Invitation de la Galerie du Triangle Bleu de Stavelot a ArtParis

le 04/04/2011
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ART
PARIS
JUST
ART !
Grand Palais
Du 31 mars au 3 avril le somptueux Grand Palais abritait Art Paris, une foire d’art contemporain qui rassemble pas moins de 125 exposants- galeristes. Un directeur que l’on dit « stratégique » : Lorenzo Rudolf qui a dirigé presque dix ans la foire Art Basel et qui l’a transformée en numéro Un mondial. Il entend bien faire évoluer cette foire de la ville lumière aussi !
31 mars:Les visiteurs se pressent à l’entrée, je consulte le plan de cette géométrie de stands à la recherche du B12 : la galerie du Triangle Bleu de Stavelot. Tout à coup, le long d’un tapis ligné et coloré comme un inattendu arc-en-ciel, sur l’accoudoir d’un divan argent : Marie- Claire Goosse. Elle m’ accueille en bondissant avec un large sourire : « Un évènement d’une grande qualité ! ». Elle m’explique l’enjeu de cette foire : montrer les artistes de la galerie ailleurs, faire leur promotion auprès de quelques cinquante mille visiteurs et partenaires : les autres galeries, la presse, les collectionneurs et le tout public. La galerie a été sélectionnée sur base d’un abondant dossier. Elle a choisi de privilégier ici les jeunes artistes : Sen Chung, Tinka Pittoors, les artistes belges Marc Angeli et Bernard Gilbert ainsi que l’américain James Brown. C’est évidemment un investissement d’un coût élevé dans ce lieu de prestige. Elle ajoute levant les bras au ciel de cette structure en hauteur : « Et Paris ! Et le Grand Palais !...nous sommes la seule galerie wallone ! » A l’intérieur du stand : sa collègue- directrice Francine Jacques. Elle se démène avec l’ordinateur : c’est qu’il est toujours en lien avec Art Paris Abu Dhabi ! En effet la galerie était présente dans les Emirats Arabes il y a deux-trois ans. Je lui pose la question des retombées. Elle affirme l’expérience concluante… « mais c’est une approche à long terme pour l’art occidental là-bas. Il faut attendre un peu… »
Je les laisse à l’accueil des nombreux regards curieux. Je me balade dans les allées. J’engage la conversation avec d’autres visiteurs sur leurs découvertes. L’un d’eux, Olivier, après réflexion, déclare que son principal intérêt ici c’est de goûter l’air du temps du marché de l’art, de voir ce que les galeristes exposent, ce que les gens aiment, les tendances. Et puis il me dépose ce conseil précieux : « Il faut passer très peu de temps avec ce que vous n’aimez pas et vous attardez sur ce que vous aimez. » Devant une telle multiplication d’œuvres, il me faut veiller à ne pas me laisser indifférente, c’est ainsi. J’ai cessé de regarder les œuvres, j’ai regardé les gens. J’ai regardé les gens regarder les œuvres, et mon œuvre était là : dans la rencontre. Une photographie attire mon œil : il s’agit d’un décor, une scénographie du vivant : une salle de spectacle désertée, délabrée. Je demande à une dame de s’attarder devant la photographie pour « poser ». Elle refuse haut et fort d’être figée dans une image avec un arrière- plan de décadence. Le jugement et l’appréciation varie selon les êtres, d’autres sont venues, ont accepté sourire au visage. Sur mon image les voici projetée dans une réalité autre, un ailleurs qui n’est pas ici, dans lequel elles ne sont pas, et pourtant…La rencontre : je leur enverrai cette trace de leur passage à ArtParis. La foule s’amasse au fil de l’après- midi. Je reste dans la contemplation des visages de mes contemporains, une telle variété, ce seul jour aperçue et en disparition déjà pour l’éternité de la vie à venir : la mienne, la leur. Errance. Je reviens au conseil salutaire : « attarde- toi sur ce que tu aimes. » Je retourne sur les terres connues : le stand B12. Mon amie Anne m’y a rejoint. Nous pénétrons l’espace de la galerie, restreint quand on connait la vaste « maison mère » du site de l’abbaye de Stavelot. Un parfait équilibre entre les différents univers de chaque artiste. Une sensibilité éveillée loin de l’indigestion tapageuse. Sur le panneau- mur de droite les œuvres de Bernard Gilbert. Anne note le travail sur la profondeur, et les dimensions qui provoquent une véritable perception de plongée et d’escalade. En vis-à-vis une vaste peinture de James Brown : comme un grillage, un treillis qui ne sépare pas, n’exclut pas mais au contraire unifie l’ensemble des satellites colorés . Entre espace terrestre et espace céleste, ancrage dans l’étendue et l’absolu. Dans le fond, trois Marc Angeli, déclinaison de couleurs sur des supports en bois. Sobriété et force. Comme un petit temple qui recentre et rassemble. Tinka Pittoors occupe quant à elle un espace éclaté avec ses œuvres tri- dimensionnelles. Objets hybrides d’une époque…qui est la nôtre. L’artiste SEN Chung s’est quant à lui retiré dans le fond du stand, comme au jardin. « Attarde- toi sur ce que tu aimes. » Anne longuement se pose dans une immobilité attentive et attentionnée puis elle murmure : « tant de douceur ». Le grand dépouillement des toiles renvoie à l’essentiel, au souffle, à la respiration, à l’être. Dans ce « jardin » nous nous promenons littéralement. Me voici dans la même disposition d’esprit que celle vécue plus d’une fois dans la galerie à Stavelot : ma taille d’humaine au milieu de l’univers qui me crée et que je puis continuer à créer comme le font les œuvres exposées. D’une branche d’arbre à un feuillage- corps de femme, à quatre carrés de couleurs. L’artiste, originaire de Corée et qui vit actuellement à Dusseldorf m’évoque dans un anglais international l’omniprésence du blanc et du noir dans les tableaux de l’Asie, reflet aussi de la calligraphie. Il a donc fait le choix et la recherche de couleurs sur arrière- plan gris. Plutôt que représenter un paysage, il souhaite générer une atmosphère émanant d’éléments de la nature. Je pense à la poésie. Il m’apparaît brusquement que loin d’œuvres vues et contournées dans cette foire, l’artiste n’impose rien, n’écrase pas mes sens, il ne dicte pas, il propose et laisse venir à lui. Dans le temps et l’espace qui me semblent être constitutif et essentiel d’une œuvre d’art et qui s’appelle la rencontre. Aussi l’évidence du choix de la galerie : le pinceau et la peinture, continuité et suspension, durée plutôt que mitraillette de l’image. Il est bon que se referme ma visite sur et avec ce jardin. Dans la rame de métro au retour, une strophe de Paul Verlaine continue de m’attarder sur ce que j’aime, la Galerie du Triangle bleu et les peintures de Sen Chung : « Votre âme est un paysage choisi. »
Marie- Laure Vrancken

  • Suivre le tapis de ArtParis
  • Francine Jacques et Marie- Claire Goosse devant leur stand
  • Anne, visiteuse, devant une toile de Sen Chung
  • De Abu Dhabi a Paris, en ligne
  • De Marc Angeli
  • De Sen Chung
  • James Brown
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