Ces animaux mignons ou "anodins"... qui menacent la biodiversité !
Peu connue du grand public, la dernière liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes de l'Union Européenne a été établie à l'été 2019. Elle comporte 66 espèces en tous genre, dont voici certaines, parmi les plus emblématiques... A commencer par
1 L'écureuil de Corée !
Originaire de Sibérie et du Sud-est de l'Asie et vendu en animaleries à partir des années 60, il a souvent été relâché dans la nature comme animal d'ornement dans les parcs de loisirs ou par des propriétaires lassés de sa compagnie... Dans son aire d'origine, cette espèce entraîne d'importants dégâts sur les champs de céréales. Elle est aussi un réservoir des bactéries responsables de la borréliose de Lyme.
2 Le raton laveur
Il est si mignon, n'est-ce pas ? Ça n'empêche pas le "procyon lotor" (son petit nom scientifique), omnivore opportuniste très agile, d'investir poulaillers, cultures de céréales ou garde-manger des maisons... Celui dont le vrai "bercail" se trouve en Amérique du Nord et centrale, est aussi un réservoir de zoonoses comme la rage ou d'un ver pouvant causer des encéphalites létales. Ex-animal de compagnie des troupes américano-canadiennes basées en France dans les années 60 ; évadé des zoos ou abandonné par des particuliers le détenant illégalement car agressif à l'âge adulte, il est observé sur l'ensemble du territoire national. Visé par des actions de piégeage toute l'année, il peut être tiré en période de chasse.
3 L'Ouette d'Egypte
"L' Alopochen aegyptiacus" a du style, avec ses "lunettes d'aviateur" sombres. Recensée comme espèce exotique envahissante par l'UE et venue d'Afrique subsaharienne (Vallée du Nil), elle est arrivée en France à partir d'oiseaux échappés d'Allemagne et des Pays-Bas. En expansion dans l'Hexagone depuis son quart Nord-Est, l'espèce barbotant en eau douce est notamment suspectée du vol de nids et de s'amouracher de Bernache du Canada, d'Oie cendrée et de Canard Colvert. Présente en nombre, elle peut dégrader milieux aquatiques, cultures et abords des aéroports. De nombreux arrêtés ont été pris en France depuis les années 2000 pour autoriser sa destruction par stérilisation des nichées, effarouchement ou capture.
4 Le Corbeau familier
Le corbeau familier ("Corvus splendens") n'a pas toujours eu de pied à terre en France : il est originaire d'Asie. Depuis le début des années 2000, c'est en Outre-mer, à la Réunion, qu'il a pris ses quartiers. Il s'y serait implanté depuis l'Ile Maurice, en faisant du "bateau stop" (voyage par bateau). C'est aussi de cette manière pittoresque qu'il s'est introduit aux Pays-Bas. Porteur d'agents pathogènes entériques pouvant entraîner des maladies diarrhéiques chez l'homme, ce corbeau exotique menace aussi les espèces locales (prédation des jeunes et des œufs) et entraîne des nuisances diverses (dégâts sur les cultures, poubelles, câbles électriques, etc). Depuis 2005, un arrêté préfectoral autorise les tirs sur cette espèce par des agents de la Brigade Nature Océan Indien sur l'île de la Réunion.
5 Le Chien viverrin
"Nyctereutes procyonides". C'est le nom savant de ce chien aux airs de raton laveur, venu d'Extrême-Orient (Chine, Corée, Japon). Importée en Europe de l'Est pour des élevage de fourrures entre les années 1930 et 1950, l'espèce s'est dispatchée en Europe via des échappées ou des relâchés. En France, on l'observe depuis les années 1970, mais assez rarement. Sa population dynamique en Allemagne incite toutefois à la vigilance. Suspecté d'impacter les populations d'amphibiens ; en concurrence avec le Blaireau et le Renard roux ; le Chien viverrin transmet aussi rage, gale ou trichinose. Piège photographique, pose de balises GPS, campagnes de piégeage et de stérilisation... Lancé en 2010, un programme européen de 3 ans a visé à réguler sa population en Finlande, Suède et Danemark.
6 L'Ibis sacré
L'ibis sacré, "Threskiornis aethiopicus" de son nom scientifique, peut faire de l'ombre aux espèces autochtones en occupant leurs nids. Prédateur opportuniste, il croque invertébrés aquatiques, poissons, amphibiens, oeufs et jeunes oiseaux, ou encore certaines écrevisses... Originaire d'Afrique orientale, subsaharienne et de Madagascar, cet oiseau qui semble sorti tout droit d'une estampe japonaise s'est échappé de zoos en Camargue et a bénéficié de nidification hors des parcs dans l'Ouest de la France. La gestion de sa population se fait par pose d'appâts, administration de molécule chimique toxique (l'alphachloralose, un raticide), tir au fusil de chasse et/ou prélèvement et destruction des œufs, une dernière méthode qui donne parfois lieu à... une seconde ponte.
7 La Grenouille taureau
Chaud devant ! La grenouille taureau ("Lithobates (Rana) catesbeianus" pour les scientifiques) ne se contente plus de la Côte Est des Etats-Unis. Cette espèce exotique envahissante affaiblit les populations d'amphibiens initialement présentes en France. Pour lutter contre son expansion, moult méthodes ont été expérimentées : barrières de piégeage, tir nocturne et diurne, destruction des pontes, pêches électriques ou encore vidanges d'étang. Comment les batraciens ont-ils atterri là ? Ramenés des Etats-Unis en 1968, une dizaine d'entre eux ont été placés en bassin ornemental en Gironde. L'espèce a aussi été introduite en Sologne. Le grand sud-ouest de la France constitue aujourd'hui la deuxième plus grande aire européenne de présence de cette grenouille rentre-dedans.
8 Le frelon asiatique
"Vespa velutina nigrithorax". Un long nom pour un insecte XXL. Le frelon asiatique ne fait pas encore l'objet d'un plan de lutte coordonné en France, mais de mesures de surveillance, de prévention et de lutte mises en place localement. La destruction de ses colonies se fait par injection d'insecticide. Des "muselières de ruche" sont employées pour protéger les abeilles.
Le frelon asiatique aurait été introduit en France... dans des poteries importées de Chine par un horticulteur du Lot-et-Garonne (!). Rapidement dispersé sur le territoire, celui qui capture d'autres insectes pour nourrir ses larves n'attaque l'humain que quand sa colonie (souvent placée très haut) est dérangée. Rares, les attaques de frelons peuvent être graves en cas de piqûres multiples et de réaction allergique.
9 Le Muntjac
Le Muntjac, ou "Muntiacus reevesii", ressemble à un chevreuil tout rond. Venu de Chine et de Taiwan, il peut fortement dégrader la végétation des zones boisées. De quoi réduire les habitats de plusieurs espèces (oiseaux nicheurs au sol, invertébrés, micromammifères, etc). Il peut aussi concurrencer le chevreuil autochtone et entraîner des collisions routières.
En Europe, les premiers spécimens de Muntjac ont été importés à la fin du 19e siècle à destination des zoos. En France, une population s'est établie dans les forêts contigües d'Indre-et-Loire, du Loir-et-Cher et de l'Indre, et semble s'étendre. Dans ces départements, l'animal peut être prélevé par les chasseurs, les agents de l'OFB (Office français de la biodiversité) et lors de battues administratives.
10 Le Crabe chinois
Crabe chinois trouvé dans la Tamise en 1998. L'"Eriocheir sinensis", ou Crabe chinois, a été introduit en Europe au début du 20e siècle, probablement à l'état larvaire dans les eaux de ballast* des bateaux. Signalé pour la première fois en France autour de Boulogne, en 1930, il était présent en abondance dans les estuaires de la Seine, de la Loire et de la Garonne au milieu du 20e siècle, avant de décliner depuis 1970. Aujourd'hui peu présent en France, il ne fait l'objet d'aucune mesure de gestion particulière. Utilisé comme appât pour la pêche, pour l'alimentation des poissons ou pour la fabrication de cosmétiques, le Crabe chinois peut causer des dommages aux filets des pêcheurs, aux ressources piscicoles, à la faune et à la flore d'eau douce, et, quand il est présent en nombre, aux digues et aux berges car il creuse des terriers.
* réservoirs de grande contenance équipant certains navires et tour à tour remplis et vidangés d'eau de mer pour optimiser la navigation.
11 L'Ecrevisse marbrée
Signalée pour la première fois en France en 2019, l'écrevisse marbrée ne manque pas d'air ! Les "Procambarus cf fallax", comme on les appelle en terme savant, sont porteuses saines de la peste des écrevisses (aphanomycose) et peuvent la transmettre de façon non-saine aux espèces indigènes. Elles sont aussi susceptibles d'entrer en compétition avec leurs congénères originaires de France. Provenant d'Amérique du Nord, l'espèce a émergé en Europe via le commerce aquariophile. Son introduction sur le territoire français est interdite par un arrêté de 2018. Différentes méthodes sont envisageables pour contrôler sa population : contrôle mécanique, physique, biologique, par biocides et autocides (lâcher de mâles rendus stériles par voie chimique ou par irradiation).
12 La mangouste de Java
"Herpestes Javanicus" désigne la mangouste de Java, originaire du Moyen-Orient, d'Inde et d'Asie du Sud-Est et introduite en Guadeloupe, Martinique, à Saint-Martin et en Guyane... pour chasser les rats et les serpents. C'est finalement la population des mangoustes elle-même que les Antilles françaises ont dû réguler ensuite ! En Guadeloupe par exemple, des pièges de type "ratière" ont été employés pour les appâter avec un gloubi-boulga de beurre d'arachide, flocons d'avoine et huile de sardine. Côté dégâts, celle qu'on appelle aussi la "petite mangouste indienne" est un prédateur d'espèces autochtones (oiseaux, reptiles et mammifères) dont elle entraîne le déclin, voire l'extinction. Elle est aussi un réservoir de rage et de leptospirose.
13 Les poissons chats rayés
Le poisson-chat rayé, ou "Plotosus lineatus", fait initialement trempette dans le bassin Indo-Pacifique... Introduite en Méditerranée, l'espèce présente "un risque important pour les côtes métropolitaines françaises dans les prochaines années", dixit le Centre de ressources des espèces exotiques envahissantes. Ces poissons moustachus présents dans le golfe et le canal de Suez depuis les années 1930 ont une fécondité débridée allant de 525 à 1 176 œufs par an... et atteignent donc vite des densités considérables ! En plus de gêner la pêche d'autres poissons, ils risquent de concurrencer d'autres espèces locales, comme ils l'ont déjà fait en Israël avec les mulets. C'est aussi un poisson à forte venimosité. Si sa piqûre est rarement mortelle, elle peut provoquer des syncopes chez les plongeurs.
14 L'érismature rousse
Oiseau au bec turquoise originaire des Amériques, l'érismature rousse, ou "Oxyura jamaicensis", fait l'objet d'un plan d'éradication en France depuis 1997, qui semble porter ses fruits depuis quelques années. Objectif : que seuls les zoos ou les conservatoires animaliers puissent en conserver. Leur introduction en Europe a commencé en 1984, quand plusieurs couples ont été importés en Grande-Bretagne pour enrichir la collection d'oiseaux d'eau du parc animalier de Slimbridge. Une centaine de jeunes spécimens fut ensuite autorisée à voler, gagnant le milieu naturel. Sa population a colonisé l'Europe continentale, posant un problème majeur : l'hybridation de cette espèce avec son homologue eurasien, l'Erismature à tête blanche (en danger d'extinction).
15 Le Coati
"Nasua nasua" (son nom scientifique) pour les intimes, est un mammifère carnivore d'Amérique du Sud au museau allongé en forme de groin. S'il figure bien sur la liste des espèces exotiques envahissantes de la Commission européenne, il ne fait l'objet d'aucune mesure spécifique en France : quelques coatis se sont échappés de zoos, mais ils n'ont guère fondé de population dans notre pays...
► Pour aller plus loin : consultez la dernière liste complète des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l'Union européenne en cliquant ici
16 Le Rat musqué
Ne vous fiez pas à sa bouille de peluche : le rat musqué, alias "Ondatra zibethicus", a la fâcheuse tendance à abuser de végétation aquatique et de mollusques dans son alimentation ; perturbe, d'après une étude de 2006, la reproduction de certains poissons et oiseaux ; et dégrade berges, lit des rivières, prairies naturelles ou encore installations humaines (piliers de ponts, digues...). Pour couronner le tout, ce rat touffu originaire d'Amérique du Nord peut porter des maladies présentant un risque pour l'homme (leptospirose, toxoplasmose, echinoccocose alvéolaire...). Introduit en France en 1920 pour l'exploitation de sa fourrure et échappé des élevages après leur faillite en 1930, on le trouve aujourd'hui sur la quasi-totalité du territoire hexagonal... On peut le chasser et le piéger, dans le cadre des mesures de gestion liées à sa population.
17 La Tortue de Floride
Originaire d'Amérique du Nord, la tortue de Floride, ou "Trachemys scripta", a été importée en masse en France, entre 1985 et 1994 : c'est alors 4 millions d'entre elles qui sont venues y faire office d'animaux de compagnie ! Devenues trop encombrantes ou nécessitant trop d'entretien, certaines ont été relâchées en milieu naturel. Selon plusieurs études, cette tortue prend le dessus sur la Cistude d'Europe. Elle peut aussi transmettre des parasites à ses congénères locales, ou impacter négativement flore et faune aquatique de par son alimentation. Pour autant, sa présence n'entraîne pas forcément de diminution généralisée des espèces locales. En France, plusieurs méthodes de tir et de piégeage ont été expérimentées pour gérer sa population.
18 Le Goujon de l'Amour
Le goujon de l'Amour ne fait pas que roucouler... "Perccottus glenii", de son petit nom scientifique, vient d'Asie (Chine, Corée). Ce poisson d'eau douce tâcheté a été introduit en Russie, où des spécimens d'aquarium ont notamment été relâchés dans plusieurs étangs proches de Moscou. L'espèce s'est par la suite dispersée dans l'ensemble de l'Europe de l'Est de trois façons : naturellement ; par les échanges entre aquariophiles ; par son usage en tant qu'appât de pêche. Pas encore signalé en France à l'heure actuelle, ce prédateur majeur d'invertébrés en tous genre et de larves de vertébrés (poissons et amphibiens) chamboule l'équilibre de la chaîne trophique et concurrence les prédateurs indigènes, entraînant, selon une étude de 2003, le déclin de nombreuses espèces.
19 Le Ragondin
Originaire d'Amérique du Sud, le "myocastor coypus" a été introduit dans l'Hexagone à partir des année 1880 via des élevages pour sa peau, puis libéré dans la nature à la fin de cette activité, suite à la crise économique de 1929. Aujourd'hui présent sur la quasi-totalité du territoire métropolitain, le rongeur aquatique perturbe la biodiversité d'eau douce ; dégrade rivières, réseau hydraulique et installations humaines s'y trouvant, mais aussi les cultures (betteraves, maïs) ; et est vecteur de pathogènes comme la douve du foie, la leptospirose, la toxoplasmose ou l'echinoccocose alvéolaire. Son piégeage, son tir et son déterrage sont autorisés toute l'année sur le territoire français.
20 La Perche soleil
Malgré son joli nom ensoleillé, "Lepomis Gibbosus", originaire d'Amérique du Nord, exerce "une prédation sur les œufs de poissons autochtones et sur une espèce de mollusque endémique", d'après une étude ibérique. Introduite en Europe fin 19e pour la pêche de loisir, puis reproduite artifiellement, elle nage aujourd'hui dans toute la France. Depuis 2011, des pièges expérimentaux sont dispatchés dans le Marais du Trait (près de Rouen) pour tenter de gérer sa population.
« L’Internaute »