Les mots allemands rescapés de guerre en Ardenne

écrit par ReneDislaire
le 18/03/2016
General Georg Peiffer, qui connut aussi bien Stalingrad que l'Ardenne...

Pendant cinq ans, il y eut l'Occupation.
Qu’en est-il des mots allemands demeurés en usage dans notre région, ou du moins dans sa mémoire ? Pas grand chose n’y était entré, et presque rien n'a subsisté.
La schlague, le coup, prononcé « schlag » avec un « a » bref, comme en allemand. Demeurera argotique ou littéraire.
Kaputt (prononcé capout’), zigouillé, hors d’usage, était fréquemment utilisé après la guerre, Tombé en désuétude, tant ici qu’en Allemagne.
Raouss ! (à prononcer comme dans « drap-housse », et non pas comme le « raus » allemand). Un violent « Dehors, à la porte ! ». Un mot devenu inusité, sauf dans un contexte comique, comme le théâtre en wallon.
Eier (à prononcer comme « ailleurs »), des œufs ! Hurlement encore dans les oreilles des villageois âgés. « On veut des œufs ! », c’était le bonjour des soldats affamés faisant irruption dans les fermes.
Verboten, schtreng verboten : interdit, strictement interdit
Schlaffen: dormir. Il y a plusieurs explications à l’usage de ce mot juste après la guerre. L’ordre des Allemands donné aux habitants le soir, ou la supplication de ceux-ci lors des rafles nocturnes, pour ne pas réveiller les enfants.
Ersatz, produit de remplacement de qualité inférieure. Ce mot fait son entrée en 14-18, et renforce sa position en 40-45. N’appartient plus qu’au langage « relevé ».
Achtung! Attention! C'est tout autant un mot ramené par les prisonniers de guerre. Et il est loin de refléter le romantisme de la langue de Goethe.
Stempel: le cachet, le cachet-tampon. Inutile de dire l'importance de cette marque indispensable sur un "Papier" (pron. "papîr"), autre mot qui qui a donné des sueurs froides à tant de personnes. Est sorti de l'usage courant. Même racine que "estampiller".
Feuer ( prononcé foy'heur), feu. C'est plus par les films de l'immédiat après-guerre que ce mot s'est répandu. Feu! L'ordre donné pour tirer, au combat ou lors d'une exécution. Ce mot était utilisé par les jeunes qui demandaient, ou qui proposaient du feu à un copain pour allumer une cigarette.
Gestapo, bunker, blockaus…
Certains mots, bien belges, n’ont bien sûr rien à voir avec la période de la guerre : bourgmestre, sarrau, prosit…eh oui, il y en a même des sympas ! En tout cas plus que cravache, putsch ou vampire.

Et vasistas?
Was ist das ? Qu'est-ce que c'est ? C’est un vantail (une fenêtre) mobile d’un type nouveau, une innovation allemande qui apparut après la guerre et en même temps, son nom.
On nous racontait que c’était l’exclamation des Français devant ce nouveau système, et que par dérision, les Allemands avaient ainsi baptisé cette nouvelle technologie à laquelle ils n’avaient pas trouvé de nom.
En réalité, ce mot est entré dans le dictionnaire de l’Académie française en 1798.
Et c’est à force de chuchoter des « Was ist das ? » à travers une petite « bawette » ou judas
de leur porte d’entrée, lorsque les réfugiés français affluaient de nuit demander asile, que les Allemands ont fait apparaître ce mot (nous étions aux années de la Révolution française).

Houffalize, le 18 mars 2016 René Dislaire

NB Signe de ce que les Français n’ont pas toujours considéré les Allemands comme des cordiaux amis, le français, qui compte environ 30.000 mots, n’a été « contaminé » au cours des siècles que par environ 300 mots allemands. Le vocabulaire allemand, de quelque 300.000 mots, se serait quant à lui enrichi de plus de 100.000 mots provenant du français, ou tout du moins latin.

René Dislaire ©
Du même auteur : l’Offensive dite des Ardennes (Houffalize, Bastogne, Baraque de Fraiture…) En fin de titre : nombre de lecteurs de l’article au 04.05.2017 ; total : 24.776
* Houffalize, le tank et Koursk 12
* Houffalize, son char, son tank, son Panzer, son Panther 38
* Au pont de Suhet à Houffalize, de la neige comme en 1945 /2150
* Schaerbeek : c’est les Allemands qui ont bombardé Houffalize 905
* Décembre 2007 – La marche du périmètre de Bastogne 3631
* 2007 - Présentation de la Marche du souvenir et de l’Amitié 3993
* Houffalize, le monument aux morts de la guerre guère photographiable 1170
* Houffalize, ground zero (impacts des bombardements) 1369
* La grande gueule de Patton (peinture de Marie-Élise) 1528
* Bastogne, ses vainqueurs et ses artistes (de Fernand Léger à Marie-Élise) 1169
* Bastogne. Le testament de l’officier allemand 1254
* Le Kamfgruppe de Peiper (présentation d’un livre, en français) 2356
* Inauguration du monument érigé par le C.R.I.B.A. à la Baraque de Fraiture (2007) 1178
* Battle of the Bulge memories - 2007Inauguration at the Baraque de Fraiture
* Les mots allemands rescapés de guerre en Ardenne 365
* Houffalize en janvier 1945. Poème en wallon de M. Léonard, traduction R. Dislaire 1688
* Interview (2010) : Paul Delsemme, le plus jeune prisonnier de guerre houffalois 1742
* Paul Delsemme, le dernier ancien prisonnier de guerre houffalois, est mort (2017) 228

=====================
Du même auteur, langue et linguistique :
* Les mots allemands rescapés de la guerre en Ardenne
* Mots et expressions, souvenirs de la période espagnole en Belgique
* Le parler propre au football autrefois
* Douze mots en wallon sur le jardin potager
*Petit glossaire brusseller d’une adresse au Manneken-pis après les attentas du 22 mars 2016
* Le jargon anglais des sms
* Portable, gsm, sms: un langage, un sociolecte
* Les émoticônes: smiley, sms, facebook, forums...
* Les sms, du français phonétique

  • General Georg Peiffer, qui connut aussi bien Stalingrad que l'Ardenne...
1761 lectures
Portrait de ReneDislaire
René Dislaire