Pourquoi les Houffalois aiment le cyclisme

écrit par ReneDislaire
le 02/05/2018
VTT, velo tout terrain.

Pourquoi les Houffalois aiment le cyclisme
Très peu de Houffalois font du cyclisme. Lorsque c’était quantifiable, à l’époque de la taxe provinciale, des chiffres pouvaient le certifier. Si l'usage du vélo a changé, passant de l'utilitaire aux loisirs, leur nombre doit être demeuré stable. Ceux qui ont encore connu les gendarmes et les facteurs à vélo deviennent rares. Ce n’est pas chez nous un moyen propice à des déplacements pour le travail, la vie privée, les loisirs. Les dénivelés sont éreintants, les virages et l’étroitesse des routes taillées dans le rocher sont dangereux, le climat ne s’y prête pas. Aucune comparaison avec la planitude du plateau de Bastogne, la douceur du climat marchois, les deux réunis dans le Sud-Luxembourg.
Le football de l’après-guerre
Dans les années juste après la guerre, seul le football existait comme pratique. C’était moins un sport ou une contribution à l’éducation de la jeunesse qu’un spectacle, qu’un plus du lien social non confessionnel. Même pas un moyen d’intégration, ou si peu. Et l’horizon de l’espace du championnat s’arrêtait à Harre et tout au plus à Vaux-les-Rosières.
Le cyclisme, une vieille connaissance
Liège Bastogne-Liège existait depuis avant la guerre de 14. Après celle de 39/45, du fait de la TSF qui commençait à couvrir les arrivées du Tour de France et de la presse écrite provinciale qui avait une rubrique sportive de plus en plus copieuse, c’était l’événement que le spectacle du passage de l’actuellement nommée « doyenne », qui devait être bien monotone selon notre vision actuelle, mais qui réunissait toutes les vedettes du monde. Oui, du monde. Et de ce point de vue, il en est toujours de même aujourd’hui. Le cyclisme était le seul sport international à coloniser les neurones des Houffalois, avec les Ferdi Kubler, Stan Ockers, Jean Robic et autres Raymond Impanis. Nul ne connaissait quelque champion de tennis, ni le basket ni l’automobile. Le passage de Liège-Bastogne-Liège, si on le transpose au show-business actuel, c’est comme si un chœur réunissant Maître Gimms, Céline Dion, Elton John, Bob Dylan et les cinquante vedettes qui les suivent au hit mondial enregistrait à Houffalize la chanson des Restos du cœur, et où un Johnny Hallyday n’aurait pas eu sa place.
Un sport francophone
Qui se parle en français. Dans une population comme celle de Houffalize où le français commençait seulement et péniblement à avoir pleinement droit de cité au conseil communal tandis qu’il ne l’aurait jamais à la musique, où le mot football se serait écrit de cinq façons et se prononçait d’autant, idem pour offside ou linesman, indicateurs du niveau grandiveu des aborigènes, le cyclisme rassurait. Tout d’abord, impossible de mal écrire ou mal prononcer le mot vélo. Le cyclisme se faisait en français : aucune empreinte anglophone. Et quel vocabulaire imagé ! Monter en danseuse, les coups de pompe, courir contre la montre, boyau crevé, descendre à tombeau ouvert, dérailler, le gros du peloton, remplir sa musette, la lanterne rouge… Mettez-y, pour le son, l’exaltation oratoire et superpatriote du reporter de l’INR Luc Varenne, alors que tous les hommes fumaient des Boule Nationale.
La Meuse qui tombe du ciel
Difficile à croire aujourd’hui. La guerre froide entre la mort de Staline et celle de Kennedy intéressait moins les Houffalois que le Tour de France. Pour preuve, un avion quittait Liège aussitôt une édition spéciale de la Meuse bouclée, une heure après l’arrivée de l’étape. Et il dropait une liasse de gazettes près du château Walrand et sous la chapelle St-Roch, qui seraient distribuées en porte vers 18 heures.
Toto Jacoby
Facteur des postes, métier idéal pour qui avait des ambitions dans le cyclisme, il était à n’en point douter dans l’esprit des bordjeus un futur champion. Qui peut encore dire si on faisait la fête du Quartier du midi pour l’honorer, ou le contraire ? Toujours est-il qu’après les concours de saut dans des sacs de jute ou de course de brouettes les yeux bandés, les Houffalois clamaient à qui mieux mieux l’arrivée du peloton en ne voyant que leur concitoyen qui soit digne d’être couvert de lauriers. Et Fernand de chez le Lapin se réjouissait de vendre des gazettes le lendemain, avec le nom de Toto écrit dedans. Nestor Jacoby était, dirait-on aujourd’hui, le sportif phare de la commune.
Les blancs garde-boue
Nous sommes dans les années 50. C’était le surnom persifleur donné aux vélocyclistes hollandais explorateurs de l’Ardenne. Leur monture était noire monochrome, ce qui rendait encore plus remarquable la couleur blanche de l’extrémité de l’arc de cercle du garde-boue arrière doté d’un catadioptre rond, babiole que l’on découvrait. Une paire de besaces noires attachées de part et d’autre du porte-paquet derrière la selle, c’était tout leur bagage. Curiosité ahurissante, des couples en tandem. Des Flamands, on ne connaissait que les Flaminds-des-gattes qui avaient œuvré à la reconstruction. Et voici d’autres hommes venus du nord, vacanciers ceux-là, que l’on considérait eux aussi avec condescendance, à la limite minables. Que de moqueries a-t-elle engendrées, la légende du groupe de Hollandais faisant halte dans un café pour commander un seau d’eau et une limonade qu’ils allaient mélanger pour remplir leurs gourdes! C’est une autre image sympathique qui nous revient de ces pionniers du cyclisme vacancier. Des étrangers certes, pingres pour sûr, mais pas voleurs de poules.
Que dire encore ? Qu’un cycliste, j’en viens à nos hôtes désignés aujourd’hui vététistes, c’est un bel homme, un bel homme en bonne forme, pas un kilo de trop, beau dans le paysage comme si son habit avait été coupé dans le tissu d'une cravate de trader excentrique. Un sportif tendance, silencieux, écologiste, respectueux de la nature. En général pas con du tout, et a priori bien élevé. J’inverse ma phrase : rien d’un barakî a priori. Je dirais même plus : a priori moins fiché à la maison poulaga que la moyenne des Belges. On n’en a jamais vu une dizaine uriner à 2 heures du matin dans nos boîtes aux lettres, ni abandonner les déchets d'une light party sous nos feuillages. Ils n’inspirent nulle crainte particulière à nos fils, nos compagnes. Que dire donc d’autre qu’il n’existe guère de raisons de refuser de les accueillir avec moins d’hospitalité que des personnes présentant d’autres profils.
Le cyclisme dans le patrimoine houffalois
Le cyclisme dans le patrimoine, ça veut dire qui a été testé par plusieurs générations et en est sorti qualifié conforme. Ces quelques réminiscences plus courtes qu’une vie d’homme pourraient nous fonder à conclure qu’entre les Houffalois et le cyclisme il existe autre chose qu’une relation mercantile. Peut-être certains responsables ne s’en rendent-ils pas compte, ou ne le veulent-ils pas, dont on pourrait regretter qu’ils ne considèrent le vélo qu’à l’aune de la rentabilité économique.

René Dislaire © Houffalize, le 2 mai 2018 1120 mots ======================================
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