"Theodoor Rombouts, Virtuose du Caravagisme flamand", au "Musée des Beaux-Arts", à Gent, jusqu'au 23 Avril

écrit par YvesCalbert
le 03/04/2023

A l'occasion de son 225è anniversaire, le "Museum voor Schone Kunsten" ("Musée des Beaux-Arts"/"MSK"), à Gent, présente cette première exposition monographique consacrée au peintre anversois, maître du baroque, Theodoor Rombouts (1597-1637), intitulée "Theodoor Rombouts , Virtuose du Caravagisme flamand", une expo pour laquelle certaines oeuvres ont été spécialement restaurées.

Une raison de ce choix, pour le musée gantois : alors que les acquisitions du "MSK" se limitaient à des oeuvres d'artistes toujours en vie, la première œuvre d’un maître ancien jamais achetée par ce musée était signée par Theodoor Rombouts.

La curatrice, Frederica Van Dam, nous confia : " Rombouts ne glorifiait pas ses personnages. Ce sont des humains de chair et d’os, comme il pouvait en croiser dans la rue. Il les fait souvent s’asseoir à une table, communiquer entre eux avec des visages particulièrement expressifs et de beaux gestes."

Après une formation chez Abraham Janssens (Abraham Janssens van Nuyssen/vers 1573-1632), à l'occasion de son séjour en Italie, le jeune peintre anversois est fasciné par Le Caravage (Michelangelo Merisi da Caravaggio/1571-1610) et par son disciple Bartolomeo Manfredi (1582-1622).

De retour en Belgique, Theodoor Rombouts développa une identité artistique personnelle, harmonisant les styles de peintures du nord et du sud européen, étant devenu, au début du XVIIè siècle, une valeur sûre dans le milieu artistique anversois, avant d'être éclipsé par ses contemporains, tels Peter Paul Rubens (1577-1640) ou Antoon Van Dyck (1599-1641).

Son grand talent ayant été oublié, le grand mérite de la présente exposition est de nous révéler cet excellent peintre, la curatrice ayant découvert des peintures qui, n’étant pas attribuées avant cette expo, nous sont présentées pour la toute première fois.

Notons que Theodoor Rombouts aimait travailler avec ses propres modèles, dont sa fille et sa femme, se représentant parfois lui-même, au sein de diverses peintures.

Soulignons une scénographie particulièrement bien réussie. Ainsi dans la salle consacrée à des peintures nous présentant des jeux, nous trouvons, au sein de vitrines, d'anciennes cartes à jouer et autres, alors que dans celle mettant en scène des musiciens, plusieurs anciens instruments, prêtés par le "MIM" ("Musée des Instruments de Musique", sont exposés près de toiles où ils sont représentés. Soulignons, d'ailleurs, tout l'intérêt de ses portraits de musiciens, avec leurs instruments d’époque.

Notons que ses tableaux de genre, animés et parfois moralisateurs, peuplés d’élégantes compagnies et de musiciens, figurent parmi ses œuvres les plus frappantes. Il s’agit de scènes baignant dans un clair-obscur méridional, qui se fond avec sa palette caractéristique, le raffinement avec lequel il peint les objets et les tissus étant à souligner.

A sa palette personnelle, il ajouta des tons rouges, bleus et violets. Fils de tailleur, il parvint à peindre les étoffes de façon presque palpable.

A noter que l'essentiel du travail du peintre nous est proposé, en dialogue, avec des œuvres de quelques-uns de ses éminents contemporains, comme l'Italien Bartolomeo Manfredi (1582-1622), le Français Valentin de Boulogne (Jean Valentin/1591-1632) et le Néerlandais Hendrick ter Brugghen (Hendrick Jansz ter Brugghen/1588-1629).

Cette exposition est le fruit de recherches de grande ampleur, qui permirent de rassembler des œuvres provenant de collections privées, d'églises, ainsi que de musées d'Europe et des États-Unis.

A noter que ses scènes théâtrales et joyeuses, comportaient souvent un message politique ou moralisateur : "on aperçoit un joueur de cartes qui triche, ou un personnage assis à une table qui est approché par une marieuse qui lui propose un rendez-vous dans un bordel. Morale de l’histoire : 'jouer aux cartes peut mener à de la tricherie et des activités douteuses' ", nous précisa Frederica Van Dam.

Les tableaux de Theodoor Rombouts sont remplis de visages expressifs, comme celui du Christ, occupé à chasser les marchands du temple, ou celui de Prométhée, voleur du feu des dieux, cloué au rocher et torturé par un vautour qui dévore son foie.

Le "MSK" de Gent a un lien particulier avec le peintre anversois, dont il possède trois toiles. En 1860, l’ "Allégorie des cinq Sens" (1632) a été la première œuvre d’un maître ancien à être achetée par le musée. Le tableau est entretemps devenu l’un des préférés du public. Le "MSK" compte en outre, dans sa collection, l’ "Allégorie du Banc des Échevins des Parchons" (1627-1628) - la plus grande toile de Theodoor Rombouts, qui a longtemps été exposée à l’Hôtel de Ville gantois - et "L’Arracheur de Dents" (vers 1628), une mise en garde typiquement caravagesque contre les charlatans. Cette dernière œuvre a été restaurée spécialement pour l’exposition, tout comme "La Descente de la Croix" (+/-1630), provenant de la cathédrale gantoise Saint-Bavon.

Depuis son atelier du "Meir", Theodoor Rombouts répond ingénieusement aux souhaits du public et se fait connaître comme le spécialiste du tableau de genre caravagiste flamand. L’impact du style pictural de Pierre-Paul Rubens, sur la clientèle de l’époque, explique par ailleurs la présence de touches rubéniennes dans ses œuvres ...

... Mais si la peinture de Theodoor Rombouts fut appréciée de son vivant, son héritage artistique fut rapidement oublié, après sa mort précoce, à l'âge d'à peine quarante ans, cette exposition nous dévoilant à quel point cet artiste fut l’un une figure-clef de la peinture de genre, son oeuvre nous étant proposée dans une perspective nouvelle.

Elle nous rapproche, ainsi, de l’homme qui se cache derrière l’œuvre : un artiste intelligent, qui se laissait volontiers séduire par le talent de ses collègues, ce qui ne l’a pas empêché de développer sa propre identité artistique, parfaitement reconnaissable, tant pour sa clientèle de l’époque que pour nous aujourd’hui."

Ouverture : jusqu'au dimanche 23 avril, du mardi au vendredi, de 09h30 à 17h30, le samedi & le dimanche, de 10h à 18h. Prix d'entrée : 20€ (17€, pour les enseignants et les membres d'un group de minimum 15 personnes / 3€, de 19 à 25 ans / 0€, pour les moins de 19 ans, les accompagnateurs de personnes porteuses d'un handicap & les détenteurs d'un "MuseumPassMusées". Réservations (non obligatoires) : www.mskgent.be/fr/billetterie & 09/210.10.75, du lundi au vendredi, entre 9h et 12h30. Catalogue (Coédition "Snoeck-MSK Gent"/cartonné/2023/ 288 pages) : 50€. Contacts : 09/323.67.29 & museum.msk@stad.gent. Site web : www-mskgent-be.

Yves Calbert.

 

  • © Martin Corlazzoli
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