Cimetière de Houffalize. Célébrités. Mgr Cawet

écrit par ReneDislaire
le 13/10/2020
Le tombeau de Mgr Paul-Justin Cawet

Paul-Justin Cawet, inhumé sous son titre de Monseigneur Cawet, est né à Houffalize le 1er janvier 1866. Il est décédé le 16 octobre 1941 à Namur.
Son mausolée est le plus monumental du cimetière de sa ville natale. Il y est indiqué :  évêque de Imera

Parcours scolaire  puis cursus ecclésiastique
Ses parents, Jean-Baptiste Cawet et Marguerite Koop, avaient eu avant lui dix autres enfants.
C’est le vicaire de Houffalize, l’abbé Adnet, qui lui donna des cours de latin avant qu’il entre « en quatrième »  au Séminaire de Bastogne.

La tonsure lui fut conférée 16 décembre 1886, relate son biographe l’archiviste diocésain le chanoine Mayen. Puis il ira étudier la théologie à l’université de Louvain.
En 1890, il devient vicaire de Bastogne, l’évêque y étant contraint « par pénurie de pasteurs ». Puis curé à Freux dans le doyenné de St-Hubert, et enfin desservant à St-Loup, Namur, en 1900.  Curé-doyen de Virton en 1904, et vicaire général diocésain en 1919.

Le 23 janvier 1929, Mgr Heylen, évêque de Namur, annonce à tout le diocèse avoir obtenu du pape Pie XI, à sa requête, la nomination d'un coadjuteur pour le diocèse de Namur en la personne de Paul-Justin Cawet.

Le 5 février suivant, le Nonce Apostolique à Bruxelles écrit à Mgr Heylen pour lui annoncer « que la Sacrée Congrégation Consistoriale a assigné à Mgr Cawet le titre épiscopal de Imeria » ( Archives de l'Évêché). 

Toujours selon son biographe, Mgr Cawet « se sent à bout de forces » en 1941 et reçoit les derniers sacrements en mai ; il mourra « suite à une mauvaise chute » le 16 septembre suivant à la clinique Ste- Élisabeth à Namur.

Ses armoiries: sicut qui ministrat 
Les armoiries d’un évêque sont toujours lourdes de symbole et sa devise annonce le programme pastoral qu’il s’est fixé. En l’occurrence « sicut qui ministrat ». En latin, ministrare veut dire « servir à table ». C’est une parole du Christ adressée à ses apôtres : parmi vous je suis «  comme celui qui sert à table ».

Les Houffalois pourraient s’étonner que le serviteur du Christ repose dans une aussi riche sépulture. En effet, tout compte fait, sa carrière fut relativement modeste : évêque coadjuteur de Namur pendant douze ans dans l’ombre de Mgr Heylen, une très forte personnalité.

Évêque in partibus
Son titre d’évêque titulaire d’Imeria (ou Himeria ou Himère), la toute première mention en exergue sur son tombeau, a pu impressionner les ouailles de Houffalize. Certains, ne sachant pas où se trouve Himera,  lui ont même prêté la charge d’un ministère au Congo.
Il était ce qu’on appelait évêque in partibus (infidelium) - dans les parties des infidèles- de Imeria, en Sicile, qui faisait partie de la Grande Grèce plusieurs siècles avant J.C, et fut rayée de la carte par les Carthaginois en 408.

Évêque in partibus était donc un titre attribué pour un diocèse fictif, mais dont Mgr Cawet était pleinement titulaire, contrairement au diocèse de Namur où il était « simplement coadjuteur ».
Il faut peut-être trouver dans ce titre une aura qui a justifié l’édification d’un pareil mausolée, à une époque de grande foi (1941).

Le grand-oncle de Jean Kobs
Mais les Houffalois pourraient peut-être attribuer à Mgr Cawet un autre titre de gloire.
Celui d’avoir inspiré à son petit-neveu Jean Kobs (dont la mère était une Cawet) son destin littéraire et sacerdotal, celui du prêtre poète prince belge du sonnet du XXe siècle.
 

René Dislaire ©  Houffalize, le 13 octobre 2020
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Présentation. Monseigneur Cawet a au cimetière houffalois la sépulture la plus imposante. Mais qui est cet enfant de Houffalize qui a accédé au titre suprême d'homme de Dieu?
 

Post scriptum. Pour en savoir plus...
Armoiries 
Voici la description des armoiries de Paul Justin Cawet rédigée par Jean-Paul Fernon, héraldiste :
"tranché, au 1 burelé d'argent et d'azur, et au 2 d'or plain ; au lion brochant, de gueules sur le burelé et de sable sur l'or, la queue fourchue et passée en sautoir, lampassé et couronné d'or, armé de gueules, tenant entre ses pattes antérieures une clé en pal de gueules, le paneton d'or brochant au canton dextre du chef". 
On peut distinguer sur les dessins de ses armoiries ici une langue du lion « de gueules » (rouge), alors qu'elle devrait être « d'or » (jaune).
Ces armoiries rappellent les deux provinces qui composent le diocèse de Namur : la province de Luxembourg (partie 1 du tranché), et la province de Namur (partie 2).
Qu’un enfant du diocèse de Namur (soit les provinces de Namur et de Luxembourg) devienne son évêque était un fait rare dans les siècles qui ont précédé Mgr Cawet. Le dernier remontait au régime autrichien († 1771).

Devise. Sicut qui ministrat 
Les évêques demeurent connus par leurs devises.
Il s’agit en général de quelques mots des Écritures, un précepte auquel se référera l’épiscopat en son entier.
Paul-Justin Cawet avait choisi pour devise : Sicut qui ministrat.  Trois mots latins tirés de l'évangile selon Saint Luc, où Jésus déclare : « Je suis au milieu de vous, comme celui qui sert » (Lc 22, 27).
Sicut qui ministrat. 
C’était à la fin de la Cène, juste après que Jésus ait béni le pain et l’ait distribué.
"Nam quis major est qui recumbit an qui ministrat nonne qui recumbit ego autem in medio vestrum sum sicut qui ministrat"
"Qui, en effet, est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert? N'est-ce pas celui qui est à table? Or moi, au milieu de vous, je suis comme celui qui sert."

Évêque in partibus
In partibus infidelium est une locution latine signifiant « dans les contrées des infidèles (dans les parties de monde) ». Elle est souvent abrégée en in partibus. Au tout début l’expression indiquait que le diocèse, ou siège épiscopal, se trouvait dans des régions où le christianisme avait disparu, par suite de l’expansion musulmane : sans être officiellement supprimé, le diocèse n’existait plus comme communauté chrétienne locale.
Le Concile du Vatican a abandonné cette appellation in partibus, mais a maintenu les attributions d’évêques fictifs à des évêques dits titulaires qui n’y ont aucune juridiction, puisque les évêchés ont disparu (par exemple l’évêché de Ypres, dont fut évêque le célèbre Mgr Jansen au XVIIe siècle, avant le Concordat) ou n'ont jamais existé (comme c'est le cas de Imeria).

La tonsure
Nous avons maintenu cette expression obsolète, dont peu comprendront aujourd’hui la signification : « la tonsure lui fut conférée 16 décembre 1886 »
Le Concile Vatican II (1962-1965) a vraiment changé le look des prêtres.
Par le cinéma (les Don Camillo et autres) nous garderons l’image des prêtres en soutane.
Mais nombreux sont ceux qui ignorent qu’il il était de règle que les prêtres soient tonsurés jusqu’en 1972. Autrement dit « tondus » au-dessus de l’occiput sur l’espace d’un cercle de quelques centimètres de diamètre.
La tonsure était une étape importante dans la marche vers le sacrement du sacerdoce, un rituel impressionnant dans la cathédrale et une fête qui pouvait concurrencer celle de l’ordre (le sacrement de la consécration sacerdotale proprement dite).
Le Mercredi des Cendres c’est sur la tonsure qu’était imprimée « la poussière » symbolisant d’où l’homme vient et où l’homme va. Rite qui a été maintenu au front de tous les fidèles, le premier jour du Carême.

Mort six semaines trop tôt
C'est une particularité navrante du parcours de Mgr Cawet.
Sa nomination comme évêque coadjuteur a été annoncée le 23 janvier 1929 par Mgr Heylen. Nomination faite par le pape Pie XI « à la requête de l’évêque Mgr Heylen, évêque de Namur »,disent les textes.
Or un évêque peut être « assisté » par deux sortes d’évêques : un évêque coadjuteur et un ou des évêques auxiliaires.
L’évêque coadjuteur sera « automatiquement » le successeur de l’évêque du diocèse, désigné par celui-ci puisque le pape l'avait nommé coadjuteur « à la requête » de cet évêque.
Un évêque auxiliaire, quant à lui, a la « certitude » de ne jamais être promu successeur de son évêque.
Mgr Cawet, coadjuteur, était donc destiné à succéder à Mgr Heylen.
« Suite à une mauvaise chute » Monseigneur Cawet est décédé le 16 septembre 1941.
Monseigneur Heylen, quant à lui, le 28 octobre 1941.
« À une dizaine de jours près » écrivent des biographes, mais en fait à six semaines près, Mgr Cawet succédait à Mgr Heylen.
Et son épitaphe au cimetière de Houffalize mentionnerait « évêque de Namur » et non pas de Imeria.
Pour les lecteurs âgés, il intéressera peut-être de savoir que le successeur fut Mgr Charue, en poste jusque 1974. En principe, mais c’est à vérifier, il aurait donc confirmé tous les Houffalois nés avant 1962.

© René Dislaire

 

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