« L’Homme de la Mancha », au « Théâtre de Liège », du 18 au 22 Décembre

écrit par YvesCalbert
le 24/11/2018
"L'Homme de la Mancha" (Filip Jordens/2018)

« Tout le monde est Don Quichotte, je crois. Tout le monde a ce côté-là quand même. Enfin, je le souhaite … J’en suis certain. Tout le monde a un certain nombre de rêves » (Jacques Brel ).

Double anniversaire, en 2018, du décès de Jacques Brel (1929-1978), il y a 40 ans, et de la création de « L’Homme de la Mancha », en version française, au « Théâtre de la Monnaie », il y a 50 ans.

A cette occasion le « KVS », « La Monnaie » et le« Théâtre de Liège » – soutenu par « DC & J Création », le « Teatro Español », l’ « Intituto Cervantes »,
l’ « Institutio Nacional de Artes Escénicas del Uruguay« , la « Dirección de Cultura de la Intendencia de Montevideo » et les « Services culturels » de l’Ambassade d’Espagne, en Belgique – ont décidé de porter, à nouveau, à la scène l’adaptation du « Grand Jacques », en respectant le texte et la musique de la version originale.

L’originalité, ici, est la nouvelle scénographie, mariant différents styles de chants et de jeu, actualise l’adaptation francophone, due à Jacques Brel, du chef d’oeuvre littéraire, « El ingenioso hidalgo don Quixote de la Mancha » (« L’ ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche » ), de Miguel de Cervantes (1547-1616), publié en 1605.

Le 30 octobre 1965, à East Haddam, dans l’Etat américain du Connecticut, sur la scène du « Goodspeed Opera House », eut lieu la première représentation de la comédie musicale « Man of La Mancha », reprise, avant d’être jouée à Londres, à Broadway (2.328 représentations, dans différents théâtres), dès le 22 novembre 1965, à l’ « ANTA Washington Square Teatre », où elle est lauréate, en 1966, de 5 « Tony Awards » (meilleure Comédie musicale, meilleurs Compositeur et Parolier (Mitch Leigh et Joe Darion), meilleur Acteur de Comédie musicale (Richard Kiley), meilleurs Décors (Howard Bay) et meilleure Mise en Scène (Albert Marre), son livret étant de Dale Wasserman, avec des paroles de Joe Darion et la musique de Mitch Leigh.

Jacques Brel, qui avait arrêté sa carrière de chanteur, sur scène, à l’ancien « Colysée », à Roubaix, le 16 mai 1967, assiste, en cette même année, à une représentation de cette comédie musicale à New York, au « Carnegie Hall ». Bouleversé, il contacte immédiatement les producteurs pour obtenir l’autorisation de l’adapter en français, se réservant le rôle-titre, qui lui va si bien.

La première mondiale se déroule à Bruxelles, le 04 octobre 1968, au « Théâtre de la Monnaie », avec Dario Moreno, dans le rôle de Sancho Panza et Joan Diener, créatrice du rôle de « Dulcinea », aux Etats-Unis, étant l’épouse du metteur en scène de la version américaine originale, Albert Marre.

En décembre 1968, fort de son succès bruxellois, « L’Homme de la Mancha » est repris, à Paris, dès le 07 décembre 1968, au « Théâtre des Champs Elysées », Robert Manuel reprenant le rôle de Sancho Panza, suite au décès de Dario Moreno. Affaibli par la maladie, ayant perdu plus de 10 kilos sur scène, le « Grand Jacques » interprête Don Quichotte une dernière fois, le 17 mai 1969, date de la 150ème représentation parisienne, renonçant à une tournée au Québec.

Presque 30 ans plus tard, en avril 1998, Jean-Louis Grinda, directeur de l’ « Opéra royal de Wallonie » convainc José van Dam, Chevalier de la Légion d’honneur, en France (2011), après avoir été fait Baron par le Roi Albert II (1998), de reprendre le rôle de Don Quichotte, la comédie musicale étant jouée au Québec, en 2002 et en 2003, avant d’y être reprise en 2009, et, à Paris, en 2012, au « Théâtre des Variétés ».

Nous voici en 2018, et Michael De Cock, directeur artistique du « KVS » (« Koninklijke Vlaamse Schouburg » ), a opté pour une relecture contemporaine du livret adapté par Jacques Brel, dans lequel Miguel de Cervantès, poète donc coupable, attend son exécution dans les geôles de l’Inquisition. Manuscrit de son roman, « Don Quichotte », sous le bras, il interprète avec ses codétenus les aventures de l’hidalgo errant, flanqué de son fidèle écuyer Sancho Panza.

A Bruxelles, le « KVS » et la « Monnaie » ont unis leurs forces afin d’insuffler un nouvel éclat à ce chef-d’œuvre intemporel, rendant, ainsi, hommage à Jacques Brel, symbole du «Temps où Bruxelles brusselait», cette nouvelle version d’une comédie musicale ayant connu un immense succès étant reprise au « Théâtre de Liège », du mardi 18 au dimanche 22 décembre, après avoir été interprétée au« KVS », en septembre dernier.

Synopsis :« Nous sommes à Séville, à la fin du 16ème sècle. Alonso Quijana, plus connu comme étant Don Quichotte ne se résigne pas à accepter la réalité telle qu’elle est, mais rêve de ce qu’elle pourrait être. Il souhaite apporter de la grâce et de la beauté à la laideur du monde dans lequel il vit. Il tourne le dos au système, tente de construire des ponts et d’arracher une place sous le soleil pour les damnés de la terre… »

Dans « Juliette et Victor », le « Magazine de l’Art de vivre franco-belge et es Français en Belgique », nous pouvions lire, en septembre dernier : « On a surtout découvert un spectacle coloré et rythmé, qui dit tout de notre époque, de nos quêtes, de nos mixités et de nos envies. Le rythme de l’ ‘orchestre de la Monnaie’, … de jeunes chanteurs-danseurs-comédiens, qui illuminent (la) scène, ... (emmenant ) le spectateur en voyage chanté et introspectif, lors d’un moment qu’on n’hésite pas à qualifier d’historiquement artistique. »

« … Sur scène, … une esthétique tirée au cordeau, (des) costumes contemporain évoquant hier. Don Quichotte est interprété par Philip Jordeans, (qui ) depuis des années tourne avec le répertoire de Brel, dont il manie avec talent et intelligence tous les accents. L’acteur belge François Beukelaers interprète avec sensibilité et retenue Cervantes, en bordure de la pièce et de la scène. La soprano albano-belge, Ana Naqe, porte à la perfection, corps et voix, le rôle de Dulcinea, dont Don Quichotte tombe amoureux. Tous les acteurs en scène d’ailleurs portent admirablement la partition chantée autant que dansée et parlée. Le spectacle dans cette forme moderne donne à voir l’absolu de la quête, l’historique autant que le contemporain d’une ville qui se cherche, dans ses bons et ses moins beaux, dans sa mixité sociale et culturelle. Des airs classiques se mèle de slam ou de rap, la danse de rue s’invite sur le plateau, la murga(forme populaire de théâtre musical sud-américain) sous-tend le spectacle, le tout (ayant ) des airs de résistance et d’absolu. »

« Sur l’écran géant, des interviews des artistes qui parlent de leurs rêves et des images du piétonnier en construction, de la ville en destruction. Le final, dont on vous laisse la surprise est tout particulièrement émouvant, bouffée d’air avec vue sur la ville. On nous avait indiqué une durée de deux heures vingt sans entracte, ce qui nous avait un peu rebutés. Mais quand on s’est levés, dans un élan d’émotion, comme le reste de la salle, pour applaudir ce spectace magistral, on aurait voulu que ça ne soit pas encore fini… Histoire d’atteindre, même si ça ne dure qu’un soir, l’ ‘inaccessible étoile’… Cette quête-là, elle résonne aujourd’hui, dans une société qui part parfois en vrille. »

« Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d’une possible fièvre
Partir où personne ne part

Aimer jusqu’à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D’atteindre l’inaccessible étoile »

("La Quête" (c) Jacques Brel)

Trois avis sur ce spectacle :

– pour « Le Soir » : « Les univers musicaux se mélangent et la proposition va de l’opéra au slam – en passant par une référence à Britney Spears – généralement en harmonie. Le tout est joliment accompagné par l’ensemble dirigé par Bassem Akiki. »

– pour « La Libre » : « Le spectacle est traversé par une énergie, une créativité et une virtuosité scénique étourdissantes et collective… Le comédien et chanteur flamand Filip Jordens, grand interprète de Brel, se révèle à la hauteur des enjeux tout en se distinguant de son modèle par une poésie et une fragilité désarmantes. »

– pour « LIVRaisons » : le blog de PEN Belgique » : « Pour que Jordens ne soit pas écrasé par le fantôme de son prédécesseur, il fallait qu’il fut porté par son incroyable talent mais aussi par une mise en scène inspirée et irréprochable et une direction musicale magistrale et multiple qui inscrivent l’œuvre dans le 21ème siècle. »

Enfin, le ressenti de Michael De Cock : « Cette comédie musicale traite de la menace qui pèse sur les gens en quête de sensibilité et d’imagination. Tout le monde s’acharne à crier qu’il faut penser de manière originale, non conformiste, ‘out of the box’ et chercher des solutions créatives, innovantes, mais cela aussi est de plus en plus instrumentalisé, comme s’il s’agissait d’une recette à suivre. En réalité, il n’y a plus beaucoup d’espace de liberté. L’art comporte par essence une dose de ‘donquichottisme’. Si l’on veut être visionnaire et changer quelque chose, il faut continuer à poursuivre cet impossible rêve. »

Alors n’hésitons pas à « poursuivre cet impossible rêve », à découvrir ou à revoir « L’Homme de la Mancha » – une ode à Brel et à Bruxelles, à l’imagination, à la poésie et aux impossibles rêves dont cette époque a tant besoin – au « Théâtre de Liège », dès le mardi 18 décembre, à 20h.

Prix d’entrée : 30€ (25€ à partir de 65 ans et pour les professionnels FWB et FED / 12€ pour les moins de 30 ans et les demandeursd’emmploi). Site web: http://www.theatredeliege.be.

Yves Calbert.

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