un titre en anglais, traduit par "Depuis la Russie, avec Amour. Respectez la Souveraineté ukrainienne", réalisée en réaction à l'occupation russe en Crimée.

De retour au jihad, avec cette affiche d'un jihadiste nous pointant du doigt, intitulée "I want you", de Max Skorwider (Pologne), basée sur l'ancien message de l'Oncle Sam, "I want you for the Army", à l'époque où l'armée américaine engageait des soldats pour mener leur guerre au Vietnam... Et pour les jihadistes, il faut des "kalachnikov", qui, fort malheureusement, proviennent de l'Occident, comme l'illustre, fort à propos, une affiche d' "Amnesty International", signée Fons Hickmann (Allemagne), "Contrôlez les Armes", où le drapeau belge figure au centre de la "kalachnikov", jouxtant la bannière étoilée des Etats-Unis... Merci à la "FN" d'Herstal, ... économie oblige!

Situations politiques, discriminations, libertés, éducation, migration, droits des minorités, écologie, attentats, … un poignant témoignage de l’actualité de ces trois dernières années, à découvrir au "MMM", cette exposition incluant, dans la seconde salle, l' "Exploration européenne", une installation de 38 photographies du "Collectif Frisko", ainsi qu'un montage vidéo d'une vingtaine de minutes, réalisés par le Belge Patrick Tombelle et le Néerlandais Eric Sluis, toutes les prises de vues ayant été réalisées, en 2015, en noir-et-blanc, au sein de différentes capitales européennes, abordées avec un regard éminemment « politique » dans le sens grec qu’implique le terme « polis » ("cité"), lieu de vie de la communauté des citoyens. Ainsi nous voyageons, par l'image, d'un "Nouveau Père", promenant son bébé dans un landau, à une "Affiche sur Pieds", un SDF recouvert ... d'affiches manuscrites aux slogans divers.

... Et des affiches manuscrites, nous en trouvons encore, au sous-sol, près du vestiaire, réalisées par des élèves d'écoles primaires montoises, avec des titres qui en disent longs sur leur compréhension du contenu de l'exposition qu'ils ont visitée, tels "Tous différents mais tous égaux", "Stop à la Guerre", "Non à la Violence envers les Femmes", "Vive l'Amour", ..., voire plus proche de leur quotidien, en vue d'une seine nutrition, "Salade contre Hamburger".

Ainsi ces enfants ont bien compris ce qu'écrivent le politicien Jean Kaltenbach: "Née dans la rue, au cœur des villes et des campagnes, l’affiche est l’illustration des désirs, des projets, des réalités de notre société. Par l’acte créateur du graphiste, par son talent, elle est un agencement de signes porteurs de sens. L’affiche offre à notre entendement une lecture, comme un décryptage de notre vie sociale" et le graphiste Paul Pieter Piech: "Une affiche, c’est la communication avec le public, c’est la compagne des murs, des fenêtres, de la chambre, de l’usine… Une affiche…c’est la chimie visuelle qui pousse l’oeil à éveiller des émotions, à attirer l’attention, à agiter l’opinion, à informer celui qui ne l’est pas, à provoquer un choix, à faire germer une idée, à inspirer une mission, à défendre une cause, à témoigner en silence… Une affiche…C’est un cri, c’est un prétexte."

A noter que cette "Triennale" a été fondée en 1978 par le conseil culturel de l’asbl "Maison de la culture", ne devenant internationale qu'en 1995, sachant que cette année le jury, présidé par le compositeur Christian Leroy, était composé d'Anne-Thérèse Verschueren, coordinatrice de la présente "Triennale", Guillaume Blondeau, conservateur du "MMM", Romain Gastaldello, chef de projets du "Centre mondial de la Paix", de Verdun, ainsi que d'un graphiste, un cinéaste, un vidéaste, une scénographe, une psychologue et deux étudiants en interprétariat.

Ouverture: du mardi au dimanche, de 10 à 18h. Prix d'entrée: 3€ (combiné "MMM" et "Mundaneum": 7€). Catalogue: 9€ (broché, 148 x 210 m/m, 4 photos du "Collectif Frisko" et photos des 115 affiches, 112 p.). Site: www.monsmemorialmuseum.mons.be.

Toujours à Mons, le "Mundaneum" dialogue avec le "MMM", en nous proposant jusqu'au 14 mai, son exposition "Et si on osait la Paix?" présentant une sélection d’affiches traitant du pacifisme, issues des archives de la "Triennale internationale de l’Affiche politique", parmi 300 documents réunis, du 19ème au 21ème siècle, dont des photographies et des images animées, réparties au sein des trois parties de l'expo, intitulées "Bâtir la paix", "Dénoncer la guerre" et "Agir par la non-violence".

Ouverture (nouvel horaire): du mercredi au vendredi, de 13h à 17h, le week-end et les jours fériés, de 11h à 18h. Prix d'entrée: 6€ (4€ & 2€ en prix réduits / combiné "Mundaneum" et "MMM": 7€). Site: www.mundaneum.org.

Yves Calbert.

  • Gabor Farkas Varga (Hongrie)
  • (c) Martena Buczek Smith (Etats-Unis)
  • (c) Santiago Solis Montes De Oca (Mexique) 1er Prix
  • (c) "Daali", un 3eme photo-montage
  • (c) Michal Batory (France)
  • (c) Sha Feng (Chine)
  • (c) Fons Hickmann
  • "Collectif Frisko" Erik Sluis et Patrick Tombelle (c) PA.TI.
  • La Paix, au "Mundaneum"
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