LE 10 MAI, UN JOUR ANNIVERSAIRE DE LA DETERMINATION DES FEMMES VISETOISES

écrit par francois.detry
le 16/05/2022

Imaginez la scène, une petite ville entourée de ses remparts, au nord de celle-ci, des prairies humides et des jardins. Dans ces prairies, vivent les oies et pour les surveiller des jeunes filles. Elles sont très jeunes, n’ont pas l’accès à l’école de la Collégiale car leur famille n’est pas riche et que la scolarité est réservée aux garçons. Pas instruites mais très pragmatiques et vivant avec  la nature. Soudain des bruits lointains qui se rapprochent. On dirait une troupe, pas très commode., apparemment. Les jeunes filles sont prises de peur et fuient et rentrent dans  la ville par la porte de Mouland (actuelle grand place, vers la rue de la Trairie). L’alerte est donnée, les habitants dont certains sont armés d’arbalètes se précipitent sur tous les remparts et sur le rempart nord car il est visible que ces hommes viennent de  la grande ville de Maastricht et n’ont pas des intentions pacifiques car ils voudraient remettre sur son trône le prince-évêque de Liège, Jean d’Arckel (1314-1378) et doivent s’emparer absolument de cette petite ville de quelques centaines d’habitants.

Une de ces jeunes filles, on ne connaît que son prénom, Maroye (Marie en wallon), n’hésite pas et monte sur les remparts et est bien décidée d’aider  avec ses  maigres moyens les hommes dont  le seigneur de Navagne semble être le chef. Des échelles sont disposées contre les remparts et ces mercenaires sont à deux doigts de s’emparer de la ville. Maroye n’hésite pas et fonce quand apparemment, celui qui est le chef des assiégeants atteint le sommet du rempart, elle se précipite sur lui et avec sa hachette, telle une enragée, lui fracasse le casque et donc le crâne  et du coup s’empare de sa bannière. Les autres mercenaires voyant cette horreur, le corps de leur chef tombant avec fracas au pied des remparts détalent dans la campagne. A ce moment, en ce lundi 10 mai 1376, une clameur de victoire résonne dans la ville. Fin d’après-midi, des renforts venus de Liège arrivent et apprennent la nouvelle, qu’une jeune fille d’une quinzaine d’années, toute menue, sans instruction mais avec une ardeur incomparable a fait tourner le sens de la bataille. On l’aurait portée en triomphe jusqu’à la cathédrale Saint-Lambert de Liège ?

Voilà pourquoi, comme rarement dans l’histoire régionale, le courage d’une jeune femme a modifié le sort d’une bataille. Cette Jeanne Hachette visétoise aurait-elle été honorée en 2012 par la confrérie de l’Oie de Visé quand  fut inaugurée une statue d’une jeune gardeuse d’oies, accompagnée de quelques oies ?.

Et il  n’est  pas étonnant que les groupes visitant la ville et la Collégiale soient photographiés devant cette statue symbolique.  Ici, bien échu que nous soyons le mardi 10 mai 1376, pardon le 10 mai 2022, le service-club Probus de Visé et leurs alter égo d’Anvers, guidés par Jean-Pierre Lensen prennent la pose, avant d’être reçus à l’hôtel de ville par la bourgmestre de  la cité mosane et de retrouver l’histoire de notre  pays au musée régional, tout proche.

Jean-Pierre Lensen

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Les oies de Visé     ( Lily Portugaels  26-04-2010 )

Avant tout, il faut savoir que dans les prairies des bords de la Meuse visétoise, l’ansérine, une herbe dont raffolent les oies, poussait en abondance. D’où la présence de plusieurs troupeaux d’oies à cet endroit.

En 1374, le prince-évêque Jean d’Arkel refuse d’obéir à une sentence du Tribunal des XXII, un tribunal dont les sentences doivent être respectées même par l’évêque. C’est le conflit avec la population. Il est obligé de fuir et se réfugie à Maestricht. En mai 1376, l’évêque à la tête d’une troupe de mercenaires, vient assiéger Visé. Sur les remparts, les arbalétriers organisent une farouche résistance.

La population participe aussi à la défense. Une jeune gardeuse d’oie se retrouve dans la mêlée. D’un coup de son "picot de Haccourt", une pique avec laquelle elle mène ses oies, elle blesse mortellement le chef des assaillants. Elle lui arrache l’étendard du prince-évêque sous les acclamations des défenseurs. Démoralisés, les assaillants lèvent le siège. La gardeuse d’oie devient une héroïne visétoise.

L’autre histoire est moins romantique mais elle paraît tout aussi, sinon plus, plausible. En 1336, les hommes du duc de Gueldre envahissent Visé en pleine nuit et pillent la ville dans la plus grande indifférence des oies qui pourtant sont censées jouer les sentinelles. Les oies sont en effet de fantastiques "chiens de garde" (voir l’histoire des oies du capitole qui, grâce à leurs cris empêchèrent les troupes du chef gaulois Brennus de s’emparer de la ville de Rome).

Furieux que, cette nuit-là, aucune oie n’ait émis le moindre cacardement (oui, oui, une oie cacarde) qui aurait pu les sortir de leur sommeil, les Visétois massacrent tous les volatiles.

Pour ne pas laisser se perdre une telle quantité de nourriture, quelques Visétois imaginent une recette qui, en passant toute cette volaille à la casserole, allait permettre de la conserver un peu plus longtemps. "L’oie à l’instar de Visé" était née. La recette a été sensiblement améliorée depuis mais on peut aujourd’hui encore déguster "l’oie à l’instar de Visé". Une Confrérie de la Délicieuse oie du Gay Savoir en Bien Mangier a même été créée en 1987 pour maintenir et développer cette célèbre recette.

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