Hikikomori, ces adolescents en retrait

écrit par RobertMARY
le 03/04/2021

ひきこもり, ou « hikikomori » en japonais  signifie « personne vivant en marge de la société », il s’agit de personnes se retirant de la société par rejet de la compétition qu’elle soit d’origine scolaire ou professionnelle. L’isolement est vécu comme sécurisant face au monde extérieur considéré comme oppressant.

Le hikikomori est un syndrome de retrait à domicile pour une durée minimale de 6 mois consécutifs, décrit chez des adolescents et jeunes adultes japonais. L’approche culturelle et sociologique est privilégiée au Japon où une compréhension psychiatrique a longtemps été refusée.

Les hikikomori représentent 700.000 personnes au Japon. Le phénomène se cumule le plus souvent à un autre : l’addiction aux écrans (et aux jeux vidéo) mais c’est la conséquence du choix de la déscolarisation et non la cause. La fin de l’emploi à vie au Japon a vécu, la pression scolaire garantissait l’emploi or ce ne fut plus le cas et certains jeunes se sont mis en rupture scolaire car à leurs yeux l’effort à consentir n’en valait plus la peine. Ils sont dans une logique de type « aquoiboniste » (« à quoi bon passer des diplômes ?, la crise sociale est telle que je ne trouverai pas d’emploi de toute façon, … »). Les hikikomori n’existent pas qu’au Japon, il existe aussi des groupes de personnes recluses en Occident (et ces communautés de pays différents communiquent d’ailleurs entre elles via internet).

Ils ont en général 30 ans (hommes et femmes de 15 à 35 ans, cependant 80% des hikikomori sont des hommes) et vivent reclus chez eux (ils ne sortent que pour se nourrir). La cause de leur état est souvent une contestation non politique mais subjective du système ultra-compétitif qui selon eux cause trop de pression sur l’individu. La relation fusionnelle mère-fils et l’absence du père joueraient également un rôle dans la cause de cette « pathologie » non reconnue au Japon.

La pédo-psychiatrie n’existe pas en tant que telle au Japon (même si des psychiatres créent bénévolement des groupes d’aide à ces personnes en souffrance), la société ne prend donc pas en charge ce problème dès lors les parents  ne peuvent faire soigner leurs enfants et les problèmes s’aggravent. Un enfant qui s’absente de l’école ne peut pas y retourner aisément car la culture japonaise est une culture de la honte. Ces deux facteurs expliquent pourquoi le phénomène hikikomori s’est plutôt développé au Japon.

Le hikikomori vit une « pathologie du retrait faite d’une passivité active », il évite le monde en ne répondant pas aux obligations sociales de la société moderne, il perd donc les possibilités que cette société peut lui offrir, plus grave pour un adulte en devenir, il évite aussi d’entrer dans une dynamique de transformation personnelle qui s’opère par précisémment la socialisation. Bref cela empêche d’une certaine façon un adolescent de devenir adulte.

Le livre est écrit par une équipe franco-japonaise, il est très intéressant selon moi car il montre une approche multidisciplinaire du sujet (sociologique, anthropologique, psychiatrique, psychopathologique, ...) et il est illustré par de nombreux exemples (ainsi un jeune adulte japonais échouant de peu lors de son examen de promotion verra sa vie basculer totalement du jour au lendemain, …).

Le sujet est grave, il concerne aussi l’Occident et mérite notre attention.

En Occident un jeune se met en général en retrait social suite à un échec dans sa phase de socialisation tandis qu'au Japon la personne peut aussi se mettre en retrait par simple peur de l'échec dans la société en anticipant ce dernier (le japonais anticipe l'échec sans l'avoir vécu et le retrait social correspond à un évitement tandis que l'occidental aurait vécu l'échec et se retire de la société en conséquence).

Ceci dit, le phénomène hikikomori pose une bonne question: les idéaux de nos sociétés modernes sont-ils devenus des impératifs sociaux insupportables pour lesquels il serait peut-être préférable de s'abstenir puisque offrant peu et exigeant trop ?

Maïa Fansten, Cristina Figueiredo, Nancy Pionné-Dax, Natacha Vellut (dir.), Hikikomori, ces adolescents en retrait, Paris, Armand Colin, col. « Regards psy », 2014, 212 p., ISBN : 978-2-200-29166-2.

 

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