La Wallonie, ce curieux rêve curieux de Laurent Busine

écrit par admin
le 05/02/2008
Saint Laurent V

Sortie de l’imagination du très inspiré directeur du MAC’s (musée des arts contemporains du Grand-Hornu), Trésors anciens et nouveaux de Wallonie. Ce Curieux Pays Curieux fait un portrait libre de la Wallonie bien avant que la région du Sud de la Belgique n’en porte la dénomination – entre les XIIe et XVIe siècles. Des joyaux de toutes formes (peinture, orfèvrerie, tapisserie, sculpture,…) et quelques créations contemporaines sont choisis d’abord pour leur faculté à raconter des histoires. Les récits familiers et fabuleux des gens d’ici, qui s’appropriaient le monde pour vivre, tout en lui rendant sa singularité.

Equilibres communautaires obligent, il fallait donner à la Wallonie l’opportunité qu’avait saisie la Flandre, avec l’exposition Ensor à Bosch, de révéler à son tour les trésors de ses collections d’art. Mais que montrer de la Wallonie ? Et dans quelles réserves puiser les témoignages de son identité ? La question a longtemps taraudé Laurent Busine : « Il est très difficile pour moi de dire au départ ce que je veux faire ; car le travail le plus compliqué, c’est de se laisser surprendre par ce que je découvre. » Le directeur du MAC’s aura surpris tout le monde, et sans doute d’abord lui-même, en se laissant interpeller par l’art du passé plutôt que par le contemporain qui est son pain quotidien. Vies de Saints, reliquaires, encensoirs, gisants, transis et châsses datés du XIIe au XVIe siècle et agencés selon le tracé de plans d’église : voilà ce qu’il nous donnera à voir de ce Curieux Pays Curieux.
« La chose qui m’a intéressé, c’est que la Wallonie est une fiction. Du XIIe au XVIe siècle, c’est quelque chose d’imprécis, à l’inverse par exemple de la France ou de l’Angleterre. Il est possible de parler d’une fiction, car c’est une histoire que l’on peut raconter. »

Laurent Busine s’était déjà servi du passé pour éclairer l’actualité la plus brûlante. N’avait-il pas, lors de l’exposition inaugurale de son MAC’s, il y a cinq ans, placé à l’entrée du nouveau musée d’Art contemporain les mêmes gisants de Jacques Du Brœucq dont il se ressert aujourd’hui ? « Ils permettaient de comprendre l’analogie entre le travail de l’albâtre et le traitement de la carnation dans les photos de Balthasar Burkhard – tout cela parlant in fine d’un homme en train de mourir. » On retrouve ici condensés les axes majeurs du questionnement artistique et philosophique du commissaire : créer, par l’association libre des œuvres, les conditions de l’art pour aboutir aux questions existentielles de l’humanité.

Naissance de l’individu dans l’art
Comme dans Des Fantômes et des Anges, l’exposition qui vient de fêter les cinq ans du MAC’s, Laurent Busine s’emploie à « effacer » les signatures qui auraient empêché un dialogue à égalité entre Paul Klee et un anonyme de l’Art brut. Pour son histoire rêvée de la Wallonie, il cherche ainsi à alléger le regard de son substrat culturel et à montrer qu’au final, une œuvre de l’Art populaire mosan et un chef-d’œuvre absolu de l’orfèvrerie d’Hugo d’Oignies ou une tapisserie monumentale de Tournai, recomposée pour la première fois depuis 500 ans, traitent bien de la même émotion humaine.
D’autant plus qu’à cette époque, l’individu dans toute son humanité émerge du hiératisme divin. La Vierge se déhanche soudain pour porter le Christ comme toutes les mères du monde leur enfant, quand Le Beau Dieu de Huy penche son visage et rapproche sa souffrance de celle du fidèle. « C’est ce moment qui m’intéresse : quand on s’adresse à un morceau de bois représentant Dieu devenu homme, à saint Roch ou à sainte Apolline. » Le rapport entre le particulier et l’universel, entre la Wallonie et le reste du monde se précise d’ailleurs dans cette appropriation singulière de la vie des saints, retracée dans l’exposition. « Prenez l’histoire de saint Sébastien. Dans le pays de Liège, on retrouve ce même saint transpercé de flèches, mais sous une autre dénomination et coiffé d’une mitre. À Soignies, il devient sainte Christine. Cela rend compte d’un culte très populaire qui est une manière de s’adresser à quelqu’un d’autre qu’à Dieu. Il y a une parole très émouvante : on peut comprendre encore aujourd’hui ce qui se passe là. »

Vision wallonne de l’humanité
Laurent Busine traque ainsi, à travers l’enchaînement des œuvres, les universaux et montre qu’hier comme aujourd’hui, les artistes de toutes origines continuent inlassablement de poser les mêmes questions fondamentales. « Un gisant de Du Brœucq et, côte à côte, un transi – figure représentant un individu en décomposition – : voilà deux manières de représenter la mort, physique et spirituelle. Encore aujourd’hui, nous sommes dans l’incapacité de dire ce qu’est la mort. Même les plus grands matérialistes savent quand les gens meurent : quand on ne pense plus à eux. Mon père est mort il y a trente ans, mais il m’habite tous les jours. Le rêve constitue notre individu. Une problématique de l’humanité tout entière. La Wallonie en a donné sa vision, mais cela appartient à l’histoire de l’humanité. »
D’où aussi le contrepoint contemporain dans l’exposition, conclut Laurent Busine : « L’artiste photographe suisse Beat Streuli y représente en photo un couple d’émigrés qui vient vers nous, poussant un landau ; et nous avions d’autre part une petite toile du primitif flamand (mais Dinantais d’origine) Joachim Patenier qui raconte l’épisode biblique de la Fuite en Égypte. On parle bien de la même chose : la communion d’une femme, d’un homme et d’un enfant qui voyagent dans la vie d’une certaine manière. »

Xavier Flament

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Trésors anciens et nouveaux de Wallonie. Ce curieux pays curieux.
14.02 > 18.05.2008

L’exposition Trésors anciens et nouveaux de Wallonie sort tout droit de l’imagination de Laurent Busine, le très inspiré directeur du MAC’S (musée des arts contemporains du Grand-Hornu). À l’aide de 140 œuvres d’art ancien et contemporain, elle dessine un portrait libre de la Wallonie entre les XIIe et XVIe siècles.
Cette combinaison du temps et de l’espace donne à voir un concept surprenant : à cette époque, on ne parlait pas encore de la Wallonie. Ce n’est qu’en 1844 que le nom de la région est apparu. À l’instar de nombreux pays et régions, la Wallonie existe réellement, et en même temps, elle est une fiction, une construction. La plupart des œuvres d’art de cette période sont inspirées de la religion et ont été commandées par des églises et des abbayes. Les histoires religieuses – les récits de saints du Nouveau et de l’Ancien Testament - ont souvent quelque chose d’extraordinaire et de merveilleux. Le paradoxe wallon et le sens de l’extraordinaire forment le point de départ de l’exposition. Le fil rouge est l’histoire très personnelle et fictive que Busine raconte à propos de sa région, la Wallonie.
Laurent Busine a sélectionné des œuvres d’art de toutes formes – peintures, orfèvrerie, tapisseries, sculptures – issues de collections privées et publiques (musées, églises) provenant de Wallonie comme de l’étranger. Il a choisi ces œuvres d’art pas uniquement pour leur valeur artistique et historique, mais aussi pour leur faculté à raconter des histoires.
C’ est pourquoi on retrouve dans cette exposition toute une série d’artistes connus et moins connus, d’hier et d’aujourd’hui, ainsi qu’un certain nombre d’objets ‘curieux’. Parmi les œuvres exposées, on trouve des peintures de Joachim Patenier, Henri Blès et Jan Gossaert ; une tapisserie de Tournai du XVe siècle, des reliques d’Hugo d’Oignies... Mais le visiteur peut également admirer des objets inhabituels tels que des brûleurs d’encens en forme d’église, le crâne de saint Dagobert ou un cavalier sans tête. Busine intègre aussi des œuvres d’art contemporain d’Orla Barry, Michel François, Jean-Pol Godart, Juan Paparella, Beat Streuli et Angel Vergara, dans son histoire.
Trésors anciens et nouveaux de Wallonie est un parcours inattendu émaillé de surgissements contemporains. Il préfère à l’historicisme et à un quelconque dessein idéologique la poésie, l’humanité et la simplicité si coutumières de Laurent Busine et, sans doute, de ce « curieux pays curieux ».

Courte biographie de Laurent Busine
Laurent Busine est né le 6 janvier 1951. Depuis 2002 il est le directeur du MAC’S (Musée des arts contemporains de la Communauté française au Grand-Hornu (Hainaut, Belgique). Diplômé d’histoire de l’art et d’archéologie de l’Université Libre de Bruxelles, il est l’auteur de nombreuses publications scientifiques et littéraires. En outre, il est maître de conférences en muséologie à l’Université Libre de Bruxelles et membre de plusieurs comités culturels. Il a aussi été président de la Commission consultative des arts plastiques de la Communauté française de Belgique. De 1982 à 2002, il a été le directeur des expositions du Palais des Beaux-Arts de Charleroi.

Informations pratiques
Trésors anciens et nouveaux de Wallonie. Ce curieux pays curieux

Lieu
Palais des Beaux-Arts
Rue Ravenstein 23
1000 Bruxelles

Date
14.02 > 18.05.2008

Heures d’ouverture
Mardi > dimanche, 10:00 > 18:00
Jeudi, 10:00 > 21:00

Tickets
€ 9,00
€ 14,00: combiticket Paul Klee

Catalogue
€ 30,00

Audioguide
€ 2,00

Podcast
www.bozar.be

Info & Tickets
T. + 32 (0)2 507 82 00
www.bozar.be

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