Parmi les joueurs emblématiques de notre football belge !!
C'est ce mercredi soir qu’a été décerné le 67e Soulier d'Or, trophée récompensant le meilleur joueur du championnat de Belgique au cours de l'année écoulée. Habituellement élu sur base de deux tours de scrutin, le Soulier d'Or sera élu cette fois sur base d'un seul tour à cause du faible nombre de matches disputés lors du premier semestre de l'année 2020, la pandémie de coronavirus ayant mis le football belge à l'arrêt entre mars et août.
Si Lior Refaelov ( Antwerp ) l’a emporté pour les hommes et si Tine De Caigny ( Anderlecht ) a été distinguée chez les filles, de multiples compétitions attendent ( ?? ) nos sportifs durant cette année 2021. Il est peut-être judicieux de se remémorer certains anciens ( puisque le foot était alors inexistant pour les filles ) qui ont occupé par leurs exploits ( football et autres ! ) l’actualité sportive de l’époque.
Au rayon " Personnalités " régionales , il nous faut citer deux joueurs issus du même petit village du plateau de Herve à savoir Emile LEJEUNE (Warsage 1938) et Roger CLAESSEN (Warsage 1941 - Liège 1982)
Attardons nous à la carrière sportive de ce second nommé.
Roger Claessen est né à Warsage le 27 septembre 1941. Il est le 6ème et dernier enfant de Justin Claessen, cheminot, et de Maria Korvorst, exploitante d'une petite ferme, rue Joseph Muller. Petit, Roger fait parfois la tournée des maisons du village pour vendre la "maquée" qu'il a faite lui-même. Il fait partie de l'unité scoute. Parfois, il joue au football dans les prairies de Warsage avec l'un ou l'autre de ses copains. A 12 ans, poussé par son frère Joseph, il joue pour la première fois dans un club, "L'Etoile Dalhem". Le terrain, à l'époque, est situé le long de la Berwinne ( derrière chez Lecouturier ). Vu son âge, il entre directement chez les cadets. Il est alors en première année d'humanités à l'Athénée de Visé.
Il a envie de vivre en internat et commence sa deuxième année au Petit Séminaire de Saint-Trond. Il y est souvent enfant de choeur et sert régulièrement la messe. La moitié des élèves se destine à une vie sacerdotale. Et Roger y songe un moment ...! Il retourne en famille toutes les 6 semaines, comme de coutume en ce temps-là, et joue donc très rarement dans l'équipe cadette de Dalhem.
Sur l'avis de Florent Demonceau, footballeur de l'Etoile transféré au Standard, le club liégeois s'intéresse à Claessen et "l'achète" 300.000 F : une aubaine pour l'Etoile !
C'est de suite la réussite dans l'équipe des cadets provinciaux du Standard à Sclessin. En 20 rencontres, Roger inscrit 101 buts ! A 15 ans 1/2 il fait déjà partie de la réserve et marque 25 buts en 6 matches. Le 12 décembre 1958, à 17 ans, il entre chez les "grands" à Tilleur, au stade du Pont d'Ougrée. l'internat étant devenu impossible, Roger s'inscrit au collège Saint-Hadelin à Visé puis double sa rhéto à l'Athénée.
La saison 59-60 n'est pas terrible. Par contre saison triomphale du Standard en 60-61 qui se termine par un titre de champion de Belgique et un 1er bain de foule pour Roger. Cette année-là, le club atteint le stade des demi-finales de la Coupe d'Europe. C'est le début de la gloire pour Claessen ... mais aussi des ennuis.
« A cette époque, dira-t-il plus tard, les bruits les plus extraordinaires ont circulé sur mon compte. (ndlr : C'est vrai qu'il fréquente beaucoup les bars et les filles ...) Ma plus grosse erreur, c'est que, quand je me suis aperçu qu'on faisait de moi un personnage, je me suis plu à le faire vivre ! »
Entretemps, il commence une année de droit à l'université puis une année d'éducation physique et enfin son service militaire, où, bien sûr, il est dans l'équipe de football.
En 1962, le Standard, qui compte bien sûr toujours Claessen dans ses rangs, atteint à nouveau les demi-finales de la Coupe d'Europe et, en 62-63, décroche un autre titre de champion de Belgique.
Roger brûle aussi les étapes sur le plan international. Il devient un buteur remarquable. Avec les Diables Rouges, Roger ne dispute pas toutes les rencontres pour cause de suspension diverses et surtout de blessures.
Le meilleur ami de Roger Claessen, à Sclessin, est son collègue Léon Semmeling de Berneau. Roger est adulé dans son club comme aucun joueur du Standard ne l'a jamais été et ne le sera sans doute jamais. Pourtant, il fait les 400 coups partout où il se trouve. A la Noël 65, par exemple, lorsque le Standard se déplace au Zaïre, il fait le mur tous les jours. Mais, pour s'amuser, Roger n'a pas besoin de quitter la Belgique, ni la cité Ardente ... tous les bars lui sont familiers. El l'argent lui file entre les doigts. Il faut dire aussi qu'il a le coeur sur la main et paie facilement les tournées, à la grande joie de ses amis ou copains de sortie.
Roger adore les voitures et la vitesse. C'est ainsi qu'il a des accidents de la route ( en 1962, avec 3 semaines d'hôpital, et en 1963 ). Il connaît aussi la prison ( 8 jours en 64 et 5 jours en 68 pour altercation suite à accrochage avec un inspecteur de police et infraction au code de la route en état d'ivresse ). Les gardiens lui demandent des autographes !
Un copain de guindaille le surnomme Roger-la-Honte ( du nom d'un truand célèbre du début du siècle ). Le surnom pénètre bientôt le monde du football international. Alors que le Standard dispute le tournoi de Montréal dans le cadre de l'expo universelle, Roger fait une "fugue" de deux jours puis réapparaît dans le réfectoire bondé d'Allemands, de Mexicains, de Russes et d'Anglais, coiffé d'un chapeau sur lequel est brodé "Roger-la-Honte".
Roger Claessen et son ami Eddy Merckx sont les deux sportifs belges les plus populaires.
A l'issue de la saison 67-68, il n'a que 26 ans et est en pleine gloire. Cette année-là, il est le meilleur buteur du championnat de Belgique. Il vient sans doute de réussir sa meilleure saison et a failli décrocher le "soulier d'or". Il décide cependant de quitter Sclessin ! Ce n'est pas logique mais Roger s'explique : "Je ne m'y sentais pas mal. Mais tout simplement, j'ai toujours eu l'âme d'un aventurier et j'ai toujours voulu faire le plus d'expériences possibles. Je voulais connaître d'autres pays, d'autres moeurs ... » Et puis, Anderlecht dominait le football belge et venait d'enlever son cinquième titre consécutif. Avec une équipe très inférieure, nous n'avions pas l'impression de nous battre à armes égales."
La Bundeliga attire Roger Claessen. Le football allemand correspond bien à son tempérament offensif, bagarreur et spectaculaire. C'est une des raisons pour lesquelles Roger s'exile à Aix-la-Chapelle pour la saison 68-69. Son transfert rapporte 4,5 millions de francs au Standard, record absolu payé par un club de la Bundesliga ! Roger devient donc le joueur le plus cher d'Allemagne et le premier gros transfert belge à l'étranger si l'on excepte celui de Raymond Braine au temps des premiers balbutiements du football chez nous.
Roger gagne trois fois plus qu'au Standard. Aix-la-Chapelle, précédemment en fin de 1ère Division, termine 2ème du championnat. Chaque semaine, 3.000 supporters traversent la frontière quand le club joue à domicile. Certains effectuent même les déplacements avec Alemania.
La saison suivante, Claessen ne joue plus que par intermittence et le club redescend en ligue régionale. C'est ainsi que l'expérience allemande ne dure que deux ans. Mais elle fut passionnante et enrichissante et lui a permis notamment de rencontrer sa femme. Le mariage est célébré civilement à Aix le 20 février 70 et religieusement à Warsage début avril.
En 1970, Roger rentre en Belgique, au Beerschot. C'est un véritable fiasco. Tout cela à cause d'une blessure mal soignée. Une déchirure du tendon diagnostiquée fort tard. Un séjour de deux mois à l'hôpital et la saison se termine.
En 71-72, il joue au Crossing de Schaerbeeck. Un changement de direction au club en fin de saison et en toute dernière minute oblige Roger, en 24 heures, à trouver un autre club. Il se retrouve à Bas-Oha en troisième division. Il y reste 3 ans 1/2 comme joueur-entraîneur. Après cela, Roger poursuit son expérience de joueur-entraîneur à Saint-Vith (1ère Provinciale) pour terminer à Queue-du-Bois (2ème Provinciale). Sa carrière de footballeur se termine. Il jouera encore parfois lors de rencontres de bienfaisance. C'est ainsi qu'il foule à nouveau le terrain du Standard à l'occasion d'une rencontre organisée par RTL. Et, régulièrement, le mercredi après-midi, il seconde l'entraîneur des minimes au Sart-Tilman. Roger Claessen a toujours été adulé du public qui lui pardonnait toutes ses incartades. Bon vivant au franc-parler sympathique mais parfois grossier, intelligent et cultivé ( il lisait énormément ), il a vécu à 100 à l'heure. Il s'est fait construire une villa à la Heydt. C'est là qu'il vivait avec sa femme et son fils né le 09 janvier 1971. Il le prénomme Marc Antoine par nostalgie pour l'Antiquité, une époque qu'il affectionne particulièrement, lui qui a toujours été premier en version grecque.
Son effigie orne le frontispice du stade de Sclessin. Élu "footballeur du siècle", Roger Claessen incarne le joueur emblématique du Standard.
( extrait de www.dalhem.be )
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Un quart de siècle après la mort du plus célèbre des joueurs de l'histoire du Standard, et pour l'avoir côtoyé presque au quotidien jusque dans ses derniers jours, nous sommes certains qu'il ne s'est pas donné volontairement la mort même si, complètement déboussolé, il a mélangé, plus encore que de coutume, alcool et valium. 25 ans, jour pour jour, après le décès du plus grand des Standardmen, parti avant la naissance de la plupart des joueurs actuels, on ne peut qu'espérer que ceux-ci prennent exemple sur la rage de vaincre qui a toujours animé Roger-la Honte. ( Dernière Heure )
Léon Semmeling, son ami : « Depuis le départ de Roger Claessen, il n’y eut plus jamais, en Belgique, un centre-avant aussi fort que lui. Il possédait tellement de qualités naturelles que le terme ‘défenses renforcées’ n’avait aucun sens pour lui. Son engagement, son tempérament étaient tels qu’il ne recherchait jamais la facilité. Et son jeu de tête est probablement le plus terrible de tous les temps en Belgique. »
L’ingérable Roger explique : « Je suis un cas, un révolté mais pas un rebelle. Révolté parce que je m’insurge contre l’injustice de notre société mais pas rebelle parce que je n’ai pas la mentalité d’un militant. »Et de poursuivre, comme tout épicurien qui se respecte : «Il est exact que si j’avais voulu j’aurais pu ajouter quelques années de gloire à ma carrière. Je n’ai jamais voulu être tributaire d’une forme de sport où, pour réussir, il faut brimer sa personnalité et son amour-propre. Je n’ai jamais eu envie de thésauriser comme le font ceux qui ne vivent que pour l’argent, sous prétexte d’assurer leur sécurité matérielle. Car, comme le dit ce vrai poète qu’était mon vieux copain Jacques Brel, cette sécurité-là est une forme de médiocrité de l’âme »
© François DETRY