Congé de la Toussaint au "Musée international du Carnaval et du Masque", à Binche
Profitant de ce congé de la Toussaint, pourquoi ne pas nous rendre à Binche, au « Musée international du Carnaval et du Masque » (« MUM »), où nous attend deux intéressantes expositions temporaires. D’une part, « Happy Heads », qui se terminera ce dimanche 03 novembre, et d’autre part, « Ticuna, Peuple d’Amazonie ».
Concernant cette dernière exposition, lors de sa Visite de Presse , le vendredi 25 octobre, Daniel De Vos – ethnologue de terrain et passionné du peuple Ticuna – nous présenta Brodoloni Inácio Pinheiro Ngematücü, le fils du chef de clan Pedro Inácio Pinheiro Ngematücü, cet homme ayant permis la reconnaissance de l’identité et du territoire de cette ethnie indienne, la plus grande de ce pays, forte de 50.000 âmes, vivant au Brésil, dans la région de Alto Solimões, à l’ouest de l’Etat d’Amazonas, cette expo demeurant ouverte jusqu’au dimanche 26 avril 2020.
… Mais revenons quelques instants sur l’exposition présentée exclusivement au 1er étage, nous dévoilant le travail de deux artistes franco-chinois
« Benoit+Bo », un couple fusionnel, qui réexplore les masques traditionnels, symboles de bonheur, de paix et de prospérité, portés en Chine lors des défilés, dans le cadre de la tradionnelle fête des lanternes. Grâce à leurs masques en papier mâché, ayant déjà exposés en Australie, à Hong-Kong et dans différents pays europées, l’évolution dialogue avec la tradition, le présent se lie avec le passé.
Avec « Benoit+Bo », deux cultures, deux histoires, deux sensibilités se cotoient, utilisant leur héritage et leur savoir respectifs pour concevoir des œuvres mélangeant l’Occident et l’Orient, tout en jetant un regard mi-amer mi-amusé sur le monde qui nous entoure, tout en étant coloré, interactif, joyeux, ludique, mais aussi, très avant-gardiste, leur exposition, au message contestataire, nous étant présentée dans le cadre de la 12e biennale « ARTour-Art contemporain et Patrimoine ».
Outre une série de photographies et une vidéo montrant leurs masques portés dans des scènes notre vie quotidienne occidentale, leurs masques sont mis en relation avec des éléments de la collection permanente du « MUM », notre collègue Arthur Gillet, de la « RTBF », écrivant : « De différentes manières, à partir de divers points de vue, les artistes abordent le concept du temps et se jouent de son caractère insaisissable.
De cette relation entre l’Asie et l’Occident, venons en à une approche exceptionnelle de l’Amazonie brésilienne, le « MUM » allant à la rencontre du peuple Ticuna, avec l »appui de Daniel De Vos, avec qui le Musée avait déjà collaboré, en 2008, pour une précédente exposition, « Basiques Insctincts », qui avait permis un premier contact avec ce peuple Ticuna et la plus haute autorité chez les Ticuna, Pedro Inácio Pinheiro Ngematücü, Capitaine général du peuple Ticuna brésilien durant plusieurs décennies.
La plupart des 150 objets, actuellement présentés au « MUM », réunis pour la première fois en un même lieu, ont été choisis et collectés avec l’appui de Pedro, en vue de réaliser la présente exposition, le destin ne lui ayant pas permis de découvrir l’aboutissement de ce projet, Pedro décédant à Manaus, le 25 juillet 2018, à l’âge de 74 ans.
Parlant avec conviction, Pedro fut le premier autochtone à chasser un patron blanc du territoire des Ticuna. Connu au Brésil et à l’étranger pour sa lutte en faveur des droits territoriaux et la sauvegarde de l’identité culturelle des peuples indigènes, il reçut, en 1991, à Rome, le prestigieux Prix « Roma Brasilia Città della Pace », pour son combat et son engagement pour les droits humains.
Dès la première salle, nous apprenons que, d’après la tradition orale, le peuple Magüta fut repêché dans la rivière Eware, située aux sources de la rivière São Jerônimo, affluent du fleuve Solimões, entre Tabatinga et São Paulo de Olivença, Magüta signifiant « le peuple repêché avec un bâton ».
Parmi les objets exposés, nous trouvons une représentation du dieu Ngutapa dont les genoux laissent apparaître quatre enfants à qui il donne naissance, ressentant les mêmes douleurs qu’une femme lors d’un accouchement. Les frères Ipi(symbolisant le Mal) et Yoi (symbolisant le Bien), ainsi que les sœurs Mowatcha et Aicüna, voient ainsi le jour, munis de toutes sortes d’objets tels qu’un arc, du curare, des flèches, un hamac, de la poterie et une sarbacane…L’un des fils, Yoi se rendit à la pêche. Avec du manioc doux à son hameçon, il repêcha son propre peuple, le peuple Magüta,… à qui les colons donnèrent le nom de peuple Tacuna, également présent en Colombie et au Pérou, urilisant leur propre langue ticuna, comme nous l’expliquait Brodoloni, le fils de Pedro…
… La demande croissante de caoutchouc se ressentant jusqu’au Haut-Solimões, les colons européens obligèrent les Ticuna à quitter leurs « malocas » (maisons collectives), répartissant les Indiens sur plusieurs rivières, les utilisant comme récolteurs de caoutchouc, leur vie était régie par le châtiment corporel, le contrôle et l’esclavage, … la situation désespérée des Ticuna et la destruction insidieuse de leur culture ne prenant seulement fin que dans les années ’80.
A souligner la reconstitution fidèle, à l’échelle 1/1, de la case prévue pour le très important rituel de la « Nouvelle Fille », à l’intérieur de laquelle nous trouvons une petite cabane, la « turi », qui accueillera la jeune fille, à l’apparition de ses règles. Elle représente l’utérus, dont la fille sera libérée et qui permettra sa renaissance, le côté extérieur dela cabane étant décoré de dessins se rapportant au clan ou aux corps célestes.
Durant son séjour dans cette « turi », la jeune fille ne peut sortir, accompagnée de sa mère, sa grand-mère ou sa tante, que la nuit et uniquement pour des raisons d’hygiène. Elle doit suivre un régime très strict qui interdit, entre autres, la consommation de viande et qui permet uniquement celle de quelques espèces de poissons...
… A l’opposé, la chasse, le fumage de viande et la pêche s’intensifient, afin de pouvoir servir à manger aux invités, dans la case de la fête, où la cérémonie aura lieu durant trois jours, cette case, symbolisant le monde pur, nettoyé, vierge, où tous les composants du monde ticuna se réunissent.
L’oncle, qui dirige la fête, est secondé par un chamane, qui demande les bonnes grâces aux entités, ainsi que leur approbation et leur protection. On entend résonner des roulements de tambour qui n’en finiront plus. Ils sont le battement du cœur de la fête. Le corps de la fille est entièrement enduit de
« jenipapo », afin de la protéger contre toutes les formes du mal. Ensuite, un colorant rouge de graines de roucou est appliqué. Puis se suivent différents rituels qui impliquent aussi bien la jeune fille que les invités et dont le but est de les protéger, de les purifier et de faciliter la transition de la jeune fille vers son nouvel état.
Outre une vidéo nous restituant cette fête, nous trouvons, placés en hauteur, quelques masques authentiques qui furent préservés, après une telle célébration rituelle, la plupart d’entre eux ayant été brûlés, comme le veut la tradition, les planches de la cabane et de la « turi » étant ensuite emmenées vers la rivière, comme l’atteste des photos dans la dernière salle où une autre vidéo nous permet d’écouter le message de Pedro, qui avait été enregistré en fonction de la présente exposition.
Ouverture : du mardi au vendredi, de 9h30 à 17h, le samedi et le dimanche, de 10h30 à17h (billeterie jusqu’à 16h30). Prix d’accès : 8€ (7€, pour les étudiants et les seniors / 3€50, pour un enfant / 6€ à 7€, pour les membres de groupes d’adultes / 3€50, pour les membres de groupes d’enfants / 1€, pour les membres de groupes scolaires / O€, pour tous, ce dimanche 3 novembre. Visites guidées : sur réservation, en français, néerlandais, allemand, anglais, espagnol et italien. Site web : http://www.museebinche.be.
Yves Calbert.