"La Grosse" est-elle un obstacle à l'accueil du stock européen des masques?

écrit par ReneDislaire
le 06/07/2020
caricature de Maggie Deblock

"La grosse" va-t-elle empêcher le choix de la Belgique pour une installation européenne convoitée?
Point(s) de vue houffalois

Mon titre est odieux. Il se réfère à des citations. 
L’info reprise  abondamment sur facebook est la suivante : « La Belgique s'est portée candidate pour gérer le stock stratégique de masques de l'ensemble des pays de l'Union européenne. La candidature belge pour gérer le stock stratégique "RescEU" a été déposée le 5 juin ».

Alors je vois des commentaires nombreux de personnes de notre région qui vont tous dans le même sens.
" Quelle rigolade.
" Vraiment, le pays le plus ridicule au monde pendant la crise !
" Honte au politicard de mes deux c… qui a pensé à ça.
" Un pays qui a huit ministres pour s’occuper des masques, c’est une fameuse référence !

Et le summum :
"La Grosse a vraiment fait la preuve avec les masques que nous sommes des bons à rien". D'autres commentaires s'ajoutent, tous aussi offensants, accablant « la Grosse » de tous nos maux passés, présents et à venir.

Que l’actualité politique soit commentée avec humour, et que les Belges en aient un sens aigu, d’accord. Sans quoi, de quoi vivrait François Pirette ? Mais il y a des limites au-delà desquelles c’est le civisme qui est profané et le vivre ensemble qui est préjudicié.

Houffalize. Osmose et endogamie
Ce que j’observe à l'envi depuis des années de fréquentation de facebook, c’est qu’il existe dans notre petite région un phénomène d’osmose dû à l’importance de l’endogamie. Quels grands mots !
L’endogamie, c’est que nous sommes tous parents les uns avec les autres, confinés depuis des siècles dans une aride géographie de montagne mais aussi reliés par le type des occupations professionnelles, la religion, l’appartenance à des courants d’idées et des valeurs qui sont les mêmes (gamie: les mariages; endo: dans le même périmètre - géographique, religieux, professionnel...)
L’osmose, c’est que si quelqu’un d’un peu connu prend une position affirmée sur un fait nouveau, tout le monde va le suivre comme des moutons de panurge et publiquement. Exprimer le contraire des propos de quelqu'un, ça ne peut s’expliquer que par une sordide volonté de règlement de comptes : on est en désaccord en réalité, dirt-t-on, parce qu'on se hait, sous le sceau du secret, pour un héritage qui a échappé à un arrière grand-oncle, pour des rivalités politiques il y a plus d'un siècle, pour une suspicion honteuse sous l'Occupation, pour un immémorial dépit amoureux à la fête à Cowan dans les années folles.

Où il y a osmose et endogamie, le mot polémique n’existe pas. Tout affrontement d’idées, loin d’être un enrichissement, est proscrit en tant que menace pour la tranquillité sociale. Ni le mot polémique, ou diatribe, ou controverse, ou critique ne font partie du vocabulaire.

La candidature à l'accueil du stock stratégique des masques et à sa gestion 
Nul d’entre nous, je crois, ne sait exactement de quoi il s’agit.
Et tel commentateur autoproclamé visionnaire sur facebook serait bien en peine d’argumenter ce qu’il prétend le ridicule de la candidature de la Belgique par le fait qu’elle a huit ministres « chargés de la santé publique ».
Si nous avons huit ministres, c’est que nous l’avons voulu, et que cela cadrait avec les équilibres qui font que la Belgique est encore un pays, un état unitaire. Ce fut une erreur ? La vie en est faite. Mais en était-ce une?

Et quel est le pays, particulièrement l’Italie, qui n’a pas connu des difficultés à cause de l’état de ses institutions ? La Belgique est disloquée?  Mais l'Italie n'a jamais connu  d'ère d'unité...

Les masques en France ? Oui, il y a eu des avatars comparables aux nôtres dans l’Hexagone. La ministre en cause a eu tôt fait de quitter le navire gouvernemental (pour rencontrer un échec à la mairie de Paris...). Chez nous, Madame De Block, elle, est demeurée face à ses responsabilités et face à des moqueries injustifiées et du plus mauvais goût, justification de cet article.

La Belgique doit-elle être candidate à l’accueil du stock des masques pour l’Europe ? 
Les spécialistes s'interrogent quant à la dépression qui nous est réservée en matière économique. La certitude, c’est qu’elle sera importante en pertes d’emplois, de faillites. de drames personnels et familiaux, de déchéances. 

 Le stock de masques serait créateur d’emplois. Pas des milliers certes, mais si peu nombreux soient-ils, un fameux soulagement pour quelques familles.
Outre la valeur de symbole de cet élément tangible dont on ne peut mesurer la portée.

Puissent ceux qui agonissent nos politiques d’injures ne pas perdre leur source de revenus ; n’empêche que leur réaction exacerbée est inadmissible au regard de nos valeurs.
Il est d’autant plus difficile d’atteindre un objectif si une frange irréfléchie et goguenarde de la population colporte la certitude qu’on en est incapable.

Pourquoi la Belgique a-t-elle des chances ?
Il y a des critères matériels de localisation d’un tel projet, et le dossier est comparable à celui d’un petit zoning de village.

L’accessibilité. La Belgique a le plus grand port de l'Union Européenne: Anvers. L’aéroport de fret de Liège Bierset est là, particulièrement qualifié, avec ses immenses possibilités. Ports et aéroports, lignes de chemin de fer y compris le TGV, réseau d’autoroute et qualité reconnue au niveau européen des entreprises de transport routier de nos voisins germanophones belges.
Ne rien demander, ce serait ne rien obtenir. Ceux qui contestent les prétentions de la Belgique pourraient y penser, surtout que des emplois créés à Bierset ou dans les cantons de l'Est par exemple sont des emplois de proximité pour notre Nord-Luxembourg.

La Belgique incapable de mener à bien un projet ambitieux?
Des observations de toute ma vie, je ne connais qu’un échec : fin des années 60, celui du CERN à Focant (Centre Européen pour la Recherche Nucléaire). Il n’est pas à exclure qu’aujourd’hui Le CERN ne partirait pas à Genève, la Belgique ayant entre autres l’atout du pôle scientifique de Louvain-la-Neuve pour le retenir.

Les réussites 
L’Exposition universelle de 1958. Il fallait le faire : nous l’avons fait. Mettre face à face les gigantesques « pavillons » américain et soviétique, l’arrogante URSS étant fière d’exhiber aux yeux du monde entier son Spoutnik sorti de Baïkonour.

L’OTAN. Fin des années 60, i’installation du quartier général de l’OTAN à Chièvres-Casteau. Fameux bras de fer diplomatique : la Belgique à réussi. Que l’OTAN s’effondre ou délocalise son QG, c’est l’économie du Hainaut et la Région bruxelloise qui serait durement frappée.

Bruxelles capitale de l’Europe. De centre administratif d’un niveau comparable à ceux de Strasbourg et Luxembourg à l’époque du Maché Commun composé de six pays, Bruxelles est devenue plus que la capitale de l’Europe. « Bruxelles », le simple nom de Bruxelles, c’est l’Europe, pour tous les médias étrangers : « Bruxelles a dit oui, Bruxelles a dit non ». Pour les nouvelles installations européennes, Bruxelles a tout obtenu ; la France et l’Allemagne et les nouveaux pays de l’Union européenne ensuite, rien de substantiel. Que ce statut soit retiré à Bruxelles, outre les milliers d'emplois perdus, l'aéroport de Zaventem serait ravalé au statut d'aérodrome dans la brousse.

Louvain-la-Neuve. La réussite du projet de ville nouvelle de Louvain-la-Neuve, dans des champs de betteraves, en 1970, avec ses emplois stables notamment de haut niveau, centre universitaire au prestige et au rayonnement internationnal : rien ne peut y être comparé en Europe.

Le pôle scientifique dont Louvain-la-Neuve a favorisé l’ancrage dans le Brabant wallon. Les années 70/80 ont été celles de la fuite des cerveaux, celle de nombreux universitaires scientifiques post babyboom vers l’Amérique. Ce pôle scientifique a pu les maintenir chez nous par des empois de haut niveau, notamment en recherche et développement en relation avec la santé.

Puis il y a toutes sortes de réalisations de moindre envergure dont l’implantion chez nous relevait de l’utopie. Pensons, dans le Luxembourg au Centre aérospatial de Redu/Libin.

L'immatériel
Pour obtenir une décision politique de rang international, européen en l’occurrence, il faut des hommes politiques au bon endroit, des hommes reconnus de valeur, des relais, des leviers, des lobbyistes.
La Belgique a souvent réussi de telles mises en place. On citera Willy Claes àl'OTAN et, en passant par des Herman Van Rompuy, on débouchera sur Charles Michel et Didier Reynders à l'Europe.
Où il est, il serait impossible à Charles Michel d'être nul en cas d’examen de la candidature belge pour l’accueil des masques.
Il serait même naïf de penser que la Belgique - le politicard de mes deux c...-, aurait posé la candidature il y a un mois sans avoir reçu son aval : les hommes politiques ont horreur de se faire coincer dans des rôles de kamikaze.
Le Président du Conseil européen pèsera de tout son poids d’autant que « la Grosse », sans qu’il soit besoin qu’elle le lui rappelle, avait renoncé à mettre en avant de réels atouts dans la course à l’investiture de Premier ministre remportée par le Wavrien en 2014.

En politique rien n’est jamais acquis d’avance
Mais est-il permis de s’esclaffer ostensiblement sur les réseaux sociaux en partant de l’opinion que la Belgique aurait fait preuve d’idiotie lorsqu'elle s'est portée candidate pour un marché symbolique entraînant quand même une création d’emplois non négligeable ?
Moralement, non. Car entrant dans une période de crise économique d’une gravité jamais connue jonchée d'aléas c’est, pour la satisfaction égotiste d'un ou deux likes,  faire preuve d’une indifférence offensante à l’égard de celles et ceux d’entre nous et de leurs familles que l’avenir broiera.

René Dislaire © Houffalize le 5 juillet 2020
 

 

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  • Caricature de Maggie De Block  par Jean-Marie Lesage
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