Charles Navez, un médecin belge, décoré par le Président de la Corée du Sud

écrit par YvesCalbert
le 10/05/2023

Ce dernier jeudi 04 mai, à 15h, à Watermael Boitfort, au sein de l'Ambassade de Corée du Sud, au nom du Président sud coréen, Yoon Seok-yeol, Charles Navez, docteur en médecine belge, aujourd'hui retraité, a reçu, des mains de l'Ambassadeur auprès du Royaume de Belgique, Yoon Soongu, la médaille de l'Ordre du Mérite civil de la République de Corée, en hommage aux soins qu'il rendit, de 1967 jusqu'en 1971, sur l'île coréenne de Sorokdo, « l’île des lépreux ».

L'Ambassadeur tint à insister sur la rapidité avec laquelle la décision fut prise d'honorer ainsi le Dr. Charles Navez. De fait, c'est en novembre 2022 qu'Adrien Carbonnet - docteur en Histoire de l'Art à la "KUL", spécialisé sur la Corée du Sud et le Japon - le contacta, l'Ambassadeur s'en référant, ensuite, directement, au Président de la République sud-coréenne, à Séoul. C'est donc en moins de six mois, un délai particulièrement rapide, le Gouvernement sud coréen devant vérifier l'authenticité des faits, que le Premier Ministre et le Président sud coréens prirent la décision d'octroyer cette deuxième plus haute distinction nationale du mérite au Dr. Charles Navez.

De fait, ayant prit connaissance des soins que ce médecin belge, secondé par son épouse, Paulette, apporta à nombre de Coréens, atteints par la lèpre - ou maladie de Hansen -, à une époque où les médecins de l'hôpital de l'île de Sorokdo - d'une superficie de 4,6 km2, hébergeant près de 5.000 lépreux, à une époque où la Corée était colonisée par le Japon - n'étaient pas encore en mesure d'aider efficacement ces personnes, l'Ambassadeur estima que le Dr. Charles Navez méritait d'être ainsi honoré.

De retour en Belgique, en 1971, jusqu'à son admission à la pension, en 2014, il continua à exercer comme généraliste, à Binche, alors que de 1980 à 2019, il s'impliqua au sein de l'asbl “Enfants du Monde”, collaborant à l'adoption d'enfants coréens au sein de familles belges.

S'adressant à cet éminent médecin belge, Son Excellence Yoon Soongu s'engagea, dans son discours : "Maintenant, c'est à nous de fournir l'aide voulue aux pays dans le besoin, au niveau médical, comme vous l'avez fait pour nous, qui croyons que c'est là le seul moyen de vous rendre ce que vous nous avez offert."

Avant cela le Dr. Adrien Carbonnet avait pris la parole, afin de retracer la carrière du Dr. Charles Navez, signalant que ce dernier avait étudié la médecine à l' "Université catholique de Leuven", de 1959 à 1966, avant d'étudier à Antwerpen, à l' "Institut des Sciences tropicales", en 1966-1967, s'étant intéressé à une conférence donnée par l'écrivain et journaliste français Raoul Follereau (1903-1977), créateur, en 1954, de la "Journée mondiale contre la lèpre", en réaction à l'exclusion des lépreux de la société, ... comme ce fut le cas sur l'île de Sorokdo, alors divisée en deux (les lépreux étant cantonés dans la partie orientale) par une clôture grillagée, que la mission belge réussit à faire abolir.

C'est ainsi qu'il contacta, quelques mois avant d'être diplômé, l'asbl bruxelloise "Les Amis du Père Damien", fondée en 1962, confiant à ses interlocuteurs son souhait de consacrer quelques années de sa vie à la lutte contre la lèpre, dans n'importe quel pays, à l'exception du Congo, à peine décolonisé. Ayant été désigné pour prester en Corée du Sud - au sein d'une équipe médicale belge, aidée par deux infirmières autrichiennes -, il se rendit en Inde, en 1967, afin de suivre, durant plusieurs mois, une formation pour les soins spécifiques à prodiguer aux lépreux.

En outre un bracelet-montre, portant la mention du nom du Président sud coréen, lui fut remis, à l'occasion de cette sympathique cérémonie, à laquelle assistait plusieurs membres de sa famille et nombre de Coréens, vivant à Bruxelles.

Le professeur rappela, enfin, au Dr. Charles Navez ce qu'Erasme (1467-1536) - dans son "Eloge de la Médecine", édité à Leuven, en 1518 - soulignait : "Notre langage ne peut exprimer la grandeur naturelle et innée, la dignité des interventions médicales allant au-delà de la condition humaine, ... aucune récompense suffisamment digne ne pouvant être accordée à un fidèle médecin".

"C'est un honneur pour moi", déclara le Dr. Charles Navez, en recevant sa prestigieuse décoration, adressant un message de remerciements à l'Ambassadeur, soulignant le fait que, lors des séjours ultérieurs en Corée du Sud, il avait pu apprécier l'évolution des conditions sanitaires locales et des soins apportés aux lépreux.

Lorsque nous avons demandé au Dr. Charles Navez - particulièrement ému par l'hommage qui venait de lui être rendu - le fait le plus marquant de son expérience coréenne, il nous répondit, sans la moindre hésitation, que ce fut sa rencontre avec un enfant âgé de trois ans, Kim Chi.

"C'est un peu par hasard que j'ai découvert, dans une pièce de l'hôtital, caché dans un sac à riz, ce petit enfant coréen qui refusait de s'alimenter. Ces jours étaient donc comptés. En ce même lieu, une maman allaitait son propre bébé. Voyant l'état de Kim Chi, elle décida de le nourrir au sein. Ayant rapidement prit du poids, il était sauvé."

Le Dr. Adrien Carbonnet nous confia que, lorqu'il contacta, pour la première fois, le Dr. Charles Navez, celui ci, vivant à Binche, lui dit qu'il n'avait pas l'intention de se rendre à Bruxelles pour le rencontrer, le professeur de la "KUL" s'étant donc rendu dans la "cité des giles", sans évoquer ses démarches auprès de l'Ambassade, mais juste pour en connaître davantage sur ce médecin, ce dernier nous disant : "Je me demandais ce qu'il me voulait ..."

Une collègue coréenne - écrivant pour le média local qui avait révélé, en premier, dans son pays, cette bien belle histoire - lui demanda s'il avait revu Kim Chi.

Souriant, il lui répondit : "Oui, alors qu'il était âgé de 20 ans et que j'étais retourné, comme je le fis souvent, sur cette île de Sorokdo, qui possède, maintenant, un hôpital moderne, parfaitement équipé pour soigner, notamment, les patients atteints par la lèpre, qui, maintenant se soigne en six mois, alors qu'à l'époque, cela prenait trois ans. D'autre part, je n'ai jamais pensé que ce pays pourrait se moderniser à une telle vitesse", ajoutant, en rigolant : "plus rapidement que la Belgique ... et puis toutes ces 'bagnoles' (sic)."

De nos jours, dans la province coréenne de Jeolla du Sud, sur cette "Île du petit Cerf" ("Sorok" signifiant "petit Cerf"), afin d'en apprendre plus sur une époque heureusement révolue - où l'accès n'était possible que par bateau -, ayant empunté le pont Sorok, édifié en 2009, nous pouvons visiter le "SONAMU" ("SOrokdo NAtional hansen's disease MUseum").

Notons, pour nos lecteurs, qui souhaiteraient en connaître davantage sur Kim Chi, que le Dr. Charles Navez a écrit, avec l'appui de l'asbl liégeoise "Enfants du Monde", un livre : "Kim Chi - L'Enfant qui voulait vivre" (Ed. "Le Livre en Papier"/format A5/138 p./20€).

Synopsis : "Lorsque les enfants de Charles Navez et Paulette ont grandi, ils ont voulu en savoir plus sur la vie de leurs parents en Corée du Sud. Pourquoi étaient-ils partis à Sorokdo ? Pourquoi leur fils, Etienne, est-il né là-bas ? Quelle était leur vie ? Que faisaient leurs parents sur cette île du bout du monde ? Le Dr. Charles Navez a donc rédigé cette aventure magnifique, pleine d’humanisme, se déroulant dans un cadre surprenant au quotidien d’une rare brutalité."

Concernant la Corée du Sud, pour nous qui désirons en connaître plus sur ce beau pays, signalons que le "Centre culturel coréen" de Bruxelles, particulièrement actif, nous propose, en accès gratuit, jusqu'au vendredi 25 août - dans ses locaux du N° 4 de la la rue de Régence, proche de la place du Petit Sablon - une exposition (entrée libre), “Liquid Imagination”, consacrée à cinq artistes sud coréens contemporains, l'exposition suivante, de septembre jusqu'en décembre, étant consacrée à la bande dessinée coréenne, dans le cadre du "BD Comic Strip Festival".

Côté cinéma, le "Palais des Beaux-Arts" ("Bozar") et le "Ciné Galeries" accueilleront, du mercredi 27 septembre jusu'au vendredi 06 octobre, le 11è "Korean Film Festival", la Corée du Sud ayant été fort bien représenté au récent 41è "Brussels International Film Festival" ("BRIFFF").

Sur la place De Brouckère, les samedi 7 et dimanche 18 juin, se dérouleront les secondes "Journées culturelles coréennes", l'occasion rêvée de mieux connaître ce pays et, entre autres, ses spécialités culinaires, l'accès étant gratuit. Par ailleurs, les mercredi 28 et vendredi 30 juin, sur la Grand' Place, la Corée du Sud sera l'invitée d'honneur de l' "Ommegang".

Pour connaître l'ensemble de leur programmation culturelle, incluant des chorégraphies, des concerts, des cours coréens de cuisine, culture et langue, ..., consultez leur site web : https://brussels.korean-culture.org/.

Yves Calbert.

 

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