"Le Chat déambule", dans le Parc Royal, jusqu'au 10 Septembre

écrit par YvesCalbert
le 29/08/2023

Depuis le jeudi 09 mars, ayant bénéficié d’une heureuse prolongation, 22 sculptures – de 2m70 de hauteur, d’un poids de 2,5 tonnes, confectionnées dans la « Fonderie Van Geert », à Alost -, dont 2 inédites, du célèbre personnage, « Le Chat », créé par Philippe Geluck (°Bruxelles/1954), sont exposées au sein d’une allée du Parc Royal, à Bruxelles.

Plus qu’une bonne dizaine de jours pour les admirer, cette exposition temporaire prenant irrévocablement fin le dimanche 10 septembre, après avoir pris son envol sur les Champs Elysées, à Paris, du 26 mars jusqu’au 09 juin 2021, avant d’être présentée à Bordeaux, Caen, Genève, Monaco et Montreux, pour terminer son périple dans la capitale européenne, là où Philippe Geluck est né et où il a créé « Le Chat », le 03 mars 1983, vers 22h30, au moment même où un maître absolu de la BD, « Hergé » (George Remi/°Etterbeek/1907) rendait son dernier souffle  … Le « père » de  « Tintin » nous quittait lorsque « Le Chat » naissait …

Publié pour la première fois, le mardi 22 mars 1983, dans le quotidien « Le Soir », édité en albums, par « Casterman », depuis novembre 1986, « Le Chat » est sculpté par son créateur depuis 1987.

Avec sa sculpture « Le juste Retour des Choses » (2021), nous soulignons l’habituel humour de l’artiste, avec la plaque minéralogique de cette « Trevis », du constructeur japonais « Daihatsu », qui porte la mention « CKC – 2021 », nous évoquant une évidence : « c’est cassé ».

Au départ, Philippe Geluck, ayant repéré le modèle de voiture qu’il souhaitait utiliser et ayant appris qu’en Flandre,  un couple souhaitait se séparer d’un tel véhicule, il alla à leur rencontre. « C’était touchant parce que leurs sentiments étaient partagés entre la joie de savoir que leur véhicule allait servir pour une exposition, et l’émotion de la voir être écrasée après tant de bons souvenirs, comme des départs en vacances », confia-t-il à un collègue de Caen, alors que cette sculpture y était exposée.

N’étant plus à l’époque du « tout à la voiture », avec son « Chat » , qui nous aide à méditer, Philippe Geluck  poursuivait : « La voiture, qui a fait rêver tout un tas de monde à une époque, est devenue un monstre qui nous étouffe. »

A l’occasion de la visite de presse du jeudi 09 mars, sous la pluie, il était amusant de voir Philippe Geluck poser, un parapluie à la main, à côté de celui porté par « Le Chat », pour « Singin’ in the Rain », la différence étant que, tout logiquement, l’artiste se protège de la pluie avec son parapluie, alors que, surréalisme bien belge, de la pluie s’écoule du parapluie sculpté, arrosant « Le Chat ».

Ce jour là, Philippe Geluck déclara : «  ‘Le Chat’ revient à la maison. Contrairement au Tour de France, on a commencé sur les Champs Elysées, pour terminer sur nos Champs Elysées à nous, dans cette allée des maroniers. Il y a 3 ou 4 jours, j’accompagnais, sur ma vespa, les camions qui acheminaient ces sculptures. En passant devant les bureaux du « Soir », là où est né ‘Le Chat’, il y a tout juste 40 ans, j’ai été pris par une vraie émotion. C’est un moment inoubliable dans la vie d’un artiste, comme quand on publie son premier dessin. »

« Sept millions de visiteurs ont été accueillis au cours des précédentes éditions. Ce qui est magique c’est que toutes les générations s’approprient ces sculptures, qui sont muettes, parlant à l’international, les enfants imitant les postures du ‘Chat’. Autre satisfaction, en incluant la ‘Fonderie Van Geert’, à Alost, tout a été réalisé dans un rayon de 40 km, 45 personnes ayant trouvé un emploi, grâce à ce projet, qui mit à l’oeuvre sept entreprises belges. Assurément, l’emploi, c’est quelque chose d’important. »

Si l’échevine de la Culture, Delphine Houba, dit, en souriant : « Pour inaugurer cette exposition en plein air, nous avons commandé une bonne météo bien belge », de son côté, le bourgmestre, Philippe Close, déclara, à juste titre : «  ‘Le Chat’ nous fait réfléchir, tout en nous amusant. Par ailleurs, dans son projet de musée, je me réjouis que Philippe Geluck ait pensé aux caricatures de presse, la Ville de Bruxelles étant très attachée à la liberté d’expression. »

Au niveau de la réflexion sociétale, l’artiste évoqua sa sculpture « On en a plein le Dos », « Le Chat », inspiré par, « Atlas », l’un des « Titans hésiodiques » de la mythologie grecque, portant, ici, une sphère mondiale, remplie de plastique, ce qui ne laissa pas insensible le Prince Albert II de Monaco, concerné par la préservation des océans, dangereusement encombrés par la pollution du plastique.

Ou encore , une sculpture réalisée suite à l’attentat parisien, le 07 janvier 2015, de « Charlie Hebdo », le torse du « Chat » étant transpercé par des … crayons, semblables à ceux qu’utilisèrent ses collègues français assassinés, dont Georges Wolinski (°Tunis/1934) et Cabus (né Jean Maurice Jules Cabut/°Châlons-sur-Marne/1938), sans oublier l’une des deux nouveautés, créées pour la présente exposition, « Tragédie de Racine », des oiseaux se vengeant du prédateur brésilien Jair Messias Bolsonaro (°Glicério/1955), « ce ‘salopard’ qui a provoqué la déforestation de la forêt amazonienne » (dixit l’artiste), le corps du « Chat », représentant l’ancien président, étant livré aux becs des oiseaux.

Retirant le voile, avec l’aide du bourgmestre et l’échevine, recouvrant l’autre nouveauté, avant son inauguration, Philippe Geluck s’amusa : « Quand on voit ‘Le Chat’ de profil, l’on pense à un gros pervers, mais une fois de face, l’on découvre un joli petit oiseau », ce dernier représentant la « Beauté intérieure », nom donné à l’oeuvre.

L’artiste nous confia encore : « Ses sculptures sont d’abord fabriquée en terre glaise, qui est ensuite moulée, pour en faire une cire, puis un bronze. Compte tenu du poids des sculptures, il a fallu les poser sur des ‘plaques de répartition’, afin de ne pas endommager la voûte de la ligne 1 du métro bruxellois, située juste en dessous. »

« J’ai besoin de faire rire, d’apaiser. Aussi, à travers ces 22 pièces, j’espère apporter au public de la joie et une certaine poésie surréaliste que nous affectionnons tant en Belgique », poursuivit-il.

Fait « Officier des Arts et des Lettres », en 2017, recevant les insignes des mains de l’Ambassadrice de France en Belgique, Claude-France Arnould, il était, déjà,« Commandeur dans l’Ordre de la Couronne », en Belgique, en 2009, année durant laquelle il reçut le « Globe de Cristal de la meilleure BD », pour « Une Vie de Chat », le 15è tome de cette série, édité par « Casterman », en 2008. En 2013, à Bruxelles, Le « Grand-Prix Saint-Michel » lui fut décerné, alors qu’en 2017, à Louvain-la-Neuve, il fut le lauréat du « Prix Diagonale spécial 10 Ans », ayant, en 2006, gagné le ciel, l’astéroïde 181627 ayant été baptisée « Philgeluck ». Plus près de nous, en 2008, à Hotton, dont il est devenu citoyen d’honneur, l’on inaugurait la Place du Chat, avant qu’une école primaire ne soit baptisée  « Ecole Philippe Geluck », en 2009, à Herseaux, son nom étant repris dans le« Petit Larousse », depuis 2011.

 

En juin 2017, lors de sa réception à l’Ambassade de France, à Bruxelles, face à sa famille et autres invités, Philippe Geluck déclara : « J’ai l’impression d’être récompensé pour m’être follement amusé au cours de toutes ces années… Alors si on commence comme ça, sachez mes chers amis et mes chéris, qu’à mon tour je voudrais vous élever au plus haut rang de l’Ordre de l’amour et de l’amitié! Car ce que j’ai vécu avec vous tous en rigolade, en tendresse et en moments partagés mérite les plus hautes distinctions »… Qu’écrire de plus !

Dès 2008, Philippe Geluck rêva d’implanter, dans notre capitale fédérale, son « Chat Cartoon Museum ». C’est pour financer ce projet qu’il organise, depuis 2021, cette exposition itinérante « Le Chat déambule », chaque sculpture, ne pouvant être crée qu’en deux exemplaires, étant vendue à 350.000€.

Si la construction, tout en courbes et contre-courbes, du futur musée est confiée à l’architecte Pierre Hebbelinck, le lieu retenu pour réaliser ce beau projet, nous paraît tout indiqué, puisque, se situe à la rue Royale, voisinant les « Musées Royaux des Beaux-Arts » et le« Musée Magritte ». Sur plus de 3.000 m2, il sera divisé en trois parties : un espace dédié à la représentation historique des chats dans l’art ; un autre offert au caricatures de presse et dessins d’humour, ayant des chats pour thème ; et un troisième au « Chat », lui-même …

… Et dire qu’avant de créer « Le Chat », c’est son dessin d’un couple de chats, en 1980, pour illustrer le carton de remerciements, suite à son mariage avec Dany, qui fut le prémisse de cette grande aventure avec « Le Chat ». Lisons son propos : « J’ai dessiné une Madame Chat tout sourire, et à l’intérieur, on voyait Monsieur Chat qui était monté dessus, ce qui n’a pas plus à deux vielles tantes, à l’époque ! C’est comme ça que tout a commencé ! Plus tard quand ‘Le Soir’ m’a demandé d’inventer un personnage, je me suis souvenu du carton. La bestiole est devenue mon interprète, comme un acteur pour qui j’écris des sketches ! En fait, c’est un autre moi-même. À travers lui, je me libère. Je joue parfois avec le feu, mais c’est le rôle de l’humoriste ! ».

Visite gratuite, au sein du Parc de Bruxelles.

Livre-Catalogue, « Le Chat déambule » (Philippe Geluck/Ed. « Casterman »/cartonné/168 p./22,7 x 30,4 cm/25€).

Et surtout, n’oublions pas que « priver les gens de Culture est une bombe à retardement » (Estelle Dumas).

Yves Calbert.

Portrait de YvesCalbert
Yves Calbert

Yves Calbert