« Christian Sorg – Caminando », au « Delta », à Namur, jusqu’au 1er Août

écrit par YvesCalbert
le 31/03/2021

Le peintre français Christian Sorg Paris/1941), qui n’avait jamais exposé ses oeuvres dans la capitale wallonne, était à Namur, ce vendredi 19 mars, afin de présenter l’une des deux nouvelles expositions du « Delta »« Christian Sorg – Caminando – Peintures 2001-2021 », toutes les oeuvres exposées ayant été réalisées durant les vingt dernières années.

Il était accompagné de son fils, ce dernier étant le réalisateur d’un court-métrage, de 10 minutes, que nous nous devons de regarder, au début de notre visite, ces images nous présentant fort bien l’un des lieux d’inspiration de l’artiste, la grotte préhistorique d’Arcy-sur-Cure, un village sis en région de Bourgogne-Franche-Comté, dans le département de l’Yonne, à 20 km de la Ville de Vezelay. Il y a installé l’un de ses ateliers, dans lequel nous découvrons la manière dont il réalise une peinture, cette dernière, dont nous assistons, sur l’écran, à la création, se retrouvant exposée, à l’autre extrémité de la même salle.

A noter que nous trouvons 14 grottes et abris sous-roche à Arcy-sur-Curevillage d’environ 500 habitants, deux de ces grottes présentant des peintures rupestres,  datées, au carbonne 14, de 27.000 ans avant notre ère. Ces grottes sont les secondes plus anciennes de France, après la Grotte de Chauvet (36.000 ans avant notre ère) et bien avant celles de Lascaux (18.000 ans avant notre ère). Ces grottes d’Arcy-sur-Cure sont les plus anciennes, en Europe, encore ouvertes aux visiteurs.

Mais revenons au film qui nous est présenté, réalisé en 2019. Nous y voyons Christian Sorg découvrir, dans la  grande salle de ces grottes, un mammouth et son petit, peints à l’ocre rouge et au charbon.

De retour dans son atelier, il accroche une toile vierge, sur laquelle il place quelques traits, avant de s’en éloigner,  afin d’intéririoser son travail, pour s’en rapprocher ensuite, donnant des coups de pinceaux, allant s’asseoir face à sa toile, disant : « Je connais l’histoire et je sais ce qui se passe à chaque fois… Je dois rafraîchir ce que j’ai pu voir dans cet espace très particulier. »

De retour devant sa toile, il place d’autres traits, puis d’autres coups de pinceaux, poursuivant de même son travail, avec une impressionante énergie, ce processus se poursuivant tout au long de la réalisation, en trois jours, de  « Suite rupestre pour Arcy », une peinture accrochée au « Delta », à l’autre extrémité de cette même salle.

Pour peindre, il a, aussi, en tête les premières peintures rupestres, qu’il découvrit, adolescent, dans la Grotte  du  Pech Merleà Cabrerets, dans le département du Lot, ainsi que dans les authentiques Grottes de Lascaux, désormais fermées au public, mais également, depuis de nombreuses années, tant en France qu’en Espagne, où il possède un autre atelier – mis à sa disposition, dès 1992, par la « Fondation Noesis » de Barcelonne -, dans la  commune de Calaceite, sise dans la comarque de Matarraña,  dans la province aragonaise catalane de Teruel.

En ce lieu, où il est tombé sous le charme de ces paysages du Levant catalan et de ses habitants, comme en  BourgogneChristian Sorg aime circulerse balladermarcher dans la campagne, d’où le titre de la présente exposition, incluant le mot « Caminando » (« en marchant »). Appréhendant, ainsi, les paysages et tout ce qu’il voit, qu’il intérioriseà l’écoute des bruits de la naturedu vent, à la recherche d’une pulsion, d’une énergie, d’une  couleur, il se laisse émouvoir par tout un tas de stimuli extérieurs, qui déclenchent une réponse créative… 

… Ainsi, avec « La Nuit, la Campagne » (2008), il peint une nuit bleue espagnole, telle qu’exposée à Namur, face au film projeté, ou encore, accrochée à sa sa gauche« Le Matin, Calaceite » (2006).

Dans cette même salle, à l’autre extrémité, toujours inspirées par la nature – ici, par les montagnes les plus sauvages de la Catalogne méridionaleLos Estrets d’Arnes, sises à sept kilomètres du village d’Arnes, à 30 kilomètres au sud de Calaceite -, Christian Sorg expose deux oeuvres intitulées « Els Estrets » (2013).

A proximité, nous découvrons « Le Taureau », peint en 2001. L’artiste nous confia : « A Valderrobres, j’assistais à une corrida, voyant un taureau s’effondrer tout près de moi, sa tête tournée en ma direction, je fus marqué par cette image forte, à l’origine de cette peinture. » Cela rejoint le processus des Hommes du Néandertal, qui, observant des animaux dans la nature, les peignait sur les parois de leurs grottes…

C’est à la droite de ce « Taureau », dégageant une indéniable force, que nous trouvons « Suite rupestre pour Arcy  » (2019), cette oeuvre, pleine de vie, dont nous avons vue la création sur la vidéo réalisée par son fils.

A peine entrés dans la salle, nous avions découvert, sur notre droite, une première oeuvre notoire, aux couleurs chatoyantes, peinte en 2017, « Suite rupestre pour El Cogul, Danseuses d’El Cogul »Christian  Sorg nous en dit : « J’ai vécu une fête à El Cogul, localité catalane, et me suis imprégné des femmes dansant la main dans la main, un animal étant sacrifié à l’occasion d’un rituel de fertilité ».

L’artiste contemporain c’est, ici, inspiré de ce qu’il avait vu sur une paroi de la « Roca dels Moros » (« Roche des Maures »), un abri sous roche présentant des peintures préhistoriques levantin (10.000 à 3.500 avant notre ère), réputé pour une scène de danse unique, la plus ancienne offrant une scène du genre, dans l’art rupestre espagnol, présentant des femmes rouges et noires dansant autour d’une petite figure centrale dotée d’un phallus.

Christian Sorg s’est inspiré de cette représentation schématique, tentant d’en extraire l’expression de la vie, le  mouvement de la danse, nous offrant cette oeuvre des plus vivantes, laissant transpirer sa sensibilité à fleur de peau, sublimant les choses au-delà des apparences…

… Et l’artiste, lui aussi, tient à danser, du moins à marcher sur… une petite partie de cette toile, le critique d’artcommissaire de cette expositionClaude Lorent, attirant notre attention sur les traces des pas de Christian Sorg,  qu’il laissa au bas de cette oeuvre imposante, dressée toute en hauteur.

Cela recoupe tout à fait son propos, lorsqu’il parle de ses peintures : « Je ne suis pas avec elles, je suis dedans, je vis les ambiances, les impressions, les paysages,… »

De même, comme le faisait l’Homme du Néandertal, avec de la terre rouge, Christian Sorg a posé, parfois, l’empreinte peinte d’une paume de main sur certaines de ses toiles. Ainsi, il déclare : « En 2014, dans la galerie du ‘Théâtre de Privas’, lors de l’exposition ‘Les Artistes de la Grotte Chauvet et les Artistes  contemporains’, à l’occasion de l’ouverture du fac-similé de la ‘Grotte Chauvet’, exposant ‘Mains in-Verses’ (oeuvre non présentée à Namur/ndlr), j’ai utilisé l’empreinte de la paume de la main, dans des vibrations de couleurs jaune, rouge et  marron. Je retiens la présence très forte qui vient des parois, car il n’y a pas de démonstration picturale par rapport à un sujet choisi. J’aime cette présence par rapport au temps qui passe… » 

Sous deux toites supsendues, porteuses du même titre, « Arcy », réalisées en août et septembre 2020, nous trouvons deux vitrines présentant les originaux d’illustrations réalisées pour deux recueils de luxe de poésies, publiés l’un par les « Editions du Bourdaric », et l’autre par « Rémy Maure ».

A quelques mêtres de la sortie, selon le sens obligémarqué au sol, nous trouvons « Peinture de Fête » (2013), une oeuvre coloréelumineuse, pleine de cette joie de vivre, dont nous avons tant besoin actuellement, son travail étant vigoureux et souple, tout à la fois. Libre à chacun d’y voir des serpentins ou autres…

A un collègue du magazine d’arts plastiques « Art Absolument », fondé en 2002, Christian Sorg confia :  « Adolescent, je possédais des moulages des Vénus de Brassempouy (aussi appelée « Dame à la Capuche »/ 3,65 cm de hauteur/trouvée dans la « Grotte du Pape »/ndlr)de Lespugue (1,5 cm/dans la « Grotte des Rideaux ») et de Willendorf (11 cm/sur le site d’une ancienne briqueterie), ainsi que de deux taureaux. Depuis, ces moulages n’ont jamais quitté mon atelier. Dans ma bibliothèque figure l’ouvrage ‘L’Art de l’Epoque du Renne en France’, rédigé par l’abbé Breuil (Henry Édouard Prosper Breuil/1877-1961/ndlr), acquis chez l’éditeur des ‘Cahiers d’Art’Christian Zervos (1889-1970/ndlr). »

A noter que les trois Vénus originales, citées par l’artiste, exposées dans différents musées, comptent parmi les  statuettes féminines les plus célèbres de l’art paléolithique, les deux premières citées ayant été sculptées dans de l’ivoire de mammouth, la troisième, l’ayant été dans de la roche calcaireBrassempouy (moins de 300 habitants) étant un village sis en Nouvelle-Aquitaine, dans le département des LandesLespugue (moins de 100 hab.), en  Occitanie, dans le département de Haute-Garonne, et Willendorf (environ 900 hab.), dans le district de  Neunkirchen et le land de Basse-Autriche.

Soulignons que l’artiste, enfant, s’intéressa à l’activité professionnelle de son grand-père photographe, étant impressionné par le face à face distancié avec le modèle photographié, sa présence dans l’ espace et le passage de l’ ombre à la lumière.

Christian Sorg suivit une formation aux « Arts Appliqués », à Paris, ayant choisi l’atelier de sculpture, ce qui lui apporta une maitrise essentielle du dessin. De 1961 à 1965, il poursuit sa formation à l’ « Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts » de Paris, mais, également, au « Cabinet des Dessins du Louvre ».

A Madrid, il fréquenta une école française à l’étranger, répondant au nom de « Casa Velazquez », s’imprégant des  oeuvres exposées au « Prado » – telles celles de Francisco de Goya (1746-1828),« El Greco » (1541-1614) et  Diego Vélasquez (1599-1660) -, comme il l’avait fait au « Louvre » et dans bien d’autres Musées d’Arts…

C’est dans les années ’80 que son travail devint plus gestuel et sensuel, alternant des éléments de forme libre et des compositions à structure rigide. Ainsi, Christian Sorg nous propose des gestes amples, libres - à l’opposé des formes géométriques maîtrisées -, des contrastes intenses et des explosions de couleurs inspirées de la nuit des temps et d’une nature saisie dans son instanéité.

L’écrivain et poète français Hubert Lucot (1935-2017) écrivit : « Sorg ne capte pas la ligne mais les traits, traits renforcés. Il vide le motif ou au contraire le sature pour atteindre dans les deux cas à un absolu qui est la matière, l’espace, le signe. »

De son côté le peintre parisien François Jeune (°Lyon/1953) écrivit : « Dans le travail qui se fait et se défait,            s’efface, se reconstruit, naît une écriture – transcriptions, traces, dessins, saisie calligraphique – qui font vibrer la totalité de ce qui est peint. Totalité mise en place à coups d’ essais de prises de risque et d’ approfondissement. Voilà ce qui fait innovation dans la peinture de Christian Sorg, par ce type d’ inscription en se situant dans le champ de l’ expérience, du possible. La peinture comme acte de présence. »

« Dans ses œuvres, la couleur est bouillonnement, le geste ample, libre et généreux, mais loin d’un quelconque expressionnisme. L’ objet est motif, thème. L’ espace pictural que restitue Sorg est un chaos visuel mais c’ est déjà le chaos du Réel. »

Compulsant le feuillet de présentation de cette expositiongracieusement offert à l’accueil du « Delta », nous pouvons lire un texte de son commissaireClaude Lorent : « Ce ne peut être un hasard que ces deux sites, Arcy-sur-Cure et Calaceite offrent des paysages inspirants, lieux chargés d’histoire depuis la préhistoire. Des horizons où les lumières saisonnières soumises aux variations diurnes ou nocturnes apportent des vibrations résonnant comme des ondes chromatiques. »

« Différemment d’un lieu à l’autre, mais avec cette même densité qui imprègne l’être qui s’y meut disponible à l’écoute de ces terres. Toutes les peintures de l’artiste tressaillent de ces énergies souveraines, non domestiquées, et perceptibles uniquement mais puissamment en son seul for intérieur. Ces bravoures picturales, de pure puissance poétique, pénètrent en profondeur les éléments imperceptibles aux regards et en sont les reflets mouvants, inédits, vigoureux ou plus tendres, indicibles par les mots. »

« Des œuvres existant exclusivement, intuitivement, par le sensible pleinement intériorisé. Les gestes qui les composent, chargés de tonalités nuancées, sont comme des accumulations de haïkus colorés, issus d’une longue maturation et livrés en célébration d’un réel éprouvé par les sens en éveil autant que par un physique perméable. Cette peinture est celle d’un projet de long terme qui fait basculer l’art hors de ses catégories au profit d’une écriture pulsionnelle, hautement sensible, gorgée d’émotions, qui, comme le disait Nolde (Hans Emil Hansen/peintre expressionniste et aquarelliste allemand/1867-1956/ndlr), ferait qu’un ‘tableau ait l’air de s’être peint lui-même’ ».

Sur l’une des terrasses du « Delta », à hauteur de l’« Espace muséal », des sculptures nous attendent, dans toute leur intemporalitéoeuvres d’un ami de Chrisitian Sorg, avec qui ce dernier a déjà collaboré pour des oeuvres à quatre mains, Johan Parmentier (°Tielt/1952).

Travaillant la pierre, ce sculpteur écrivit : « La pierre est détachée du temps et, simultanément, elle le porte en son sein. Mon travail consiste en la recherche d’un langage plastique, qui dépasse la relation matière-temps. »

Une sculpture terminée, cet artiste, ayant étudié son art au « Sint-Lucas Insituut »à Gent, aime déclarer : « J’ai fait mon travail… C’est maintenant au tour de la lumlière de sculpter autrement », ce qui peut expliquer pourquoi ses sculptures profitent de la lumière extérieure namuroise

Ouverture : jusqu’au dimanche 1er août, du mardi au vendredi, de 11h à 18h, le samedi et le dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée (incluant l’accès à l’exposition « Martine Canneel – Au Soleil du Grand Est », ainsi qu’à l’espace muséal permanent) : 5€ (3€ et 1€, en prix réduits / 0€, pour les moins de 12 ans et les « Art. 27 »).  Réservations obligatoires : via le site web : http://www.ledelta.be. Contacts : 081/77.67.73 et arts.plasiques@province.namur.be.

Notons que la Galerie d’Art contemporain « Rive Gauche » prolonge le dialogue entre le peintreChristian Sorg, et le sculpteur, Johan ParmentierOuverture de la Galerie : jusqu’au dimanhe 18 avril, du jeudi au samedi, de 11h à 18h30, ou sur rendez-vous. Entrée libreContacts : 0477/39.18.70 et info@rivegauche.be.

Régles sanitaires : tant au « Delta » qu’à « Rive Gauche », obligation du port du masque bucal et du respect d’une distanciation physique d’1m50 entre les « bulles » sociales. 

Yves Calbert.

 

 

 

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