Houffalize. Lemonnier. Dormir du " bon sommeil stupide des bêtes"

écrit par ReneDislaire
le 09/09/2020
Le Thier des Cochons, au-delà de la crête de feuillus dominant la rue escarpée du Bois des Moines, ancienne route de Liège.

Lyrique, baroque, très soucieux de son style qu'on appelait le macaque flamboyant, Camille Lemonnier (Ixelles 1844- Ixelles 1913) fut comparé en littérature à ce que Rubens fut en peinture.
Sa description de la journée du pastoureau à Houffalize traduit sa filiation avec le naturalisme français (on le surnomma le Zola belge) : influence du milieu, précisément ici de la vie animale, sur la vie d'un personnage.
Dans le texte qui suivra, il va accumuler, comme en troupeaux,127 mots en deux paragraphes. Remarquer les allitérations: sonorités "g", "gr" et autres occlusives en rapport avec les pourceaux; ces consonnes gutturales feront place à des plus douces à l'approche du sommeil du petit pâtre.  
Lemonnier et le paysagiste Raeymaekers (Bruxelles 1833 - Houffalize 1904) furent contemporains.
René Dislaire © Houffalize, le 9 septembre 2020
*********************************************************
Présentation du texte par Maurice Cosyn
L'une de ces hauteurs [de la petite ville] porte de le nom de "Thier des Poursais" (sic, pour pourçais) ou "Montagne des Cochons" ; c'est là que jadis le porcher communal de Houffalize se rendait chaque jour. Camille Lemonnier évoqua cette figure aujourd'hui disparue.
Maurice Cosyn, administrateur du TCB, dans L'Indépendance Belge du 25-06-1939 
*************************************************************************************************

Camille Lemonnier
De grand matin, la corne du pastoureau appelle au gagnage les troupeaux disséminés ; des haraux s’échappent, à ce signal, des files de groins rosés ; et la grotesque procession grossit à mesure que se prolongent les bourdonnements de la trompe.Tout le jour, la bande pâture sur les hauteurs l’herbe fraîche, les glands et les chatons ; quand le soir les ramène enfin dans la ville, grognant et se bousculant pêle-mêle, chacun regagne de soi-même la litière, lâchant le reste de la troupe ; et celle-ci, de seuil en seuil, se fond sur les talons du petit pâtre qui, sa dernière ouaille disparue, reprend enfin, lui aussi, sa corne en sautoir, le chemin de la soupente où, jusqu’à l’aube, il dormira du bon sommeil stupide des bêtes.
Camille Lemonnier
(1844- 1913)

***************************************************************

Image. Le Thier des Cochons se situe au-delà de la crête de feuillus, coupée par un chalet en bois récemment construit.
Il domine la rue escarpée du Bois des Moines (ancienne route de Liège).  

Présentation. La journée du pâtre des cochons de Houffalize, décrite par Camille Lemonnier. Un texte lyrique et baroque imprégné du naturalisme de l'époque d'Émile Zola.
Lien: Article du pionnier des randonnées pédestres: https://www.ardenneweb.eu/reportages/2020/houffalize-maurice-cosyn-1939

 

  • Le Thier des Cochons, au-delà de la crête de feuillus dominant la rue escarpée du Bois des Moines, ancienne route de Liège.
157 lectures
Portrait de ReneDislaire
René Dislaire