Printemps de Prague : 50e anniversaire de l'insurrection

« Il y a 50 ans, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, une trentaine de chars soviétiques, soutenus notamment par les Bulgares, les Hongrois et les Polonais, ont mis brutalement fin à l'expérimentation de démocratisation du régime communiste. Un beau rêve éphémère pour certains. Précurseur de la « perestroïka » gorbatchévienne, le Printemps de Prague incarné par Alexander Dubcek a apporté, entre autres, une réforme politique et économique, la levée de la censure et une libéralisation des activités culturelles. Auparavant, Jan Palach ( 21 ans ) s'était immolé par le feu sur la place Venceslas à Prague et devenait l'un des symboles en Tchéquie de la résistance au communisme et à l'occupation soviétique. Par ce suicide public, Palach souhaitait protester contre l'indifférence de la population à l’invasion de son pays par les forces du Pacte de Varsovie en août 1968. Cette invasion avait mis fin brutalement au Printemps de Prague, et aux réformes d’Alexander Dubček dont l'objectif était l'humanisation du système socialiste tchèque ; l’intervention militaire de 1968, suivie par une soumission du Parti communiste tchécoslovaque aux ordres de l'URSS, allaient verrouiller durablement le champ politique de la Tchécoslovaquie communiste, qui entrait dans la phase dite de « normalisation ». Jan Palach est mort trois jours après son geste, des suites de ses brûlures extrêmement importantes. Deux autres jeunes tchèques, suivirent son exemple. Les autorités communistes ont alors tenté de discréditer le jeune martyr par plusieurs manipulations, notamment en faisant disparaître une lettre posthume où Jan Palach dénonçait l'invasion soviétique.
Rien qu'au cours de sa première journée, une cinquantaine de Tchèques et de Slovaques ont été tués. Le bilan total de la présence de l'armée soviétique en Tchécoslovaquie a dépassé 400 morts. « L'occupation a été catégoriquement rejetée par nos citoyens. Pourtant, une partie de l'opinion publique en Russie continue à la considérer comme une aide internationaliste », explique Tomasz Peszynski, de la branche tchèque de l'initiative citoyenne pro-Europe Pulse of Europe. Cette ONG figure parmi les organisateurs d'une manifestation qui a réuni sous les drapeaux tchèques, ukrainiens et ceux de l'UE et de l'Otan plusieurs centaines de personnes, lundi soir, devant l'ambassade de Russie à Prague.
« Nous n'oublierons jamais ! » ou « Halte à l'impérialisme russe ! » pouvait-on lire sur les banderoles brandies par les manifestants. « Nous avons rédigé une lettre destinée aux citoyens russes dans laquelle nous les invitons à se lever contre le régime actuel qui continue à mener une politique impériale tout comme à l'époque de l'ex-URSS », a poursuivi Tomasz Peszynski.« Une intervention comme celle d'il y a 50 ans a lieu aujourd'hui aussi, cette fois-ci non à l'aide des chars mais de la propagande, des fake news et d'un président pro-russe, de la victoire électorale des populistes, d'un gouvernement soutenu par les communistes. »

Le programme des cérémonies
De nombreuses cérémonies, des concerts et des rassemblements étaient prévus ce mardi à travers la République tchèque. Un hommage aux victimes de l'occupation aura lieu devant le bâtiment de la Radio, dans le centre de Prague, où une quinzaine de Tchèques, jeunes pour la plupart, ont trouvé la mort en août 1968 alors qu'ils tentaient d'empêcher à mains nues la prise de l'immeuble par les envahisseurs. Le Premier ministre Andrej Babis, du mouvement populiste ANO, doit prononcer un discours à cette occasion. Dans la soirée, un concert est programmé sur la place Venceslas, en présence de nombreuses vedettes de la musique pop, dont la chanteuse Marta Kubisova, celle qui, en 1968, Marta Kubisova se mit ouvertement du côté du Printemps de Prague. Peu après l'occupation soviétique, elle prêta sa voix à l'air le plus célèbre de l'époque, la « Prière pour Marta » : « Que la paix reste toujours avec ce pays, que la rage, la jalousie, la rancune, la peur et les querelles disparaissent... » Une autre chanteuse, Aneta Langerova, née en novembre 1986, doit chanter aussi sur la place Venceslas. « J'ai un profond respect (...) surtout pour ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté, pour leur pays. C'est l'essentiel pour moi, c'est pourquoi je vais participer à ce concert », a-t-elle confié à l'agence CTK.

Le silence du chef de l'État tchèque
Tout au long de la journée de mardi, la télévision publique Ceska Televize (CT) diffusera des émissions spéciales, suivies, dans la soirée, par un discours du président slovaque, Andrej Kiska. En revanche, le chef de l'État tchèque Milos Zeman, à qui ses détracteurs reprochent souvent une politique pro-russe, a décidé de garder le silence. Son absence lors des cérémonies de commémoration a été sévèrement critiquée par les partis d'opposition de droite. Selon son porte-parole, Jiri Ovcacek, le président avait déjà fait « preuve de son courage en s'opposant publiquement à l'occupation en 1968 ».
En Slovaquie, qui s'est séparée de la République tchèque en 1993, l'événement le plus marquant sera l'inauguration à Kosice d'un monument au journaliste d'investigation Jan Kuciak, assassiné le 21 février dernier avec sa fiancée. La date anniversaire de l'intervention du pacte de Varsovie tombe exactement six mois après la mort du reporter, a expliqué l'auteur du monument, Peter Kalmus. » ( Le Point ). A Poprad, devant un parterre clairsemé de personnes "âgées", c’est la mémoire de BONK JOZEF ( 19 ans) qui était commémorée, lui qui a été abattu par des soldats soviétiques le 21août 1968 précisément. . Une plaque commémorative avait été placée sur la place de Poprad mais avait été retirée lors de la normalisation. Aujourd'hui, celle-ci se trouve à nouveau sur cette place à la mémoire de toutes les victimes de l'occupation de la Tchécoslovaquie.

François DETRY

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