Humour noir – Halloween à la Phamangeôle

écrit par ReneDislaire
le 31/10/2018
La boite d'Annie Codry.

Humour noir – Halloween à la Phamangeôle
Note: texte d'humour à l'occasion de Halloween. Il s'agit d'une création littéraire de fiction et selon les règles du genre il comporte des écarts par rapport à la réalité.
Introduction
La Phamangeôle, en bord de l'Outhe orientale, tel est le nom d’un home unique au monde, qu’il ne faut plus présenter.
Ce nom de Phamangeôle a été donné pour remplacer celui de Maison de repos St-Joseph, choisi jadis par les Chères Sœurs, St-Joseph étant le patron de la Bonne mort.
Mais la référence à "Joseph Bonne Mort" était devenue par trop macabre, outre les chantage et menaces de la Loge et de l’islam intégriste secrètement réunis pour déchristianiser l’Occident.
Et puis, pourquoi cet hypocrite euphémisme "Maison de repos", alors que le prix Nobel allait être décerné à Mère Teresa pour avoir ouvert des "mouroirs" à Calcutta?
Une consultation populaire locale avait proposé « l’Usine à cadavres »: on appellerait ainsi un chat un chat et enfin la cité de l’Ourthe pourrait s’enorgueillir d’avoir une usine.
Ce fut rejeté, tout bêtement parce que ce nom-là était déjà pris par le Hillesheimer Altersheim (home pour vieux de Hillesheim).
Chacun sait que Hillesheim est une commune allemande de l'Eifel volcanique jumelée avec la ville si chère à Jules Raeymaekers. Le mot « Usine à cadavres » aurait eu chez eux une odeur de concurrence qui n’aurait fait rire personne.
***********
Les sucreurs de fraises
À la Phamangeôle, à bien des occasions, festif rime avec astronomique.
Tiens, la saison des fraises. Tous les vendredis, jour de la tournée d’Eugène le Flamand, les pensionnaires ont une assiette bien pleine de ces fruits érogènes au dessert.
Des fruits abondamment saupoudrés de sucre impalpable.
L’intérêt de l’opération est de maintenir le tour de main des sucreurs de fraises, métier en voie de disparition. La Phamangeôle est fière d’en détenir quelques derniers spécimens, et elle fait tout de façon à les maintenir en vie pour souffler leurs 100 bougies.
Et pourtant, il y a des jeunes des familles de la nomenklatura locale qui sont sur la longue liste d’attente pour avoir une place. Mais pas touche aux sucreurs !
Pour la direction de la Phamangeôle le quotidien est cornélien.

L’histoire d’Adolphe
Récemment, un matin, l’infirmière entend Adolphe, un sucreur de fraises forcément presque centenaire puisqu’il porte ce nom qui lui va si bien aux fêtes d’Halloween, dire : Aujourd’hui, ma main est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.
Interlockée comme une livraison d’Auguste Rinchard, paniquée comme une religieuse du temps de St-Joseph, l’infirmière court alerter la directrice. Adolphe ne pourra plus sucrer les fraises !
Celle que le personnel de la maison de retraite proche de la retraite appellent encore Mère Supérieure accourt en larmes.
- Et quoi, Adolphe, votre main est morte ?
- Mais non, Madame, j’ai dit « maman est morte »
- Ah ! Que ça ! Alors ce n’est pas aujourd’hui, dit-elle avec un sourire de soulagement, il y a quarante ans qu’elle est morte.

En réalité Adolphe relisait l’histoire de Meursault ou l’absurde, un livre d’Albert Camus qui commence par « Aujourd’hui maman est morte ».
Il relit ce livre chaque année à la même date.
Adolphe avait voulu faire une blague de potache, mais l’infirmière ne s’était pas projetée dans le monde de l’Étranger : rire c’est rire, mais ce n’est pas parce que c’est Halloween qu’on doit comme un cabri bondir à l’aveuglette. Le chemin est court qui mène de la Phamangeôle à la roche tarpéienne.

Il y a toujours du sang quand Thomas mord
La nuit suivante, bien que bien serrée fût la porte, Adolphe s'en est allé avec son petit tamis saupoudrer les fraises du Bon Dieu.
L’essence étant hors de prix, on ne l’aspergea pas. Dommage, car le scénario d’Halloween l’avait prévu.
On balança son cadavre par-dessus la clôture. Le berger allemand du concierge d’Outopia fit son office. Il s’appelle Thomas. Pas le concierge d’Outopia, son chien. Et Dieu sait que Thomas mord.
La lune se taisait.
***********
Le Repas annuel de fête de Halloween à la Phamangeôle
Dentiers remis à neuf
En prévision, les LSD du canton offrent chaque année une révision gratuite complète des prothèses dentaires (il y a des vieux des villages qui disent encore râteliers).
Note. LSD pour Licenciés en Sciences Dentaires : ce n’est pas parce que c’est Halloween qu’il faut qu’on hallucine.
Un suspens
En dressant la table, on sait que malheureusement certaines places resteront inoccupées.
Par exemple, une catalepsie vient de s’abattre sur un vétéran du roi Albert Ier à qui on a supprimé le plaisr de la pipe.
Par exemple, une ménopause tardive empêche certaines vieilles de se lever : du sang à table, oui, mais sans que des émanations putrides incommodent ses voisins.
Bref, comme dit la directrice quant au pronostic des présences, sur les 99 pensionnaires, on ne sait jamais dire la veille combien de potes iront.
Les déguisements
Depuis trois mois Hector Feldosse ne s’est plus coupé les poils du nez ni des oreilles : ça le rend méconnaissable.
Plus original : devinez le truc de la fausse barbe d’Annie Codry. Toute sa vie elle a collectionné les poils pubiens de ses amants argentins dans une boite en fer blanc de bouillon Kub de la première guerre mondiale. Et elle s’en colle des touffes sur le visage avec de la bave de limace bio sans gluten.
Toujours admirée, Hélène Detroyes, une ancienne paléontologue. Elle arbore chaque fois de gigantesques faux cils de Bernissart.
La déontologie nous interdit d’en dire plus. Parler de la Phamangeôle, oui, mais à condition de se priver de commérages sur la vie privée. Une constatatriste des ragots diffamatoires a été engagée récemment.

Le menu 2018
Potage au choix
Soupe de berces du Caucase indigènes et du pays (recette PNDO – Parc Naturel des Deux Ourthes)
Crème de pisse-en-lit des cinq incontinents diabétiques
Entrée froide imposée
Raclures de callosités des pieds de nouveaux pensionnaires et poux de la tonsure de Monsieur l'aumônier aromatisés au formol
Entrée chaude imposée
Gratin de champignons culture maison entre orteils garantis purulents
Plats au choix
Civet de marcassin gaumais marinade secret de polichinelle
Filet américain Veviba moutarde arrière-grand-mère qui monte au nez
Dessert
Baignoire de bavarois de fleurs de marats de l’Ourthe sauce charlotte – coulis de furoncles de la Centenaire maison.
Les sarcophages – à volonté- sont offerts par la Confrérie de la Chouffe
(NDLR : dans l’humour des mouroirs, on remplace le mot "bière" par "sarcophage")

Un cadeau exceptionnel
En fin du repas Monsieur bourgmestre remettra un cadeau à la Phamangeôle, où il est toujours accueilli comme en famille.
Un fameux cadeau ! Le fauteuil de l’astrophysicien Stephen Hawking acheté aux enchères en ligne par la Société de pêche La Truitelle en partenariat avec Rots Taris, une opération de la Ligue des mangeurs d'ail. L'association des parents des pensionnaires de la Phamangeôle est intervenue également.

René Dislaire © Houffalize, le 31 octobre 2018

Du même auteur : Liens vers les publications de l’auteur
* Cliquer ici

Présentation. Reportage onirique de la fête de Halloween à la Phamangeôle, mouroir (selon le vocabulaire du jour) perché sur un rocher surplombant une plaine de jeux pour enfants. Comme Alcatraz surplombe la baie de San Francisco.
È pericoloso ma non troppo.
Un petit délire qu'on ne s'offre que le jour de Halloween.

  • La boite d'Annie Codry.
  • Le cadeau...
  • Damned! L'Horreur.
447 lectures
Portrait de ReneDislaire
René Dislaire