"Mari en Syrie", au "Musée de Mariemont", jusqu'au 07 Janvier 2024

écrit par YvesCalbert
le 24/12/2023

Profitons du congé scolaire, pour nous rendre à Morlanwelz, histoire de nous promener au sein du domaine royal de Mariemont (ouvert tous les jours de 08h à 18h), planté d’essences rares et d’arbres séculaire, les origines de ce  domaine de 45 ha remontant au XVIè siècle, créé à l’initiative de Marie de Hongrie (1505-1558), cédé à l’Etat belge  par Raoul Warocqué (1870-1917), bourgmestre de Morlanwelz, de 1900 à 1917.

Face au « Grand Bouddha », d’origine japonaise, acquis en 1917, à la demande de Raoul Warocqué, nous pouvons découvrir, au « Musée royal de Mariemont », la fort intéressante exposition « Mari en Syrie. Renaissance d’une cité au 3è millénaire », nous permettant de remonter au 3è millénaire avant notre ère.

Grâce à un partenariat d’exception, avec le « Musée du Louvre » (Paris) et la « Bnu » (« Bibliothèque nationale et universitaire » /Strasbourg), nous découvrons l’une des cités les plus importantes du monde mésopotamien, la mythique Mari.

Avec des pièces archéologiques exceptionnelles (statues figuratives, tablettes cunéiformes, …) illustrant la puissance et la richesse de la Ville de Mari à l’Âge du Bronze, prêtées par ces deux précieux partenaires, de  nombreuses photos et quelques diaporamas, nous revivons l‘exploration archéologique de ce site de Mari, l’un des berceaux de notre civilisation.

Cette ancienne cité syro-mésopotamienne se trouve sur le site actuel de Tell Hariri, situé à l’extrême sud-est de la Syrie, sur le moyen Euphrate, à 11 kilomètres d’Abou Kamal et à une dizaine de kilomètres de la frontière avec l’Irak.

Notre attention est attirée, notamment, plans à l’appui, par les fouilles du Grand Palais royal, qui nous ont permet d’avoir une connaissance très précise de l’organisation et de la vie d’un Grand Palais amorite du XIè millénaire, cœur politique et administratif de toute cité mésopotamienne.

Grand Palais royal de Mari/1936

Fort malheureusement, en 1761, le roi de Babylone, Hammourabi (ayant régné de 1792 à 1750 avant notre ère) fit piller ce Grand Palais royal, son armée y ayant mis le feu, détruisant, également, tous les grands bâtiments de la Cité, Mari perdant ainsi sa place dans le concert des royaumes du XVIIIè siècle avant notre ère.

Cette destruction marqua la fin du rôle joué par Mari, pendant un millénaire, qui unissait jusqu’alors les circuits économiques de la Syrie à la Mésopotamie.

Un hommage particulier est rendu à l’archéologue français André Parrot (1901-1980), qui découvrit le site et  dirigea les fouilles dès 1933, état devenu le premier directeur, de 1968 à 1972, du « Musée du Louvre »  (catalogue,p.33).

« Si vous êtes dans la capitale du Royaume de Mari, c’est une fortune incomparable », déclara, en 1933, l’archéologue français René Dussaud (1868-1958), conservateur au département des Antiquités orientales du  « Musée du Louvre ». 

Les travaux et les fouilles préventives des archéologues français Jean-Claude Margueron (1934-2023) et Pascal Butterlin ont suivi la même logique. En 2010, un ensemble de restaurations a été inauguré solennellement, avec le centre de visite et d’interprétation du site.

Depuis 2011, le site de Mari, pris dans la tourmente du conflit syrien, est l’un des sites archéologiques les plus pillés de la Syrie. Déjà inaccessible, de 1955 à 1961, il l’est à nouveau. D’où l’occasion unique offerte par le « Musée de Mariemont » de découvrir ce que fut cette ancienne capitale, référence de base pour la connaissance des villes et des royaumes de la Syrie et de la Mésopotamie.

Si la scénographie de l’exposition nous propose des agrandissements photographiques, en noir et blanc, des lieux et des fouilles, notons que les inscriptions figurant sur plusieurs statues permettent de connaître les noms de plusieurs rois et de leur entourage proche, donc de l’élite du royaume. 

L’histoire de Mari se décline en trois périodes préhistoriques, la première période, de 2900 à 2550 avant notre ère, et la seconde, de 2550 à 2300 avant notre ère, année qui vit la destruction de la Ville par l’armée du Roi d’Akkad,  qui était à la tête d’un Empire fondé par Sargon d’Akkad (décédé vers 2279/2277 avant notre ère), qui domina  la  Mésopotamie, à l’époque de la dynastie des Sakkanakku, de la fin du XXIVè siècle jusqu’au début du XXIIè siècle. Quant à la troisième période, elle s’étend de 2300 à 1760 avant notre ère, ayant commencé par la reconstruction de la Ville, l’édification du Grand Palais royal remontant à cette époque.

A partir de l’hiver 1933-1934, une cinquantaine de fouilles furent menées. Parmi les objets mis au jour, avec l’appui de centaine d’ouvriers syriens, se distinguent des dépôts de fondation en brique, en pierre ou en bronze, ainsi que des milliers de tablettes cunéiformes, faisant de Mari l’un des grands centres de développement de l’écriture.  Cette extraordinaire documentation textuelle a, notamment, été étudiée et décryptée par celui que l’on considère souvent comme le père de l’assyriologie belge, l’orientaliste liégeois Georges Dossin (1896-1933),  docteur en philologie classique (1921) puis en histoire et de littérature orientale (1923), professeur d’histoire de l’art de l’Asie Mineure, à l’ « Université de Liège ».

Considéré comme le siège principal de la vitalité et des émotions, les foies des animaux offerts en sacrifice étaient examinés, par les prêtres, pour en tirer des présages. Aussi, des foies divinatoires, créés en argile – qui pouvaient servir de pièces de démonstration pour les écoles de devins – furent trouvés dans le Grand Palais royal.

L’ambiance effervescente de ces fouilles est particulièrement bien rendue dans la présente exposition, les œuvres
à connotation religieuse y étant nombreuses, entre images de divinités, scènes d’offrandes et relevés de divinations. Elles côtoient des œuvres à caractère plus administratif, comme les sceaux-cylindres, voire, ayant une fonction plus commune, comme les moules à gâteau ou les céramiques, ou encore liées au pouvoir ou à la mémoire, comme les  portraits d’ancêtres shakkanakkus, sans oublier des paires d’yeux ayant appartenus à des statues ou encore le       « Lion de Mari », découvert en 1937, réalisé en feuilles de cuivre assemblées à l’aide clous (51, 8 x 76 x 46,5 cm),  gardien intemporel du « Temple aux Lions », mis en valeur sur l’affiche de l’exposition.

Concernant ces fouilles du XXè siècle, le catalogue, en page 287, nous révèle à quel point, encore en 1960, nous étions bien loin de l’égalité des genres pour le recrutement d’un (sans « e ») photographe : « Votre expédition en  Syrie m’intéresse beaucoup … naturellement. Je comprends aisément que vous préfériez un photographe Homme … Mais serait-ce trop difficile ou dur, ou impossible pour une femme ? », demandait Suzanne Fournier, qui se présentait comme une photographe expérimentée, âgée de 40 ans.

A titre d’exemple, voici une réponse adressée à un homme recommandant une femme : « Je crains malheureusement de ne pouvoir donner une suite favorable, car devant le grand nombre de candidats, je donnerai sans doute la préférence à un Homme. La région où nous travaillons est sévère, le climat très rude et cela m’oblige à une sérieuse sélection. » … Une réponse inconcevable en 2023 !

Au sein de ce cette exposition, nous trouvons, également – outre des copies de lettres et de laissez-passés d’archéologues -, des restitutions de peintures murales et trois calques reproduisant, grandeur nature, ces peintures murales de la « Chapelle 132 » du Grand Palais royal, présentés pour la première fois au public, le « Musée de Mariemont » ayant financé et réalisé la restauration (finalisée en 2022) de ces seuls témoignages que nous possédons de ces peintures illustres, désormais disparues.

Soulignons enfin que le « Musée du Louvre » est, depuis 1934, le seul musée occidental à accueillir des objets provenant de Mari, le « Musée d’Alep », en Syrie, étant le seul autre musée ayant abrité une collection similaire, dramatiquement endommagée par la présente guerre.

Pour le « Musée royal de Mariemont », nous proposer cette exposition, c’est entretenir la mémoire d’un site aujourd’hui meurtri, interdit d’accès, valorisant ainsi le patrimoine d’exception qui y a été découvert.

En résumé, quelques dates clés :
 – Fondée en 2900 avant notre ère, la Ville de Mari est conçue comme un point de contrôle territorial sur l’axe
des communications fluviales : « Ville I ».
 – Entre 2550-2300 avant notre ère, elle est un centre politique et religieux, contrôlant un vaste territoire :
« Ville II ».
 – Vers 2300/2250 avant notre ère, la Ville de Mari est détruite par les armées de l’Empire d’Akkad, avant d’être
progressivement reconstruite par les Šakkanakkus, à l’origine simples gouverneurs d’Akkad. S’émancipant
progressivement, ils redonnent à Mari toute son importance géopolitique, artistique et commerciale : « Ville III ».
 – Vers 1850 avant notre ère, une dynastie amorrite règne sur la Ville e Mari, jusqu’en 1759 avant notre ère,
lorsqu’elle fut détruite par les armées d’Hammurabi de Babylone.

Ouverture : jusqu’au dimanche 07 janvier 2024, du mardi au dimanche, de 10h à 17h (dernières entrées à 16h15).  Prix d’entrée (incluant l’accès à une seconde exposition, « Les Amis de Mariemont. Histoire d’une Passion », et aux colletions permanentes) : 8€ (réductions prévues). Catalogue (Ed. « Fédération Wallone-Bruxelles »/16 auteurs,  dont, nous venant du « Musée du Louvre », les commissaires scientifiques Sophie Clouzan & Jaroslaw Maniaczyk/ cartonné/302 p.) : 35€. Contacts : 064/27.37.41 & accueil@musee-mariemont.be. Site web : http://www.musee-mariemont.be/.

L’audioguide de l’exposition est disponible gratuitement, en ligne, via l’application https://izi.travel/fr. Nous pouvons,
ainsi, entendre les récits de vie de la déesse Ištar, de l’archéologue français André Parrot, en charge des premières fouilles, à Mari, ou encore d’un scribe, attelé à archiver la vie administrative sur les tablettes officielles.

Pour les enfants, de 06 à 12 ans, un dévernissage sera organisé le dimanche 07 janvier 2024, à 14h, des  histoires  étant contées et un atelier organisé, en plus de la visite de l’exposition, un petit goûter clôturant ce programme festif.

Jusqu’au mercredi 03 janvier 2024, dans le hall d’entrée, des panneaux, confectionnés par le « CIBB » (« Comité du Bouclier bleu »)-Section belge, évoquent la lutte contre pillage archéologique et le trafic illicite de biens culturels.

Notons encore que le « Musée royal de Mariemont » possède sa brasserie, avec une terrasse, ouverte, elle aussi, du mardi au dimanche de 10h à 17h. Réservations éventuelles : 064/27.37.63.

A noter que jusqu’au dimanche 02 juin 2024, une seconde exposition nous est proposée, au sein de la « Salle Carrée », intitulée : « Les Amis de Mariemont. Histoire d’une Passion ». Cette expo-focus, organisée à l’occasion de son 90è anniversaire, retrace l’histoire du « Cercle royal des Amis de Mariemont », nous permettant de découvrir  une série de pièces dont celui-ci a fait don au « Musée de Mariemont », tout au long de ces neuf dernières décennies.

Parallèlement à cette seconde exposition, un nouveau parcours audio, au sein des sections permanentes, nous permet également de (re)découvrir la diversité des œuvres acquises et offertes par ce « Cercle royal des Amis de  Mariemont ».

Yves Calbert.

Portrait de YvesCalbert
Yves Calbert

Yves Calbert