"Dia de los Muertos", au "Musée du Masque et du Carnaval", à Binche, jusqu'au 05 mars

écrit par YvesCalbert
le 20/02/2023

"Je suis la douceur des étoiles, qui brillent la nuit. Ne vous mettez pas devant ma tombe en train de pleurer ... Je ne meurs pas", écrivit un quidam mexicain anonyme, à l'occasion de la célébration du "Jour des Morts".

 

 

Avec son exposition temporaire « Día de los Muerto », le "Musée international du Carnaval et du Masque" (« MÜM »"), à Binche, met à l’honneur l’un des événements les plus emblématiques de la culture mexicaine : la "Fête du Jour des Morts" ("Día de los Muertos"). Au Mexique, la mort, cela se fête !

 

Chef d’œuvre du "Patrimoine oral et immatériel de l’Humanité de l’UNESCO", depuis 2003, la "Fête du Jour des Morts" se déroule partout dans le pays, à travers plus de 360 cultures autochtones. L’édification d’autels, la décoration des tombes, et, depuis peu, des parades déguisées, maquillées et masquées permettent aux vivants de commémorer leurs proches disparus et de leur rendre hommage.

 

L’exposition « Día de los Muertos », accessible jusqu'au dimanche 05 mars, à 18h, présente le déroulement de cette mosaïque culturelle complexe qu’est la "Fête du Jour des Morts" sous deux angles différents. D’une part, dans un contexte plus rural et traditionnel, avec la communauté maya tsotsil, d’autre part, dans un environnement plus urbain et actuel avec son évolution dans les grandes villes.

 

Les festivités commencent généralement par le nettoyage et la décoration des tombes des "mueritos" (enfants décédés), le matin du 31 octobre. La famille passe ensuite la nuit au cimetière, car chaque petite âme retrouve le chemin de sa tombe aux premières heures du 1er novembre.

 

Le temps passé au cimetière - aussi pour les"muertos" (adultes décédés) - n’est pas un temps de lamentations ("nos morts viennent nous voir et nous sommes heureux", écrivit un autochtone), il s’agit plutôt d’un moment où le souvenir des morts permet de les faire revenir un peu à la vie et donc d’accepter et de supporter leur absence durant le reste de l’année. Aussi, pendant la veillée, les familles peuvent boire, jouer, manger, en écoutant de la musique, faisant en sorte que les défunts trouvent la paix et retournent vers l’au-delà, dès le lever du soleil le lendemain.

 

Comme il est coutume dans les rituels mayas, des bougies, posées sur un lit d'épines de pin, sont placées en rangées, car leur lumière est censée guider les morts dans leur voyage de retour sur terre.

 

L'exposition binchoise évoque particulièrement les Mayas tsotsil, qui forment l’un des plus grands groupes ethniques de l'Etat de Chiapas, une carte géographique nous situant leurs villages, chacun d'eux possédant son propre cimetière et sa propre façon de célébrer le "K’in ch’ulelal" ("Jour des Morts"), en dialecte tsotsil, "k’in" correspondant à « soleil » et "ch’ulel" signifiant « esprits » ou « âmes ».

 

Une série de clichés, réalisés par deux photographes mexicains, nous dévoile ce rituel vécu au sein de quelques-uns de ces villages. Ainsi, nous assistons, entre autres, à la répartition équitable de morceaux de la viande d'un taureau entres les familles ayant contribué à son achat, avant le début des festivités.

 

Pour ce repas de fête, les femmes préparent de l’ "atole" (boisson chaude aigre, à base de maïs) et un ragoût de taureau, l'accompagnement étant assuré par des "tamales" traditionnels mayas (papillotes de pâte de maïs, cuite à la vapeur et enveloppée dans des feuilles d'épis de maïs) et des "tortillas" (galettes de maïs souples, cuites au feu de bois, fourrées de la viande de taureau).

 

Le "Jour des Morts", dans les villes mexicaines, suit globalement la même structure temporelle que dans les villages mayas tsotsil. Cependant, la fête se dote d’une iconographie particulière en rapport avec les crânes et les squelettes, absents de la tradition maya.

 

Cette iconographie relativement récente, s'est développée dans la seconde moitié du XXè siècle, principalement sous l’influence des gravures de l’artiste mexicain José Guadalupe Posada (1852-1913), des copies de plusieurs d'entre elles étant exposées, extraites du livre américain "José Guadalupe Posada popular Prints" (Ed. "Julan Roberstein"/ Boston/1993).

 

 

Ses gravures mettent en scène des squelettes qui boivent, chantent, dansent et rient, la plus célèbre d’entre elles, devenu un symbole de la culture mexicaine, s'intitulant Calavera Garbancera, une femme, à la tête de morte, porteuse d'un large chapeau, décoré de plumes.

 

 

Si ses illustrations servaient de satires politiques de la société mexicaine de l’époque, plusieurs artistes se sont inspirés de l'oeuvre de José Guadalupe Posada, comme le peintre français Louis Henri Jean Charlot (1898-1979), ainsi que ses collègues mexicains Frida Khalo (Magdalena Frida Carmen Kahlo Calderón/1907-1954) et Diego Rivera (1886-1957), qui influencèrent, ainsi, l’imagerie liée à la "Fête des Morts".

 

 

Grâce à un prêt du collectionneur mexicain, domicilié à Antwerpen, Jorge Calderon, nous retrouvons Calavera Garbancera, statufiée en une haute céramique (2010), tous comme une quinzaine de statuettes de formats plus réduits, ces femmes-squelettes étant habillées telles des bourgeoises européennes.

 

A côté de ces fort jolies statuettes, notre attention est attirée par la photographie, grand format, d'un couple mexicain, aux visages maquillés, participant à une parade, dans la Ciutad de Mexico, réalisée par la photographe professionnelle mexicaine Greta Rico, dont une sélection de photos nous sont présentées en diaporama.

 

 

Le succès récent de ces parades mexicaines masquées et maquillées, mettant en scène la figure de la Mort, lors du "Jour des Morts", peut s’expliquer par le fait que le Mexique est une terre de cultures et de traditions multiples, au sein de laquelle le masque est très présent, le cinéaste américain Sam Mendes l'ayant fort bien compris, en réalisant le 24è film de James Bond, "007 Spectre" (USA-UK/2015/148'/film lauréat, en 2016, de deux "Prix de la meilleure Chanson originale" {"Writing's on the Wall", par Sam Smith} aux "Oscars" et aux "Golden Globes"), son long métrage étant à la base de l'organisation annuelle de cette parade dans la capitale mexicaine, cette parade contemporaine n'ayant donc rien d'historique, contrairement au rituel des mayas tsotsil.

 

Les masques représentant la Mort peuvent être assez variés : blancs ou colorés, avec des expressions graves ou rieuses. A noter que dans les danses qui font interprétées durant ces célébrations, le personnage de la Mort joue un rôle de bouffon, dont le but est de capter l’attention du public.

 

 

Le parcours se poursuit avec, importés de la culture européenne, une série de huit masques de diables, provenant la collection permanente du musée, l'un des masques venant de Costa Rica, prouvant que certaines traditions mexicaines sont partiellement reprises dans différents pays de l'Amérique latine (Bolivie, Equateur, Guatémala, Haïti et Pérou).

 

 

Au sein de l'exposition, nous trouvons, également, un crâne en sucre et différentes scénettes, créées en papier mâché, telles celle de trois squelettes jouant aux cartes, de deux autres assis sur un banc, sans oublier celui sortant de son cercueil.

 

 

L'avant dernière salle - décorée de guirlandes traditionnelles, en papier coloré et finement découpé - accueille, avec l'appui de d'une artiste mexicaine, Sandra Rivas, deux autels rituels, tels que ceux réalisés, d'une part, dans les maisons des familles mayas tsotsil, et, d'autre part, côté urbain, au sein d'institutions officielles. Nous y retrouvons nombre de fleurs (au Mexique, ce sont des fleurs de "cempasúchitl" {œillets d’ Inde}, qui sont achetées ou récoltées dans les champs locaux) et de bougies, ainsi que des offrandes, allant de fruits et d'autres nourritures, maïs inclus, jusqu'aux bouteilles de limonades et d'alcools, sans oublier des crânes en sucre et des statuettes en porcelaine.

 

 

Comme le disais la conservatrice du "MüM", docteure en histoire de l'art, Clémence Mathieu, lors du vernissage de l'exposition : "Puisque les autels sont traditionnellement érigés en l’honneur des personnes décédées de la famille, nous avons décidé d’y placer, en photographies, la famille du musée, c’est-à-dire, son fondateur, Samuel Glotzet (1916-2006/ndlr), le bourgmestre en place, à l'époque, Charles Deliège (1901-1970/ndlr) et le directeur du musée (pendant 25 ans, jusqu'en 2006/ndlr), Michel Revelard (1941-2011/ndlr). C’est ainsi une manière de leur rendre hommage."

 

 

Notre visite se termine dans une petite salle de projections, dans laquelle quelques extraits de films nous sont proposés, allant de la séquence d'ouverture de "007 Sceptre", déjà cité, à un dessin animé des "Studios Disney-Picard", "Coco" (Adrian Molina & Lee Unkrich/USA/2017/105'/film lauréat, en 2018, de deux "Oscars", ainsi que deux "Prix du meilleur Film d'Animation", aux "Golden Globes" et aux "British Academy Film Awards").

 

 

Ouverture : jusqu'au dimanche 05 mars, du mardi au vendredi, de 09h30 à 17h (jusqu'à 18h, ce mardi 21), samedi & dimanche, de 10h30 à 17h. Fermeture exceptionnelle : ce mercredi 22. Prix d'entrée (incluant l'accès aux collections permanentes) : 8€ (7€, pour les étudiants et seniors / 6€, pour les enfants / 0€, pour les moins de 6 ans). Prix par personne, au sein d'un groupe : 7€ (6€, pour un groupe d'étudiants ou de seniors / 3€, pour un groupe d'enfants / 1€, pour une groupe scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Contacts : info@museedumasque.be & 064/33.57.41. Site web : www.museedumasque.be.

 

 

Voici une excellente idée de sortie, en famille, à l'occasion du présent congé de printemps, pour un prix d'entrée particulièrement démocratique, de maximum 8€, nous permettant, aussi, inclus dans le prix, de (re)découvrir les trois collections permanentes, de l'exceptionnelle présentation des "Masques aux 5 Coins du Monde“, venus des 5 continents, avec vidéos des carnavals, marionnettes, vêtements festifs, ... ; jusqu'aux "Carnavals et Folklores de Wallonie", un parcours au cœur d’une terre riche de ses nombreux folklores ; en passant, bien sûr, par le "Centre d'Interprétation du Carnaval de Binche", ... ce dernier, repris, depuis 2003, sur la liste du "Patrimoine oral et immatériel de l'UNESCO", reprenant vie, cette année, pour le plus grand plaisir des Binchois ...

 

Yves Calbert.

 

 

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