10è "KIKK Festival", à Namur, jusqu'au 07 Novembre

écrit par YvesCalbert
le 06/11/2021

“Mon plus grand plaisir, c’est d’observer le public. Que ce soit la salle, des gamins qui s’amusent avec une installation, une mamie qui s’émerveille devant un objet dans le ‘Market’. Parce que du coup, ça fait sens. Tu sais que tu fais ce festival pour les gens”, nous confiait Gilles Bazelaire, directeur du « KIKK Festival », lors que la conférence de presse, au « Théâtre Royal », le mercredi 27 octobre.

De son côté, au sein du dossier de presse, Gaëtan Libetiaux, directeur artistique, écrit : “L’idée du Festival, c’est de désacraliser et de démystifier le rapport à la technologie en disant ‘La technologie, elle est là mais c’est pour vous, pour nous, c’est pour tout le monde et il n’y a pas des grands gourous de la technologie et des non spécialistes qui doivent juste la subir’. L’idée, au contraire, c’est d’insuffler et d’ être dans la prise en main et de pouvoir rendre les gens acteurs de cette transformation qui est permanente. Il y a une chose à laquelle on tient : c’est de prendre soin des gens auxquels on s’adresse. On soigne les contenus. On veille à ce qu’ils soient riches. Et cette richesse, on tente de la transmettre ”.

C’est avec ce leitmotiv que le 10è « KIKK Festival » propose, du jeudi 04 jusqu’au dimanche 07 novembre, une immersion dans l’univers des cultures digitales et créatives. Pendant 4 jours, il multiplie les initiatives et les occasions de se réjouir. Après un an de privation – l’édition 2020 ayant dû être annulée, pour raisons sanitaires -, l’offre foisonnante de cette année permet tous les modes de découvertes.

Parmi les nombreux lieux d’expositions, soulignons la réouverture temporaire du « Pavillon », dont l’asbl « KIKK » assure la gérance, sis sur l’esplanade de la Citadelle, où un vaste parking gratuit est à notre disposition, le nouveau téléphérique arrivant à l’arrière du « Pavillon« , au départ de la Place Maurice Servais, sise en bord de Sambre.

Par ailleurs, grâce au chorégraphe belge Ugo Dehaes, nous pouvons voir comment naissent les robots, grâce aux deux projets du cycle « Forced Labor », le premier s’intitulant « Arena », utilisant l’intelligence artificielle et l’aide du public, our entraîner ses robots, qui remplacent des êtres humains, … trop chers, pas assez disciplinés ou malléables.

Son second projet, « Simple Machines » – présenté avec l’appui du Service Jeunesse de la Ville de Namur – est une lecture-performance (recommandée à partir de 6 ans, d’une durée de 50′‘), racontant l’histoire d’un danseur qui tente de se faire remplacer par la technologie, les spectateurs devenant acteurs, contribuant, ainsi, à une réflexion sur un avenir où les artistes humains ne seraient plus nécessaires.

Cet acteur des arts numériques, confiait, au micro de la « RTBF », pour son émission « N’oubliez pas le Guide » : « C’est fascinant car avec ces robots, je peux réellement raconter des histoires dans un spectacle ou un musée. Je peux aussi susciter la réflexion par rapport à l’intelligence artificielle et l’utilisation de cette technologie pour l’avenir. Mais lorsque j’anime des ateliers pour enfants, ils ne pensent pas à cela. C’est avant tout un jeu d’animer ces créatures. » 

Venant tout droit du Québec, Louis Philippe Rondeau nous propose son installation interactive « Liminal », nous faisant visualiser, d’une manière surprenante et poétique, l’inexorable passage du temps.

​« Traces » est une création d’une équipe de designers d’expériences interactives et immersives, nommée  « Hovertone ». Prenant conscience des limites de la « vidéo-présence », cette installation est un dialogue sans mots, entre présents et absents, construit au travers d’un algorithme analysant les corps et leurs mouvements,  chaque visiteur laissant une trace numérique de son passage.

Avec le soutien de « WBI » (« Wallonie Belgique Intenational »), des étudiants du « Bachelor Media et Interaction Design » de l’ « ECAL » (« École Cantonale d’Art de Lausanne ») nous présentent « Fantastic Smartphones », une exposition extrêmement maligne, investissant notre relation – à la fois désespérante et extrêmement drôle – avec nos smartphones et la manière dont ils influencent notre comportement quotidien.

Autrement spectaculaire, l’artiste vénézuelien Rubén d’Hers nous présente une installation bluffante et sonore, constituée de 40 guitares, qui – suspendues de part et d’autre d’un long couloir – jouent simultanément, elles-mêmes, grâce à un réseau de moteurs à courant continu.

Toujours au « Pavillon », un atelier pour nos enfants sera organisé, sous le titre : « Azki Punk Console », animé par Rehab Azgui, un artiste multidipliscinaire tunisien, qui permettra aux jeunes partcipants, munis de leurs consoles, d’utiliser l’électricité comme seul matériau conceptuel, explorant le potentiel sonore du flux électrique, construisant leurs propres instruments électroniques et expérimentant des interfaces de contrôle analogiques, cet atelier se terminant par une performance sonore collective, utilisant les instruments nouvellement construits.

De l’autre côté de l’esplanade, à l’arrière des gradins, sur la scène du « Théâtre de Verdure« , nous retrouverons, une fois par jour, l’un des temps forts du Festival, “Island of Foam, Version XVI”, une création éphémère, colorée et
et rafraîchissante de Stephanie Luening, une artiste allemande, dont l’oeuvre produira une avalanche de mousse
colorée, via trois machines reliées à trois barrils d’eau, remplis de liquides de mousse de différentes couleurs. Cette
performance durera aussi longtemps qu’il y a de la couleur dans les barils, nous permettant de voir une peinture éphémaire apparaître, grandir, changer constamment et disparaître à nouveau. A découvrir, gratuitement, tous les jours, à 14 h.

Redescendons la Citadelle, pour nous retrouver au confluent de la Sambre et de la Meuse, au « Delta », autrefois connu sous le nom de « Maison de la Culture de la Province de Namur », où nos enfants pourront applaudir « La Machine ne fait pas l’Homme », un spectacle futuriste et musical (recommandé à partir de 6 ans), qui symbolise notre approche, ainsi que notre méconnaissance des robots et de l’intelligence artificielle. Dans chacune de ses créations, la compagnie néerlandopone « Post uit Hessdalene » engage le dialogue avec de la musique (interprétée en direct) et/ou avec des paysages sonores, souhaitant ainsi rendre apparents des liens entre nos sens, notre faculté de compréhension et nos actions.

Plus de 40 installations :

Si certaines rencontres sont réservées aux professionnels, pour le « grand public », dans le cadre de « KIKK in Town », Marie Chastel, sa curatrice, écrit : « S’ouvrir à l’extérieur et à la ville a permis d’attirer un public plus large, faisant sens, pour nous de faire découvrir à des non-professionnels un autre monde qu’ils ne connaissaient pas du tout, les initiant, d’une certaine manière, à ces nouvelles pratiques. »

Ainsi nous pouvons découvrir de surprenantes performances et plus de 40 installations, requérant, le plus souvent, notre participation, cet événement convivial, fait d’explorations artistiques, nous permettant de découvir des créations bluffantes, qui émergent quand l’art et le digital se rencontrent. Ainsi, nous explorerons, à travers l’art, les enjeux de la société, nous dévoilant les codes nous aidant à mieux comprendre l’impact de la technologie sur notre monde.

A l’entrée de la « Galerie du Beffroi », nous découvrons la création d’Emmanuel Anthony et sa vidéo “Prière au Wifi”.

Quelques mètres plus loin, nous trouvons des oeuvres de Filipe Vilas Boas (°Portugal/1981), telles l’impressionnante « Carrying the Cross » (« Portant la Croix »), rappelant la passion du Christ, « RIP » ou encore « Casino Las Datas », qui matérialise l’espace Internet, où chacun joue à confier ses données sans presque jamais rien, sinon quelques pièces de fausse monnaie, chacun pouvant utiliser, gratuitement, les machines à sous, qui nous offrent quelques pièces de jeu, en fonction des données que nous lui confions : adresse électronique, numéro de téléphone, identifiant twitter, …

En rapport avec « Carrying the Cross », Murielle Lecocq nous rapporte le propos d’Alexis Aubenque : « Le peuple n’a que faire de la liberté. Il a besoin seulement de la certitude que son avenir ne sera pas un long chemin de croix. Il a besoin d’un guide en qui croire, et la seule question qui compte pour chaque Homme est : être berger ou mouton? »

En ce même lieu, nous découvrons l’oeuvre numérique « Fake News » (« Fausses Nouvelles »), de Jeroen Van Loon (°‘s Hertogenbosch/Pays-Bas/1985), qui nous replonge, le 10 avril 2018, devant le Congrès américain,  Mark  Zuckerberg y témoignant. Sur l’écran, des filtres de visage ont été ajoutés, avec de nombreuses paires de lunettes, voire une moustache, sur un visage féminin, ayant été dessinées, ajoutant une couche de réalité augmentée aux selfies.

Comme en 2019, le continent africain – rebaptisé « AfriKIKK », du nom d’un projet retenu dans le cadre du programme de travail bilatéral direct entre le Sénégal et la Belgique – sera bien représenté, le « KIKK »  collaborant avec l’ ONG sénégalaise « Kër Thiossane« , afin de rendre audible la voix d’artistes de ce continent, en nous présentant certaines de leurs oeuvres, sélectionnées par , curatrice de cette section africaine du Festival. À travers celles-ci, c’est toute notre approche aux relations Nord-Sud qui sera interrogée, voire déconstruite.

Parmi les artistes exposant à Namur, notons les présences de Joséfà Ntjam (°Metz/1992) et sa création “Unknown Aquazone”, à découvrir au « Delta », mais aussi Haythem Zakaria (°Tunis/ 1983), avec son oeuvre contemplative “Interstice Opus II”, ainsi que l’oeuvre planante de Moussa Sarr (°Ajaccio/1984) un tapis volant piloté par drône.

« Mes œuvres sont patrimoniales, créées avec les biens d’hier, devenus déchets d’aujourd’hui et espoir pour demain. Ces déchets constituent ma ressource pour m’exprimer. Je les transforme en films poétiques, en personnages analogiques, en sculptures vivantes ou encore en masques contemporains. Mon objectif est avant tout de montrer force de résistance et la résilience humaine, face à diverses problématiques », écrit l’artiste congolais  Precy Numbi (°Kisangani/1992), qui crée ses oeuvres surréalistes – présentées à la « Galerie du Befroi » -, en récupérant du plastique, des carcasses de voitures, de déchets électroniques, venant le plus souvent d’Europe  et  ayant obtenu une seconde vie en Afrique.

L’impact de la technologie sur la société nous sera dévoilé par l’artiste franco-sénégalais Alun Be (°Dakar/1981), qui nous présente, à la « Galerie du Befroi », sa série de photographies “Edification”, nous offrant une vision imaginaire et troublante du futur. Si les sujets photographiés sont spécifiques au continent africain, les neuf thèmes explorés  peuvent être compris comme des rites de passage universels. L’intention du photographe  est de fournir un récit visuel de la foi en un avenir numérique dans lequel l’humanité est sur le point de fusionner complètement avec la technologie. À travers ses photographies,  Alun Be lance une invitation à un discours ouvert sur le destin de l’humanité.

A la « Maison de la Poésie », de 10h à 18h, c’est l’artiste belge Élise Guillaume, qui nous présente ses œuvres audiovisuelles, s’interrogeant sur la condition de l’être humain dans un contexte de crise aiguë et de menace d’extinction.

Diplômé, en 2021, du « Studio National des Arts Contemporains du Fresnoy », lauréat de nombreux Prix, l’artiste français Guillaume Barth (°Colmar/1985), quant à lui, expose au  « Delta », ouvert de 10h à 18h. Ayant découvert la floraison des « Crocus Sativus », dans le désert de Khorasan, en Iran, il a choisi de s’intéresser davantage à cette fleur, son histoire, son pouvoir et ses symboles. A noter que cette installation – expérience immersive de 15 minutes – est conçue pour être un espace de résilience, la sagesse des soufis racontant la beauté de l’instant présent, cette fleur iranienne dansant en lévitation au centre de l’espace, nous offrant son spectacle, au moment d’un précieux trésor : son éclosion.

Quelques important.e.s conférenciers.ères :

Le « KIKK » a l’honneur d’accueillir la lauréate, en 2021, du « Prix Pulitzer », l’architecte britannique Alisson Killing (°Newcastle), qui, contrairement à ses pairs, ne construit pas des maisons mais travaille sur des analyses de territoire et sur l’influence que peuvent  avoir la construction d’infrastructures sur la société. Ainsi, elle a dénoncé – dans le cadre de la campagne d’oppression de la Chine contre les Ouïghours – les camps secrets d’internement chinois, dans la région Nord-Ouest du territoire autonome du Xinjiang, ayant utilisé son expertise en matière d’analyse médico-légale de l’architecture et d’images satellites de bâtiments. Tel sera le sujet de sa conférence, le jeudi 04 novembre, à 18h40,  au « Théâtre Royal ».

Tant attendu par le « KIKK Festival », le « grand manitou » du design, Ivan Poupyrev.  Lauréat de différents Prix, il est actuellement directeur de l’ingénierie et chef de projets techniques, au sein de l’ « Advanced Technology and Projects » de « Google », où il se
concentre sur la conception de notre futur mode de vie numérique. Auparavant, il a travaillé à la division de la recherche de « Walt Disney Imagineering », en Californie, et aux laboratoires de recherche de « Sony Corporate », à Tokyo. Son travail ayant fait l’objet d’articles dans le « New York Times », « Time Magazine », … , le « Fast Company Magazine » l’a décrit comme étant « l’un des meilleurs concepteurs d’interactions au monde ».

Originaire du Kirghizistan, Aiganysh Aidarbekova est une chercheuse d’investigation et formatrice d’un site Web de journalisme d’investigation, « Bellingcat », dont plusieurs membres ont remporté de nombreux prix, dont le « Prix de la Presse européenne ».

Nous venant de Vancouver, Jer Thorp, l’un des plus grands artistes de données au monde, voix majeure pour l’utilisation éthique du big data, ayant été accueilli en résidence au « New York Times » et exposé ses oeuvres, notamment, à New York, sur « Times Square » et au « Museum of Modern Art ». Lors de sa conférence, il nous proposera une variété de réponses à une question cruciale de notre époque : comment cesser d’habiter passivement les données et en devenir des citoyens actifs ?

En raison de ses racines mixtes, l’illustratrice et animatrice 3D, la belgo-africaine Loulou João, avec sa palette de couleurs flashy, a développé une vision inter-dimensionnelle du monde. A notre attention, elle nous proposera sa masterclass, abordant, d’une manière analytique, les aspects politiques, culturels, socio-économiques et historiques du monde blanc, tentant d’apporter un éclairage différent sur la représentation des femmes noires et métisses.

Le « Market » :

Par ailleurs, sur la Place d’Armes, dans un vaste chapiteau de plus de 1.000 m2, nous trouverons le « Market », qui nous permettra de découvrir les nouveaux défis d’un monde en mouvement, en expérimentant, manipulant, testant tout ce qui nous sera présenté, des animations étant organisées les samedi 06 et dimanche 07. Ouverture : du jeudi 04 jusqu’au samedi 06, de 10h à 18h, et le dimanche 07, de 10h à 16h. Entrée gratuite.

Concernant l’extraordinaire développement du « KIKK », en 10 éditions lisons ce que la commissaire, Marie du Chastel, confiait à Sylvestre Sbille, pour « LEcho » : « En termes de chiffres, ça a grandement évolué. La première année, on avait 500 participants, c’était 24 heures de code informatique dans une grande salle, et maintenant, on a un festival beaucoup plus organique, multiforme, multifacettes, qui est dans toute la ville, comme une sorte de pieuvre. Au départ on était plus centré sur des conférences. Puis, des contraintes techniques nous ont fait prendre des décisions qui ont fait grandir le Festival.« 

En ce début de novembre, n’hésitons pas à profiter de la capitale walonne, qui, durant 4 jours, se transformera en un musée à ciel ouvert, les deux musées de la Province de Namur nous proposant, par ailleurs, de nouvelles expositions, au« Musée Félicien Rops », jusqu’au dimanche 20 mars 2022 : « Dans les Yeux de Van Gogh – L’Empreinte des Artistes belges sur Vincent Van Gogh », ainsi qu’au « TreM.a », jusqu’au dimanche 23 janvier : « Grandeur et déchéance – L’Héritage patrimonial de l’Abbaye de Floreffe ».

Obligations sanitaires : « Covid Safe Ticket » et carte d’identité à présenter à l’entrée du chapiteau, Place d’Armes, afin d’obtenir un bracelet donnant accès aux activités intérieures, durant toute la durée du Festival. Navette : disponible, gratuitement, entre l’arrêt de bus, sis à hauteur de la « Confluence », en direction de la Citadelle, et le « Pavillon », situé sur l’esplanade.

Yves Calbert.

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