Une cerise pour couper le jeûne de Hafez Khiyavi – Editions Serge Safran.

écrit par patrickthibaut
le 09/05/2012
Une cerise pour couper le jeune de Hafez Khiyavi  Editions Serge Safran.

« Somane a dit qu’elle allait lire dans sa chambre. J’ai demandé : «Qu’est-ce que tu vas lire ? » Elle a dit : «Un truc pour grandes personnes, toi aussi, quand tu seras grand, tu liras ce genre de livre. » Et elle est partie. Elle a quitté ses pantoufles orange et elle est rentrée dans la maison.

Moi, j’étais resté sous le cerisier. J’ai collé mon front à l’écorce de l’arbre. Elle était fendue. J’ai respiré profondément. C’était le matin, elle était froide, l’écorce de l’arbre. J’ai posé mes lèvres dessus. Et j’ai fermé les yeux. L’envie de pleurer m’est revenue. J’ai réussi à me retenir. Je savais bien que ça, au moins, ça n’annulait pas le jeûne. Mais je me suis dit que si on me voyait, c’en serait fini de mon honneur. J’ai regardé, il n’y avait personne. Un vent très léger faisait bouger les branches et les feuilles. Si léger… Pas un vent, non, juste une brise. Le soleil venait à peine de se lever, il caressait les feuillages humides, c’était vraiment très beau. »

Une jeune fille perchée en haut d’un cerisier, le vol d’un cadavre, une fête religieuse révélant la vie secrète d’un quartier, l’enlèvement et l’exécution à la mitrailleuse d’un homme, les méditations d’un sniper ou les élucubrations d’un gamin qui dans le jeûne du ramadan voit un viatique pour gagner le monde des grands et le cœur d’une belle cousine sont autant d’approches qui font exploser, l’un après l’autre, les principaux tabous de la société iranienne contemporaine.

Adoptant souvent le point de vue d’un enfant, Hafez Khiyavi met au jour, avec un sens du grotesque quasi médiéval, la violence quotidienne d’une société pétrie de normes patriarcales sanctifiées par les figures de l’islam chiite.

Une cerise pour couper le jeûne met en scène un petit nombre de personnages récurrents et truculents, figures familières et attachantes des quartiers de bazar d’une petite ville de province iranienne située quelque part entre le Chaminadour de Jouhandeau et le Macondo de Garcia Marquez.
Une ironie facétieuse, une fête du langage, une jubilation d’écriture entre rires et larmes dominent ces récits du quotidien nourris d’épopée religieuse, d’histoire sainte et de culture persane.
Traduit du persan (Iran) par Stéphane A. Dudoignon

Hafez Khiyavi est né en 1973 à Meshkinshahr (ancienne Khiyav), à l’extrême nord-ouest de l’Iran. Dès l’âge de vingt ans, il écrit des critiques de cinéma, des pièces de théâtre, puis se lance dans une formation de réalisateur de télévision. Son premier recueil, Une cerise pour couper le jeûne, paraît en 2008 et obtient le prix Ruzi ruzegari du meilleur recueil de nouvelles. Après neuf réimpressions, on peut dire que le caractère innovant de l’ouvrage a obtenu un certain succès populaire. Un deuxième recueil est d’ores et déjà annoncé.

www.sergesafranediteur.fr – 192 pages – 17,00 €.

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