Richard W. de Vincent Borel – SW Editeur.

écrit par patrickthibaut
le 18/01/2013
Richard W. de Vincent Borel  SW Editeur.

Sur Richard Wagner, dont on célèbre en 2013 le bicentenaire de la naissance, sur la puissance de son œuvre, sur sa germanité et son antisémitisme, sur Bayreuth, ses prêtres et ses dévots, on ne dénombre plus les commentaires.
Romancier amoureux de sa musique et curieux de l’homme, Vincent Borel a entrepris ce portrait intime, tutoyant le quotidien d’un génie comme pour lui accorder une présomption d’innocence face à toutes les dérives idéologiques dont la postérité l’affuble. Où l’on apprend que Bakounine fut son meilleur ami pendant le soulèvement de Dresde, dont Wagner fut banni en 1849 pour activisme révolutionnaire. Et que, s’il écrivit un pamphlet antisémite pour se venger du mépris de Meyerbeer lors de son séjour parisien, il le regretta à la fin de sa vie.

Le roman s’ouvre sur la première représentation de Tristan à Munich, en 1865. Le nouveau protecteur du compositeur déjà quinquagénaire, le très jeune Louis II de Bavière, n’a d’yeux et d’oreilles que pour lui. Les années de misère et d’errance semblent enfin terminées. Richard va pouvoir créer dans la sérénité et mettre un terme à la valse des créanciers que ses goûts de luxe n’ont jamais manqué de lui attirer. Il pourra également donner forme à ses rêves d’un théâtre entièrement nouveau où les hiérarchies entre spectateurs seront abolies et mettre en œuvre sa conception d’une fresque, révolutionnaire elle aussi, L’Anneau du Nibelung.

Et, surtout, Richard est amoureux à nouveau. Son mariage avec Minna, la jeune actrice frivole qui rêvait de conformisme et jamais ne sut accompagner les fulgurances du créateur, bat de l’aile. Il a enfin rencontré l’âme sœur : Cosima. La fille de Liszt et de Marie d’Agoult est sa secrétaire particulière. Elle repasse à l’encre ses partitions, comprend ses angoisses et, pour lui, divorcera de Hans von Bülow, son mari chef d’orchestre tout dévoué à Wagner…

La vie et l’œuvre se mêlent. Du reste, Vincent Borel s’amuse, tout au long du roman, à revêtir les personnages mythologiques des traits de ses contemporains. Les deux conseillers maléfiques de Louis II, prompts à brider l’enthousiasme du souverain mécène, ne deviennent-ils pas, dans la correspondance entre le roi et le musicien, Fafner et Mime, le méchant dragon et le pernicieux nain de Siegfried ?
Grand marcheur, c’est dans la nature, avec laquelle il aime se retrouver en osmose, que Wagner puise son langage et la puissance de ses créatures. Vincent Borel laisse magnifiquement courir dans ses pages le thème de l’eau : le bain de Louis II dans les eaux du lac de Hohenschwangau après la première de Tristan, le lac des Quatre Cantons, où Richard et Cosima trouveront refuge, en passant par les fleuves que le créateur descendit et cette Méditerranée dont il adorait la lumière.
Portrait d’un Wagner intime, Richard W. est aussi celui des femmes de sa vie. Les officielles, Minna puis Cosima, mais également toutes celles qui furent de passage dans les alcôves de ce grand sensuel. Témoin l’ultime scène de sa vie… bien loin de la légende officielle construite par Cosima. C’est avec Winifred, la belle-fille que Wagner n’a jamais connue, devenue la grande prêtresse du culte wagnérien sous le nazisme, que s’achève cette épopée.
Roman biographique ou biographie romanesque, Richard W. est avant tout une réflexion inspirée, souvent décapante, sur la création artistique et son destin, par un romancier suffisamment maître de son art pour ne jamais tomber dans le piège de la dévotion.

Né à Gap en 1962, Vincent Borel vit à Paris. Journaliste, il collabore à diverses publications musicales. Richard W. est son septième roman, après Antoine et Isabelle (Sabine Wespieser éditeur, 2010), qui a remporté le prix Page des libraires, le prix Lire – Virgin Megastore Laurent Bonelli, et l’a fait connaître d’un large public. Avec Richard W., Vincent Borel renoue avec la veine musicale de Baptiste, son roman sur Jean-Baptiste Lully (Sabine Wespieser éditeur, 2002 ; Points, 2010).

www.swediteur.com – 300 pages – 22,00 €.

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