"Dieric Bouts, Créateur d'Images", au "M Leuven", jusqu'au 14 Janvier
Surprenant, ... dans le hall d’entrée du « MLeuven », un superbe Musée d’Art, nous découvrons une bicyclette de la firme « Eddy Merckx Bikes » !!! Que vient-elle faire en ce lieu dédié aux artistes ? Quel rapport de ce moyen de locomotion contemporain avec une exposition consacrée à un peintre du XVè siècle, Dieric Bouts (vers 1410).
Nous le découvrons au sein d’un couloir sis entre les première et deuxième salles. De fait, côte à côte, nous trouvons deux portraits, une peinture – prêtée par le « Museum Boijmans Van Beuningen », de Rotterdam – du visage du Christ, « Vera Icon » (vers 1456-1464), due à Dieric Bouts, et une photographie (©« Belga »/1972) de celui d’ « Eddy » Merckx (Edouard Merckx/°Meensel-Kiezegem/1945), après l’un de ces succès, à Schoten. La raison de cette présentation particulière : une similitude manifeste de masques de souffrances, … même si nous ne pouvons estimer comme identiques la souffrance d’un supplicié avec celle d’un « forçat de la route » …
… Dans le même esprit notre championne européenne, mondiale et olympique d’heptathlon, « Nafi » Thiam (Nafissatou Thiam/°Bruxelles/1994) voit son portrait (© Ph. : Julian Finney/2017) confronté à celui du Chr ist, « Vera Icon » (1466), créé par Dieric Bouts.
… Mais cette confrontation ne se limite pas au secteur sportif, la bande dessinée, le cinéma, la publicité et les jeux vidéo étant, également, exploités, plusieurs photographies et un extrait de film de « Star Wars », une saga de 9 films (1977-2019), dûe au réalisateur américain George Lucas (°Modesto/1944), figurant au sein de cette scénographie des plus réussies, Dieric Bouts et George Lucas ayant créé, à cinq siècles de distance, un univers pas nécessairement réaliste, mais familier.
Ici, c’est la comparaison entre certains décors d’oeuvres de Dieric Bouts et diverses scènes contemporaines de science-fiction qui sont mises à l’honneur, une intelligente manière d’intéresser de jeunes visiteurs à la peinture ancienne, des vidéos nous présentant, aussi, dans l’une des salles, deux icônes américaines du XXIè siècle, actrices, chanteuses & compositrices,« Beyoncé » (Beyoncé Giselle Knowles/°Houston/1981) et « Lady Gaga » (Stefani Germanotta/°New York/1986) confrontée à une icône du XVè siècle, la Vierge Marie.
Côté cinéma, notons encore la présence, dans l’avant dernière salle, d’agrandissements d’images, en noir et blanc, du film « L’Évangile selon saint Matthieu » (1964), du réalisateur italien Pier Paolo Pasolini (1922-1975), jouxtant, entre autres, le « Triptyque de la Descente de Croix » (1450-1458), qui a quitté le lieu de sépulture de la reine Isabelle Ière de Castille {1451-1504} et du roi Ferdinand II d’Aragon {1452-1516} , la « Chapelle royale » de la cathédrale de Grenade pour la première fois depuis le XVIè siècle, afin d’être restauré, par l’ « IRPA » (« Institut Royal du Patrimoine Artistique »), au Cinquantenaire, de 2024 à 2026, après sa présentation, à Leuven.
Pour le « M Leuven », le concept de cette exposition est radical. Dieric Bouts n’était pas un génie romantique, ni un inventeur brillant, mais un créateur d’images. Il peignait ce que l’on attendait de lui et il y excellait, comme le démontrent, entre autres, ses chefs-d’œuvre « Le Martyre de Saint-Etienne », récemment restauré, après l’avoir été en 1952, et « La Cène », tous deux présents au sein de « Dieric Bouts, Créateur d’Images », ces deux tableaux - commandés par la « Confrérie du Saint-Sacrement » – étant, habituellement accrochés dans la collégiale Saint-Pierre, à Leuven.
Voilà pourquoi le « M Leuven » juge judicieux de rapprocher Dieric Bouts à des créateurs d’images d’aujourd’hui : auteurs de bandes dessinées ou de publicités, cinéastes, développeurs de jeux vidéo, icônes du « show-biz » et photographes sportifs.
Concernant le vélo, inspiré de « La Cène », fabriqué par « Eddy Merckx Bikes », notons qu’il fut vendu aux enchères, entre le samedi 02 et le mardi 19 décembre, le produit de la vente ayant été intégralement versé à l’action caritative « De Warmste Week » (« La Semaine la plus chaleureuse »).
« Bien sûr, je parcours régulièrement notre grande exposition consacrée à Dieric Bouts. Tendant toujours l’oreille pour capter les réactions chuchotées par nos visiteurs. Il règne une atmosphère très festive, surtout à l’endroit où nous associons visuellement une photo sportive historique d’Eddy Merckx à la représentation du Christ par le Maître, cette œuvre du XVè siècle faisant toujours l’objet de conversations, ici, à Leuven, cinq siècles plus tard. Nous sommes ravis que cela ait également inspiré l’équipe derrière « Eddy Merckx Bikes’ à créer un cycle unique, en hommage à Dieric Bouts », déclara Peter Bary, le directeur général du « M Leuven ».
De son côté, Pieter Vanheeswijck, chargé de communication d’ « Eddy Merckx Bikes » ajouta : « Dans notre concept, tout se joue dans les détails. Sur le tube diagonal, nous avons donné une place de choix à Jésus et au lustre accroché au-dessus de lui. Les motifs remarquables du carrelage ornent la fourche et le triangle arrière. Sur le tube de selle sont évoqués les vêtements des apôtres. Les teintes dominantes du vélo, le rouge et le blanc, rappellent celles de ‘La Cène’. Nous avons aussi ajouté à l’ensemble un léger effet de patine, qui renvoie au processus de vieillissement naturel du tableau. À mesure que l’on scrute plus attentivement le vélo, on découvre de plus en plus de détails – comme c’est le cas pour les œuvres de Dieric Bouts. »
Maintenant, intéressons-nous davantage à Dieric Bouts, lui-même, un Maître flamand néerlandais des plus importants, que certains considèrent comme étant l’égal de Jan Van Eyck (vers 1390-1441) ou de Rogier Van der Weyden (1399/1400-1464), des peintures de ces deux derniers nous étant, également, présentées au « MLeuven », de même que quelques oeuvres de Petrus Christus (1410-1475).
Plusieurs « Vera Icons » (« Vraies Icônes ») du Christ nous sont présentées. Selon la légende, durant le chemin de croix de Jésus Christ, ce dernier s’essuya le visage sur un voile, tendu par Sainte-Véronique, son visage restant imprimé sur le voile. L’on nomme « Vera Icon » cette image, qui n’est pas le produit d’une action humaine.
Ayant passé la majeure partie de sa vie à Leuven, Dieric Bouts fut nommé, en 1472, peintre municipal de cette ville flamande, qui connaissait, alors, son âge d’or, grâce à sa célèbre Université, fondée, en 1425. par le duc Jean IV de Brabant (1403-1427), … Un contexte idéal pour l’épanouissement de cet artiste peintre, créateur de paysages à l’ambiance surnaturelle, de portraits puissants et de scènes d’une grande richesse.
Pour un jeune peintre ambitieux, nul doute que Leuven – ville prospère, comptant un grand nombre de clients potentiels – était l’endroit idéal pour s’installer, alors que l’église Saint-Pierre était à moitié achevée et que la première pierre de l’hôtel de ville venait d’être posée.
De fait, si des peintres plus anciens, tel Jan van Eyck, maniaient une perspective plus instinctive, pas strictement exacte, soulignons que Dieric Bouts a été le premier peintre de nos régions à avoir recours à ce qu’on appelle la « perspective à point de fuite », venue d’Italie, toutes les lignes visuelles d’un tableau convergeant vers un seul et même point, cette technique ne se généralisant qu’à la Renaissance, un demi-siècle plus tard.
La dernière salle nous attend avec une seule oeuvre, le tryptique intitulé ‘La Cène », que Dieric Bouts réalisa, à Leuven, sous le contrôle permanent de deux professeurs en théologie, Gielis Bailluwel et Jan Vaerenacker, un contrat ayant été signé, le 15 mars 1464, précisant que l’artiste louvaniste ne pourrait réaliser aucune autre peinture , tant que « La Cène » ne serait pas terminée.
Cette toile sera restaurée, à Bruxelles, dans les locaux, sis au Cinquantenaire, de l’ « IRPA » (« Institut Royal du Patrimoine Artistique », au Cinquantenaire, avant d’être présentée, à nouveau, à Grenade.
A noter que Sa Majesté la reine Mathilde a pu se rendre compte de la qualité du travail de Dieric Bouts en visitant cette exposition, le mardi 19 décembre, les oeuvres présentées nous venant d’Allemagne (Frankfurt am Main/ « Städel Museum »), d’Autriche (Vienne/« Kunsamlungen der Akademie der Bildenden Künste »), d’Espagne (Grenade/Cathédrale), des Etats-Unis (Los Angeles/« Lucas Museum of Narrative Art »), de France (Paris/ « Le Louvre »), d’Italie (Florence/« Musei del Bargelo »), des Pays-Bas (Amsterdam/« Rijksmuseum »), du Portugal (Lisbonne/« Calouste Gulbenkian Museum ») & du Royaume-Uni (Londres/« The National Gallery ») & Belgique (Antwerpen/« Koninklijk Museum voor Schone Kunsten »). Au total, 34 musées ou autres lieux d’expositions, répartis dans dix pays.
A nous, profitant du présent congé scolaire, de (re)découvrir cette intéressante exposition, qui nous est proposée à un prix d’entrée fort abordable, le rapport qualité-prix étant excellent (voir ci-dessous) !
Ouverture : jusqu’au dimanche 07 janvier 2024, le lundi, mardi, vendredi & samedi, de 11h à 18h, le jeudi, de 11h à 22h. Prix d’entrée : 12€ (10€, pour les habitants de Leuven et les partenaires / 5€, de 19 à 25 ans inclus / 2€, en tarif social / 0€, jusqu’à 18 ans inclus, pour l’accompagnateur d’une personne porteuse d’un handicap & les détenteurs d’un museumPASSmusées. Catalogue (Ed. « Hannibal Books »–« M. Leuven »/2023/Inigo Bocken, Jordan Marie Booker, Till-Holger Borchert, Peter Carpreau, Marjan Debaene, Bart Fransen, Valentine Henderiks, Stephan Kemperdick, Didier Martens & Gust Van den Begh /2023/textes en anglais/ cartonné/ 240p.) : 35€. Livret-Catalogue (Ed. « Openbaar Kunstbezit Vlaanderen »/Matthias Depoorter/ 2023/textes en français/broché/40 p.) : 15€. Contacts : 016/27.29.29 & info@mleuven.be. Site web : http://www.mleuven.be.
Yves Calbert.