Pendus pour si peu…

écrit par jf.kreutz
le 19/11/2016
Pendus pour si peu…

Une nuit, des bruits m’éveillent… Je me rends compte que l’on frappe à ma fenêtre, je me lèves et vais voir de quoi il s’agit. Cinq copains congolais sont là et me demandent de venir les aider, ils m’expliqueront.

Je les rejoins, et ils me disent que les soldats ont pendu trois voleurs pour en faire des exemples et dissuader la population de voler. Pendus pour avoir simplement volé, j’en suis sidérée ! Mes potes me racontent alors que le plus grand crime commis est d’avoir volé dans le camp militaire, ce qui est impensable.

S’ils sont venus demander mon aide, c’est parce que l’un des pendus est le père de l’un d’eux, et qu’ils ont décidé de le dépendre pour le ramener chez lui. Une paire de bras supplémentaires seront utiles, ainsi que ma brouette. Habitant beaucoup plus loin, il leur aurait été difficile d’amener leur brouette sans attirer l’attention, pourquoi prendre des risques, alors que la potence est à proximité de chez moi. Nous pouvons même atteindre les lieux discrètement, en passant par la brousse.

La belle équipe de gamins de 7 ans se met donc en route dans la nuit calme et sombre, que seuls égaient les grésillements des grillons et les croassements des crapauds et des grenouilles.

Nous apercevons alors le feu autour duquel sont rassemblés les militaires, et à 200 mètres d’eux trône le gibet. Il y a peu de lune, et cette obscurité nous arrange bien et nous aidera à arriver à nos fins ! Poussant peu à peu la brouette devant nous, nous nous approchons en rampant. Heureusement, les militaires forts absorbés par leurs conversations ne remarquent rien.

Nous arrivons sous les pendus, et décidons que nous ne dépendrons pas que le papa de Kaeta, mais bien tous les trois : nous avertirons les familles des autres qu’il leur est possible de venir les récupérer.

Nos couteaux entre les dents, nous entamons maintenant l’ascension des montants de la potence et arrivons au niveau des suppliciés… Le visage de l’un d’entre eux est impressionnant : il a gardé dans la mort une grimace de souffrance et de terreur.

La nuit est calme et sereine, les militaires ne nous voient pas… Nous commençons alors à ramper sur la poutre à laquelle sont attachées les cordes.

Soudain, sous notre poids, le bois bouge, et un grincement énorme déchire le silence !

Les militaires l’entendent, regardent dans notre direction et distinguent nos silhouettes.

Ils nous hurlent de rester là, et de ne pas bouger. Paniqués, nous dégringolons de notre perchoir et détalons, les militaires nous mitraillent, et les balles qui sifflent à nos oreilles nous font battre nos records de course à pied ! Quelle trouille nous avons eue !

Lorsque nous nous retrouvons bien plus loin en brousse, et constatons que nos mitrailleurs ne nous ont pas suivis, nous nous comptons : tout le monde est là, et personne n’est blessé ! Puis nous réalisons que même la brouette est là ! Donatien nous explique alors qu’il l’a machinalement empoignée et s’est enfui en la poussant, et il est bien incapable d’expliquer ce geste…

Déçus de ne pas avoir atteint notre objectif, et tristes de laisser là le père de Kaeta, nous nous séparons et retournons chacun chez nous…

Ce n’est que deux jours plus tard que les corps seront rendus à leurs familles.

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Portrait de jf.kreutz
Jeanne-Françoise Kreutz

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