"ARNE QUINZE - MY SECRET GARDEN", AU "BAM", À MONS, JUSQU'AU 29 AOÛT

écrit par YvesCalbert
le 11/07/2021

« C’est dans mon jardin que je suis heureux, que je me sens vraiment à la maison. Le jour où nos villes auront trouvé leur équilibre comme l’a trouvé ce jardin diversifié, alors nous aurons des villes humaines. La nature, c’est la force dans la fragilité, la fragilité dans la force. Quand je peins, c’est tout cela que je veux capturer », écrit l'artiste belge Arne Quinze (°1971), citoyen de Laethem-Saint-Martin, en Flandre-Orientale, au sud-est de la Ville de Gand.

Il ajoute : "J’ai passé mon enfance à la campagne, et mon premier mentor a été la nature. Quand j’étais jeune, je jouais beaucoup dehors, dans les champs, les prés et les bois environnants. Mon quotidien était ponctué de nouveautés. Les insectes, les plantes, la campagne, tout cela a nourri mon imagination. Bienvenue dans mon monde. Poussé par la force de la nature et avec l'envie de créer un avenir coloré et diversifié. "

A peine son installation "The Passenger" - créée en octobre 2015, à l'occasion de "Mons, Capitale européenne de la Culture" - vient-elle d'être démontée, en avril 2021, après six ans de présence, dans la rue de Nimy, à hauteur du Palais de Justice, qu'Arne Quinze revient en force à Mons avec son importante exposition "Arne Quinze - My secret Garden".

Cette installation ayant disparu du paysage montois, notons ce quen pense Arne Quinze : "Le vide créé par l'oeuvre une fois enlevée fait partie intégrante de ma démarche artistique. Le vide est comme un point de départ d'une nouvelle façon de penser à la manière de rendre nos espaces publics plus diversifiés."

Bien davantage que son oeuvre éphémère - dont les composants ont été recyclés, le bois utilisé dans la structure ayant été transformé en pâte à papier, les vis ayant été récupérées -, la présente expo montoise nous permet d'aller à la rencontre de ce créateur, qui, proche de la nature, possède un carnet de commandes des plus copieux, avec des projets à réaliser un peu partout dans le monde, des prototypes de ses futures créations étant réalisés, actuellement, dans son atelier de Laethem-Saint-Martin, qu'une salle du "BAM" ("Beaux-Arts de Mons"/d'une superficie de 5.000 m2, dont près de 2.000m2 d’espaces d’expositions, répartis sur 3 étages) nous restitue au mieux, avec un nombre important de photographies et de maquettes.

"My Secret Garden" dévoile les tensions qui habitent le parcours d’Arne Quinze. De ses débuts de graffeur, dans les années '80, à son travail de peintre impressionniste, jusqu’à la réalisation de sculptures géantes, érigées aux quatre coins du monde, qui toutes questionnent l’espace monotone des villes pour mieux se le réapproprier

“Depuis les murs froids et aseptisés de la maternité, des enceinte de l’école ou du travail, juqu'à nos cerceuils, nous vivons, puis reposons, en vases clos, dans des boxes. Cette façon de vivre est si claustrophobe et contre nature que nous devons le combattre. Nous nous devons de réinventer notre rapport à l’espace public, réactivant la nature et sa diversité dans celui de la ville”, nous expliquait Arne Quinze, lors de la visite de presse du vendredi 28 mai.

Souriant, il ajoutait : "Cette exposition me permet de revoyager dans mon propre parcours, ce qui est fort agréable. Ce serait tellement bien qu'un jour l'on construise nos villes en harmonie avec la nature. Ah si Bruxelles pouvait ressembler à mon jardin, mon petit paradis. Aussi, ici, dans le jardin du musée (600 m2/ndlr), j'ai tenu à planter 5.000 bulbes, de 300 espèces vivaces différentes, afin de nous éviter, ici, à Mons, de rater le 'bateau de la beauté' (sic)."

Pour Xavier Roland, responsable du "Pôle muséal", directeur du "BAM" et commissaire de l'exposition :Arne Quinze appartient désormais à la Ville de Mons. Il était important de lui consacrer une exposition et de dévoiler les multiples facettes d’un artiste plasticien sensible et minutieux afin que son œuvre urbaine n’occulte pas son œuvre muséale. Dans la suite de nos expositions consacrées à Niki de Saint Phalle et Roy Lichtenstein, 'My Secret Garden' suscite l’étincelle là où on ne l’attend pas et met en résonnance une fois encore les notions d’espaces privés et publics, tout en questionnant le rôle du musée dans son rapport à la Ville et au territoire. Ce genre d'exposition permet de redonner du sens au rôle du musée dans la culture contemporaine. Un musée doit se connecter au monde, aux enjeux de la Ville et de la Société.”

De son côté, la 1ère échevine, en charge de la Culture, Catherine Houdart, nous confiait : "Arne Quinze a marqué le paysage de notre Ville, mais le connait-on vraiment ? Alors que 'The Passenger' a disparu, qu'un nouveau chapitre d'art urbain s'ouvre à Mons, une centaine de fresques devant être réalisées d'ici 2023, il est important de rendre ce présent hommage à cet artiste. Par le biais de l'art en Ville, l'inspiration d'Arne Quinze se poursuit en connectant l'art avec les personnes, les projets, les territoires."

S’inspirant d’une série d’œuvres du même nom, que l’artiste débute en 2010, "My Secret Garden", le titre de la présente rétrospective de 25 ans de carrière artistique, fait référence très concrètement au jardin d’Arne Quinze, qu’il cultive comme laboratoire de recherche, sans doute en pensant au "Candide" de Voltaire (François-Marie Arouet/1694-1778), lui qui, âgé de 6 ans, enfant de la campagne, dût quitter son village, proche de Dixkmuide, pour suivre ses parents à Bruxelles ... Un réel traumatisme !

Aussi, "My Secret Garden" renvoie à la fois à l’intimité des désirs, des passions ou des craintes, qui animent l’artiste, et à son véritable jardin, celui qu’il cultive chez lui, qu’il utilise comme lieu de recherche et d’inspiration pour apporter la beauté à la Ville.

« Je suis devenu jardinier et j’ai planté mon propre biotope de milliers de plantes et de fleurs autour de mon atelier, pour observer, jour après jour, ce qu’elles avaient à raconter. La nature est devenue mon contrepoids à la Culture. C’est dans mon jardin que je suis heureux, que je me sens vraiment à la maison. Le jour où nos villes auront trouvé leur équilibre comme l’a trouvé ce jardin diversifié, alors nous aurons des villes humaines.", écrit-il.

Dans la 1ère salle, "La Ville désenchantée", Arne Quinze nous déclare avoir pris des milliers de photos d'immeubles lors de ces nombreux voyages dans le monde, observant que "partout, les Villes sont dérivées d'un modèle unique et monotone qui est préjudiciable à un développement culturel et social", ayant ainsi créé, en 2015, son oeuvre "City View 250515 Orange Black".

Evoquant l'oeuvre centrale de cette salle "Breeding Life" - une maison emplie de baguettes de bois et de végétaux qui tentent de s'en échapper -, Arne Quinze nous confiait : "Pourquoi vivons-nous si loin de la nature ? Cette installation c’est presque un autoportrait : c’est un premier pas vers la vie que je veux créer, l’énergie qui gonfle, l’amorce de mon jardin. Comme cette vague en mouvement, pleine d’énergie, qui ne demande qu’à s’échapper. »

"Cette Ville aux murs gris et monotones dans laquelle je vivais m’a, en fait, poussé à me battre. Je ne comprenais pas comment ses habitants arrivaient à vivre dans de minuscules 'cages à poules', toutes identiques. Je suis devenu un jeune rebelle, toujours en quête de nouveaux stimuli et attiré par l’interdit. À un moment donné, j’ai craqué et j’ai voulu marquer la Ville de ma touche personnelle. J’ai commencé par des graffitis. L’objectif était simple : apporter de la couleur en Ville et déclencher des réactions."

Dans la salle voisine, "Les Fleurs du Désir", près de 800 de ses études sont rassemblées, retraçant le cheminement intérieur et artistique d'Arne Quinze, son attirance irépressible pour la nature - sa force, sa sensualité, ses couleurs - dans une volonté baudelairienne de mêler le beau à l'obscur, de réimplanter la nature dans le moindre recoin de la Ville, Charles Baudelaire (1821-1867) ayant écrit dans "Les Fleurs du Mal" (1857) : " La nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles ..."

A l'instar de Claude Monet (1840-1926), comme écrit dans le "livret du visiteur" : "Arne Quinze  va observer, au fil des saisons, les plantes qu'il fait pousse tout autour de lui, variant les compositions, la diversité, l'agencement des couleurs. Le jardin n'est plus seulement le coin de terre cultive que l'on admire, mais bien le partenaire d'une expérience très concrète, qui prend forme dans ses peintures."

Ainsi, répondant à une commande de la Ville de Rouen, en 2010, Arne Quinze réalisa une série de tableaux intitulés "Les Jardins", directement inspirés des "Nymphéas", peints par Claude Monet, déclinant à l'infini, d'un trait vif et spontané, les nénuphars, en un monochrome organique, dont il souligne les lignes de force,en recouvrant ses toiles d'éclaboussures et de coulures de peinture fraîche.

Cette salle se trouve au sortir d'une intéressante reconstitution de son atelier - authentique laboratoire d’expérimentation -, où nous nous voyageons - grâce à des vidéos, de nombreuses photos, et, surtout, une cinquantaine de maquettes d'installations éphémères pouvant atteindre, dans la réalité, jusqu'à 25 mètres de hauteur - des souks du Liban au.désert du Nevada, en passant par la "Galerie Saatchi", à Londres.

En outre, les maquettes d'une quinzaine de projets nous son présentées, sachant, bien sûr, que c'est toute une équipe qui travaille sur ces futures réalisations, qui prendront plusieurs années pour aboutir, après avoir repérer le lieu, conçu la maquette, obtenu l'accord des autorités locales, géré la production, le transport et l’installation in situ.

Une autre salle présente ses "Stilt House" ("Maisons sur Pilotis"), créées tant en peintures qu'en scupltures élancées, fragiles et chancelantes, apparues dans son travail dès 2003. Ces "maisons sur échasses" sont perçues par l'artiste comme étant des êtres humains, disposant d'une flexibilité leur permettant de s'adapter aux éléments.

L'utopie d'Arne Quinze est de construire les villes avec la même diversité que celle de la nature, y apportant ce qui lui est cher, la beauté. "Une réconciliation pour vivre en harmonie", nous dit-il.

Montant d'un étage, nous découcrons une salle particulière, où sont exposées, non plus des maquettes, mais bien des grands cônes en aluminium brut, percés de trous, constituant autant de parties qui formeront, in fine, une sculpture monumetale en aluminium coloré. Ils sont présentés, ici, en transition, entre l’atelier et l’installation finale de la sculpture, comme un momentum dans le processus de création et de production.

Dans cette dernière salle du "BAM", nous découvrons le travail effectué par Arne Quinze, pour créer ses sculpures, grâce à une vidéo révélant l'intervention d'une grue "T-Rex", déformant les éléments, pour leur donner le forme voulue, la force de la nature étant évoquée par une seconde vidéo. Comme il aime le répéter : "Dans la nature, force et fragilité vont de pair."

Quittant le musée, nous découvrons quatre de ses créations, installées en Ville, depuis le mercredi 30 juin, dont, sur le parvis du "BAM" : "Mono no Aware" (2020), ce titre étant une expression japonaise décrivant la prise de conscience de l’éphémère. Nous en retrouvons trois autres - "Cardamine", "Centaurea" et "Vinca" -, édifiées sur la Grand' Place, face à l'Hôtel de Ville et à son petit "Singe du Grand Garde", petite sculpture d'un autre âge, symbole de l’esprit montois, libre et gouailleur.

Lisons encore ce qu'écrit Arne Quinze : "Depuis ma naissance, en 1971, l'intervention humaine a fait disparaître plus de 30% de notre flore et de notre faune. Il est donc crucial que nous redonnions à la nature sa place dans nos villes et communautés. A travers mon oeuvre, j'espère pouvoir faire germer une graine dans votre esprit et vous inciter à vous joindre à moi, pour repenser notre société et redonner le pouvoir à la nature."

"Prendre les villes pour des musées à ciel ouvert. Cela peut sembler un rêve idéaliste, mais en tant qu’artiste, je considère qu’il est de mon devoir de faire sortir l’art des enceintes académiques des universités et des musées. Notre espace public, où règnent les voitures et la grisaille, est l’environnement dans lequel je m’engage pour aider la nature à reconquérir sa diversité. Pour ce faire, j’ai créé des installations urbaines gigantesques, visuellement chaotiques et organiques, dans les centres-villes de Bombay, Bruxelles, Mons, Moscou, New York, Paris, Rouen, Rio de Janeiro, Shanghai, Valence, ..."

... Alors que les voyages en zone rouge sont déconseillés, profitons de ces congés de l'été, pour nous rendre à Mons, afin de découvrir l'univers d'Arne Quinze, de son jardin de plantes vivaces du "BAM", authentique tableau végétal, oeuvre sans fin, sans cesse renouvelée, à ses sculptures monumentales en aluminium coloré, en passant par son exposition "My Secret Garden", indispensable à la compréhension de l'oeuvre de ce plasticien, qui fête, ainsi, avec brio, ses 50 ans.

Et surtout n'oublions pas le propos d'Arne Quinze : "Nous devons réinventer notre rapport à l’espace public et réactiver la nature et sa diversité dans celui de la Ville. Le monde végétal doit inspirer l’architecture urbaine de demain."

Revenons au "BAM", au sous-sol, dans la "Salle aux Piliers", c'est le designer et peintre montois Zéphir Busine (1916-1976), qui est mis à l'honneur, quelques-unes de ses aquarelles et huiles sur toiles nous sont présentées, ainsi qu'une sélection de ses créations en verre, aux courbes amples et souples, d'une élégance surprenante, réalisées, dès 1958, pour la manufacture verrière de Boussu. Confrontés pour la première fois de la sorte, les deux palettes du talent de cet artiste - qui, ancien professeur d'arts graphiques, à l' "Académie des Beaux-Arts" de Mons, participa à la décoration de certains pavillons de l' "Exposition univeselle", à Bruxelles - engagent un dialogue où s’entremêlent la virtuosité et la contrainte, la rigueur et la sensualité, l’harmonie colorée et la calligraphie.

« Il a fait de la tapisserie, il a fait de la céramique, du design verrier, plein de choses pour nourrir son art. Il avait aussi un message moral : on peut trouver de la beauté dans toutes les choses de ce monde », souligne le petit-fils de Zéphir Buzine.

Ouverture : jusqu'au dimanche 29 août, du mardi au dimanche, de 10h à 18h (dernières entrées à 17h). Prix d'entrée (incluant un "livret du visiteur") : 9€ (6€, pour les seniors / 3€, par personne, à partir de 2 adultes et de 1 à 5 enfants / 2€, de 06 à 18 ans / 0€, jusqu'à 05 ans inclus et, pour tous, le dimanche 1er août). Groupes : groupes@ville.mons.be ou 065/33.55.80. Réservations vivement recomandées :  https://www.visitmons.be/agenda/expositions/arne-quinze-my-secret-garden... ou 065/ 33 55 80. Catalogue (Hervé Mikaeloff & Xavier Roland/Ed. "Lannoo"/couverture cartonnée/352 p./280 x 180 mm/plus de 500 illustrations/49€99). Mesures sanitaires : jauge de 100 personnes maximum par heure, port obligatoire d'un masque bucal et respect du sens de la visite et d'une distanciation physique d'1m50 entre les "bulles" sociales. Contacts : polemuseal@ville.mons.be ou 065/ 40 53 25. Site web : http://www.bam.mons.be/events/arne-quinze-my-secret-garden.

Le jeudi 12 août, de 17 à 22h : nocturne, avec ateliers, lectures et musique, autour du jardin et de la nature : 5€ (2€, pour les moins de 25 ans). Les dimanches 18 juillet et 15 août, à 15h : visites guidées pour individuels : supplément de 2€ au prix d'entrée. Tous les samedis, de 14h30 à 17h30 : présence de médiateurs pour nous révéler des anecdotes et compléter les explications écrites : sans supplément de prix.

Les dimanches 25 juillet (“Les potions magiques pour nourrir et protéger votre jardin”) et 29 août (“Récolter ses graines et les méthodes de conservation des légumes au naturel”), à 15h : conférences thématiques autour des bonnes pratiques de la permaculture (manière d'appréhender un écosystème dans sa globalité) : 6€ (incluant l'accès à l'exposition).

En outre, pour les enfants, de 08 à 12 ans, stage organisé par les "Dynamusée", du lundi 19, à 09h, jusqu'au vendredi 23 juillet, à 16h30.

Par ailleurs, entre l' "Office de Tourisme Visit Mons" et l'Hôtel de Ville, face aux créations monumentales d'Arne Quinze, n'hésitons pas à nous replonger dans l'histoire de la capitale hennuyère, en nous rendant dans la "Salle Saint-Georges", qui nous propose, jusqu'au dimanche 02 janvier 2022, du mardi au vendredi, de 12h à 18h, le samedi et le dimanche, de 14h à 20h, l'exposition "Le Beffroi de Mons - L'Histoire d'une incroyable Restauration (1983-2015)", le Beffroi, lui-même - édifié entre 1661 et 1672, figurant, depuis 1999, sur la liste du "Patrimonie mondial de l'UNESCO" - se trouvant à dix minutes à pied de la Grand'Place.

A découvrir, aussi, derrière l'Hôtel de Ville, dans le Jardin du Mayeur, le "Musée du Doudou", célébrant la "Ducasse de Mons", reconnue, depuis 2005, comme "Chef-d'oeuvre du Patrimoine oral et immatériel de l'Humanité de l'UNESCO", réputée pour son "Combat de Saint-Georges conre le Dragon", qui, pour raisons sanitaires ne put se dérouler ces deux dernières années.

Yves Calbert.

 

  • Catalogue © Illustration : Arne Quinze © Editions "Lannoo"
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